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Cet ouvrage collectif s’inscrit dans le débat sur la gouvernance internationale de l’environnement. Il offre une contribution à la discussion sur les changements nécessaires afin d’améliorer l’efficacité du système de gouvernance mondiale dans le domaine de l’environnement. Il examine les principales institutions internationales qui le composent et aborde les différentes solutions institutionnelles qui sont mises de l’avant depuis une décennie.

En introduction à l’ouvrage, Chambers et Green brossent un portrait global des obstacles à la mise en oeuvre du développement durable à l’échelle globale. D’abord, la fragmentation des institutions internationales dans le domaine de l’environnement, l’absence de mécanismes de coordination adéquats, la spécialisation et le cloisonnement des politiques diminueraient l’efficacité du système de gouvernance. La complexité de la substance des politiques de développement durable, à laquelle s’ajoute l’incertitude scientifique, serait également problématique. Face à ce constat, les auteurs énoncent trois critères sur lesquels toute réforme devrait s’appuyer : la cohérence, la centralisation et la conformité.

Chambers, dans le premier chapitre, retrace l’historique de trente années de coordination des questions environnementales au sein des Nations Unies, du Sommet de Stockholm à celui de Johannesburg, en passant par Rio. Il met en lumière les conflits entre les différentes organisations des Nations Unies et les tentatives plus ou moins fructueuses de renouveler le Programme des Nations Unies pour l’environnement (pnue) à partir de 1997 afin de lui redonner un rôle plus central dans la coordination de la protection de l’environnement. Chambers conclut que le pilier environnemental du développement durable est faible par rapport à l’économique et au social et que le paysage institutionnel actuel est devenu si complexe qu’un renforcement des institutions environnementales est nécessaire. La coordination intersectorielle demeurera par ailleurs le plus grand défi à relever.

Les sept autres chapitres s’attachent chacun à explorer une option de réforme de la gouvernance internationale de l’environnement. Oberthür examine les potentialités et les limites du regroupement (ou clustering) des accords multilatéraux environnementaux (ame). Plusieurs types de regroupements sont envisagés, dont le regroupement des organisations (secrétariats des ame, par exemple), des fonctions des ame (financement, conformité, recherche scientifique, etc.), selon les régions ou selon les thèmes qu’ils couvrent (biodiversité, atmosphère, produits toxiques, etc.). Si le regroupement pourrait permettre de rationaliser le système de gouvernance, il risque aussi notamment de créer des dysfonctionnements et de rencontrer des obstacles légaux. Cette option devrait être vue davantage comme un cadre général pour une réforme que comme une recette à appliquer.

Le renforcement du pnue est une autre solution fréquemment évoquée. Tarasofsky s’y attaque et, après avoir décrit les rôles et fonctions du pnue ainsi que les processus de réforme en cours, il conclut que le succès de ces tentatives dépendra du soutien politique et financier des gouvernements et de la société civile. Les propositions visant le renforcement du pnue s’appuient sur ses forces (évaluation scientifique, formulation de politiques, structure régionale, etc.) et pourraient permettre une approche innovatrice et intégrative de la gouvernance. Elles seraient en mesure d’améliorer l’interface entre science et politique, le financement du pnue, la participation de la société civile et l’influence du pnue aux niveaux national et international.

L’option de réforme de la gouvernance la plus souvent citée est sans contredit la création d’une organisation mondiale de l’environnement (ome), dont traite Charnovitz dans le quatrième chapitre. Ayant émergé dans les années 1970, l’idée d’une ome a su rallier de nombreuses voix mais a aussi suscité de vives critiques. Cette proposition a aussi fait l’objet de nombreuses variantes qui privilégient toutes la centralisation à divers degrés. Charnovitz croit qu’une ome très centralisée n’est pas réalisable et propose plutôt de centraliser certaines agences et fonctions tout en reconnaissant que plusieurs institutions importantes devraient demeurer indépendantes afin de maximiser les bénéfices d’un certain degré de fragmentation (comme l’innovation). La création d’une ome demeurerait la meilleure option pour rationaliser la gouvernance internationale de l’environnement et devrait mettre l’accent sur la participation et l’efficacité.

Dans son texte sur l’Organisation mondiale du commerce (omc), Sampson avance qu’il est essentiel de développer une approche et une structure institutionnelle plus cohérentes pour faire face aux défis posés par l’économie mondiale, mais qu’il n’est pas souhaitable que l’omc élargisse ses responsabilités aux questions environnementales. Par contre, l’efficacité de l’omc à traiter les liens entre commerce et environnement pourrait être améliorée en effectuant certains changements au sein de l’organisation. Par exemple, le mécanisme de règlement des différends pourrait jouer un plus grand rôle dans le cas des litiges qui touchent à l’environnement et la notion de non-discrimination pourrait être revue pour permettre de distinguer les modes de production qui ont un plus faible impact environnemental.

Pauwelyn se demande si une approche judiciaire, avec la création d’une Cour internationale de l’environnement, ne pourrait pas être une solution aux problèmes de gouvernance internationale environnementale. Une telle approche aurait l’avantage de rehausser le statut du droit international de l’environnement (notamment par rapport au droit commercial), d’en minimiser les violations par les États, d’augmenter sa prévisibilité et de stimuler son développement. Par ailleurs, cette option devrait être considérée en conjonction avec une réforme plus globale de la gouvernance environnementale, idéalement la création d’une ome, puisqu’une Cour internationale de l’environnement ne pourrait être utile que dans la mesure où la cohérence des normes est améliorée.

Redgwell examine une solution peu populaire, soit la réforme du Conseil de tutelle des Nations Unies afin d’en faire un mécanisme de mise en application du droit international de l’environnement. L’auteure avance qu’il serait pertinent d’élargir la notion de tutelle à une plus vaste catégorie de ressources qui constituent une préoccupation commune de l’humanité (common concern of humankind) dans une perspective intergénérationnelle. Cette réforme permettrait au Conseil de tutelle de jouer un rôle de supervision, d’assurer la représentation des intérêts des générations présentes et futures et de donner une voix plus forte à l’environnement au sein de la structure des Nations Unies, un peu comme un ombudsman.

Enfin, Elliott s’intéresse à l’expansion du mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies pour inclure les questions environnementales. Elle affirme que l’intervention du Conseil de sécurité en cas de menace environnementale répondrait en fait à la stratégie énoncée par le Secrétaire général dans son Rapport du Millénaire. Plusieurs situations où une intervention serait justifiée peuvent être envisagées, comme l’imposition potentielle de sanctions économiques aux « délinquants environnementaux », la prévention des conflits environnementaux ou le renforcement du développement durable dans les missions postconflit. Même avec les risques qu’elle comporte, la « sécurisation » des questions d’environnement serait une méthode fructueuse à long terme pour résoudre les problèmes liés à l’insécurité et aux pénuries environnementales.

Cet ouvrage s’ajoute à une série de contributions apportées au débat sur la gouvernance internationale de l’environnement sans toutefois apporter véritablement d’idées ou d’analyses nouvelles. Comme la plupart des autres textes publiés sur la question, il omet de faire un examen approfondi des problèmes de gouvernance et met l’accent un peu trop rapidement sur les solutions. De plus, les critères pour une meilleure gouvernance que les codirecteurs mettent de l’avant dans l’introduction sont discutables et ne sont pas justifiés par les auteurs ; il n’est pas évident, par exemple, que la centralisation institutionnelle soit un critère essentiel ni d’ailleurs souhaitable. L’ouvrage a tout de même le mérite d’offrir un point de vue sur différentes options de réforme, même parmi les moins populaires, sans se concentrer uniquement sur le débat qui oppose défenseurs et détracteurs d’une organisation mondiale de l’environnement, un débat qui monopolise souvent les discussions et la littérature sur le sujet. Ainsi, cet ouvrage s’avère un outil utile pour faire le point sur le débat.