Comptes rendus : Études stratégiques et sécurité

Andréani, Gilles et Pierre Hassner (dir.), Justifier la guerre ? De l’humanitaire au contre-terrorisme, Paris, Presses de Sciences po, 2005, 373 p.[Record]

  • Justin Massie

…more information

  • Justin Massie
    Chaire de recherche du Canada en politiques étrangère et de défense canadiennes
    Université du Québec à Montréal

Les interventions militaires soulèvent plusieurs interrogations et dilemmes auxquels bon nombre se sont déjà attardés, selon les contextes sociopolitiques nationaux et internationaux de l’époque. Avec la fin de la guerre froide et les attentats terroristes du 11 septembre 2001, les questions de la justification morale du recours à la force, du vocable employé pour le faire, des moyens stratégiques privilégiés ainsi que des sources d’autorité et de légitimité prennent un sens différent à mesure que les États adaptent leurs comportements. En ce sens, l’ouvrage sous la direction de Gilles Andréani et de Pierre Hassner arrive à point, car les réflexions et les réponses qui y sont proposées éclaircissent plutôt qu’elles n’obscurcissent le lecteur sur les dilemmes moraux posés par les interventions militaires d’aujourd’hui. À partir des conflits dans les Balkans, en Afghanistan et en Irak, les quatorze contributeurs de Justifier la guerre ? tentent de répondre à ces dilemmes. Produit d’un colloque scientifique, l’ouvrage collectif s’adresse aux initiés en relations internationales. La perspective multidisciplinaire adoptée a de quoi plaire autant aux politologues, aux juristes qu’aux philosophes. Elle n’approfondit cependant pas autant que souhaité les débats théoriques en relations internationales, politique étrangère, droit international et philosophie politique liés aux dilemmes moraux abordés. Andréani et Hassner signent une introduction qui met en contexte chacune des trois parties de l’ouvrage. Les auteurs soulignent d’abord le « retour de la morale », où l’humanitaire et le sécuritaire s’entremêlent, et où le nécessaire mais difficile équilibre entre morale et droit doit s’établir. Ils posent ensuite leur regard sur les «nouvelles menaces», nommément le terrorisme international et la prolifération d’armes de destruction massive, et font état des diverses stratégies possibles pour y répondre, de la doctrine de préemption à l’inaction. Enfin, ils introduisent les thèmes de légitimité et d’institutions internationales en s’interrogeant quant aux différentes paix possibles, « par l’empire ou par la loi, par l’équilibre ou par la coopération ». Cinq auteurs se penchent, dans une première partie essentiellement théorique, sur le jus ad bellum (la guerre juste) et le jus in bello (la conduite de la guerre). Adam Roberts (chap. 1) présente une interprétation de chacune, estimant que l’on doit élargir l’idée de guerre juste à celle de « recours justifiables à la force militaire », où y serait inclue la notion de « paix juste » pour la période post-intervention. Michael Quinlan (chap. 2) tente quant à lui d’appliquer la théorie de la guerre juste au recours à la guerre et à la conduite de la guerre, mais s’attarde surtout à l’intervention militaire en Irak (2003). Christian Mellon (chap. 3) offre une analyse fort intéressante de l’adaptation et de la réinterprétation des positions de l’Église catholique vis-à-vis du recours à la force. Parmi les positions actuelles de l’Église, il souligne, entre autres, le devoir de venir en aide aux victimes ainsi que la condamnation de la guerre sainte. Ariel Colonomos (chap. 4) présente habilement certaines contradictions du modèle de la guerre juste et montre, en se servant du cas de la guerre en Irak, les reproductions actuelles de ces contradictions. Enfin, Éric Chevalier (chap. 5) se penche sur les leçons à tirer des situations d’après-guerres (Balkans, Afghanistan, Irak et Haïti) pour évaluer si la situation est plus satisfaisante après l’intervention qu’avant. Il plaide notamment pour l’affichage d’objectifs réalisables, pour une stratégie inclusive d’abord, puis progressivement plus sélective dans le choix des acteurs avec qui traiter. La seconde partie de l’ouvrage aborde les questions liées à la « guerre contre le terrorisme ». Adam Roberts (chap. 6) signe un second texte où il présente plusieurs propositions (ouvertement simplificatrices) que révèle une analyse « historique …