Comptes rendus : Régionalisme et régions - Amériques

Roussel, Stéphane, The North American Democratic Peace. Absence of War and Security Institution-Building in Canada-us Relations, 1867-1958, Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2004, 258 p.[Record]

  • Dany Deschênes

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  • Dany Deschênes
    Programme Paix et sécurité internationales
    hei, Université Laval, Québec

Les relations entre les États-Unis et le Canada posent plusieurs défis aux analystes de relations internationales et de la politique étrangère. Deux attirent particulièrement l’attention en considérant l’asymétrie de puissance entre les deux États : comment expliquer l’absence de guerres entre ces deux voisins depuis près de deux siècles et pourquoi, dans la défense de l’espace nord-américain, la coopération entre les deux partenaires est de nature plutôt égalitaire ? C’est à cette problématique d’ensemble que s’attaque l’ouvrage de Stéphane Roussel. Issu de sa thèse de doctorat écrite originellement en français, l’ouvrage est composé de sept chapitres répartis en trois sections en plus d’un chapitre introductif, d’une préface et d’un avant-propos du professeur David G. Haglund de l’Université Queen. La première partie est consacrée à présenter les principaux aspects théoriques offerts par les théories des relations internationales pour tenter d’expliquer les raisons de la « longue paix » et de la coopération de nature égalitaire entre les deux voisins nord-américains ainsi que les choix effectués par Roussel pour expliquer cette situation. La seconde partie propose d’analyser l’évolution de la coopération en matière de sécurité et de défense à partir de la naissance du Canada, en 1867, jusqu’à la mise en place de l’organisation binationale de sécurité nord-américaine la plus connue et la plus importante, le norad, en 1958. La troisième partie conclut l’ouvrage. Dans le chapitre introductif, Roussel s’interroge sur l’existence possible d’un ordre libéral nord-américain qui permettrait d’expliquer, à la fois, l’absence de guerre entre les deux États, mais aussi le fait qu’à travers le temps, une forme de coopération de nature plutôt égalitaire a été mise en place dans le domaine de la sécurité et de la défense, malgré l’asymétrie de puissance manifeste entre les deux États. Pour l’auteur, ni le structuro-réalisme, ni le transnationalisme et ni l’institutionnalisme n’arrivent à expliquer cet état de fait d’une manière satisfaisante même si ces approches demeurent utiles. Ainsi, il suggère d’appréhender cette situation à partir de la théorie de la paix démocratique et de l’approche constructiviste, principalement les travaux de Risse-Kappen concernant la coopération entre les démocraties. Après la mise en place des justifications de son travail, la première partie approfondit les explications théoriques possibles pour comprendre les rapports canado-américains. Le chapitre deux s’affaire à proposer un survol bien structuré des caractéristiques générales des relations canado-américaines, dont l’asymétrie et les forces sociopolitiques libérales sont les plus saillantes. Par la suite, il analyse les théories générales développées pour comprendre la politique étrangère canadienne. Il s’agit de l’internationalisme (le Canada comme puissance moyenne) ; de la dépendance périphérique (le Canada comme satellite des États-Unis) ; le néo-réalisme complexe (le Canada comme puissance principale). Pour Roussel, ces approches théoriques de politique étrangère sont peu convaincantes pour diverses raisons, dont leur caractère davantage normatif qu’explicatif. Ainsi, il propose d’utiliser les ressources qu’offrent les théories de relations internationales pour appréhender les relations entre les deux voisins du Nord. Dans cette perspective, les chapitres trois et quatre font un survol des principaux aspects théoriques pouvant être utiles pour appréhender l’absence du recours à la force pour régler les différends et le caractère relativement égalitaire des relations canado-américaines. Plus précisément, le chapitre trois se propose de rechercher les facteurs égalisateurs qui permettent de comprendre le caractère particulier des relations entre le Canada et les États-Unis. Premièrement, Roussel interroge le réalisme et ses diverses écoles, de la stabilité hégémonique à la constitution d’un contrepoids. Si les hypothèses réalistes offrent des pistes explicatives utiles, elles sont incapables d’expliquer la persistance et le caractère égalitaire des interactions entre les deux voisins. Se tournant vers le transnationalisme et l’institutionnalisme …