Comptes rendus : Analyse de politique étrangère

La politique étrangère des États-Unis. Fondements, acteurs, formulation.David, Charles-Philippe, Louis Balthazar et Justin Vaïsse. Coll. Académique, Paris, Presses de sciences Po, 2003, 382 p.[Record]

  • Jérôme Montes

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  • Jérôme Montes
    Institut d’études politiques
    Toulouse, France

L’élaboration de la politique étrangère des États-Unis est d’une telle complexité qu’elle constitue, désormais, un champ d’étude à part entière des sciences sociales anglo-saxonnes et, notamment, de la science politique. Bien qu’abondante, la littérature francophone sur le sujet aborde généralement la politique étrangère américaine sous des angles spécifiques : place de l’idéologie (E. Marienstras), rôle de la présidence (M.-F. Toinet), poids du Conseil de sécurité nationale (C.-P. David), influence du style national (S. Hoffmann)… L’originalité de cet ouvrage tient donc à sa capacité à proposer une vue d’ensemble qui agrège ces différentes contributions. Au-delà des apports du droit constitutionnel et de la science administrative, les professeurs David, Balthazar et Vaïsse ont recours aux diverses approches de la science politique américaine et des relations internationales. De la sorte, les auteurs ajoutent aux connaissances sur la politique étrangère des États-Unis grâce à un effort d’analyse qui porte tant sur les fondements que sur les mécanismes et les acteurs de cette politique. Rédigées individuellement par chaque auteur, les trois parties du livre traitent successivement des fondements, des acteurs et de la formulation de la politique étrangère américaine. Dans la première partie, consacrée aux lieux d’élaboration de la politique étrangère, Louis Balthazar se concentre sur la Constitution, le cadre culturel et les grands courants de pensée. En déterminant la nature du régime politique, le cadre constitutionnel (chap. 1) définit l’essence des pouvoirs et organise leurs rapports. Il est essentiel, notamment, de prendre en considération le legs des Pères fondateurs (fondements de l’Union, Convention de Philadelphie) pour déchiffrer le fonctionnement des institutions et les débats constitutionnels relatifs à l’autorité du Congrès et à la suprématie du président. Parce que l’histoire et la géographie ont conduit les Américains à se forger une vision singulière du monde, le cadre culturel (chap. 2) occupe, lui aussi, une place cruciale dans la définition du « style national » de la diplomatie. Persistant à travers les époques, ce style prend sa source dans des éléments historiques (fondamentalisme, individualisme, libéralisme, rejet de l’histoire) autant que politiques (isolationnisme et souverainisme). Il se manifeste par une destinée manifeste (ethnocentrisme, isolement culturel, paranoïa) et une pensée experte (consensus idéologique), mais reste susceptible d’évoluer. Toutefois, le consensus idéologique sur les objectifs (puissance, paix, prospérité et principes) n’exclut pas l’existence de débats animés autour des moyens à prendre pour promouvoir ces buts (chap. 3). L’histoire des grands courants de pensée politiques (débat originel Hamilton/Jefferson, typologie établie par W. Mead) permet, ainsi, une meilleure compréhension des controverses contemporaines autour de l’isolationnisme, de l’idéalisme, du réalisme ou de l’interventionnisme libéral. David Grondin complète cette analyse des grands courants de pensée politiques par une étude du cadre théorique présentant les différentes approches académiques (chap. 4). Ainsi, les différentes écoles de pensée préconisent pour les États-Unis sur la scène internationale une attitude, pour les uns (R. Kagan, W. Kristol et C. Krauthammer) unilatéraliste, pour les autres (écoles institutionnaliste, équilibriste et idéaliste) multilatéraliste voire, pour les derniers (écoles souverainiste, mondialiste et isolationniste antimondialiste), minimaliste. Dans la deuxième partie de l’ouvrage, Charles-Philippe David met l’accent sur l’importance de l’Exécutif dans la formulation de la politique étrangère américaine. Ainsi, le président (chap. 5) jouit d’une autorité « impériale » qu’il tire de pouvoirs formels (chef de l’État et du gouvernement), mais également du War Powers Act de 1973 et de ses qualités intrinsèques de leader. Il en découle différents styles présidentiels (pointés par J. Barber, F. Greenstein, R. Dallek ou T. Preston), ainsi que différents systèmes de gestion (compétitif, formel ou collégial). En raison de sa complexité, la machinerie étatique confère aux acteurs bureaucratiques (chap. 6) un poids considérable dans le processus d’élaboration …