Comptes rendus : Régionalisme et régions - Canada

Chapnick, Adam, The Middle Power Project. Canada and the Founding of the United Nations, Vancouver, ubc Press, 2005, 210 p.[Record]

  • Charles Létourneau

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  • Charles Létourneau
    Chaire de recherche du Canada en politiques étrangère et de défense canadiennes
    Université du Québec à Montréal

Il est particulièrement difficile de lire sur la participation du Canada dans le processus de création des Nations Unies sans avoir une impression de déjà vu. Un nombre ahurissant d’ouvrages a déjà été publié sur ce que plusieurs qualifient comme étant le balbutiement de l’internationalisme canadien. Il s’agit certainement d’un des épisodes de la politique étrangère du pays qui a été le plus étudié. Puisqu’un sujet comme celui-ci nécessite une compréhension très poussée des différentes tractations politiques ainsi que du processus de prise de décision, la plupart des recherches écrites jusqu’à présent étaient fondées sur les mémoires de certains acteurs, ou encore sur des biographies. Ces ouvrages, quoique intéressants à maints égards, offrent souvent une vision biaisée de la réalité. Dans ce sens, The Middle Power Project jette un éclairage nouveau sur un sujet qui semblait sur-étudié, puisqu’il s’appuie sur des sources officielles jusqu’alors inaccessibles au grand public et sur des documents personnels de plusieurs personnages clés de cette période. De par cet ouvrage, Chapnick cherche à mettre un bémol sur plusieurs mythes entourant la place qu’a eue le Canada dans la mise sur pied des Nations unies. Premièrement, il soutient que la délégation canadienne à San Francisco n’était pas guidée par l’internationalisme pearsonien, mais plutôt par le pragmatisme du premier ministre Mackenzie King. Deuxièmement, il apparaît que les Canadiens ont dû se résigner à ne pas promouvoir de façon trop radicale le fonctionnalisme, si cher à Hume Wrong, ainsi que le concept de puissance moyenne, afin d’éviter l’échec des négociations multilatérales, déjà mises à rude épreuve par le schisme idéologique qui régnait entre les grandes puissances. Troisièmement, il semble que, contrairement à la croyance populaire, le Canada ne s’est pas démarqué comme étant l’État meneur des « petites puissances », ou encore représentant des puissances moyennes. Chapnick estime plutôt que ce titre revient à l’Australie, qui était représentée par le persuasif Herbert Evatt. Finalement, The Middle Power Project dresse le portrait d’une délégation canadienne jeune, inexpérimentée, dotée de peu de moyens financiers, mais surtout divisée sur le plan idéologique. La rétrospective débute quelques années avant que la Deuxième Guerre mondiale éclate. Chapnick rappelle que le Canada ne s’est pas véritablement intéressé à l’élaboration des institutions post-guerre avant 1941. Le fait que le président Roosevelt et le premier ministre Churchill se soient rencontrés au large des côtes de Terre-Neuve pour élaborer la Charte de l’Atlantique sans même que Mackenzie King en soit averti, témoigne à la fois de son indifférence, et du peu d’intérêt qui lui était accordé par ses homologues. C’est également à cette époque que le Département des affaires extérieures commença à être divisé à l’interne. Le départ du sous-ministre O.D. Skeleton aurait exacerbé des tensions déjà existantes entre certains diplomates qui convoitaient son poste ; cet épisode créa par ailleurs un schisme d’ego entre Lester B. Pearson et Normand Robertson. Le premier test pour le Canada dans l’élaboration de l’après-guerre fut la création de l’Administration des Nations Unies pour le secours et la réhabilitation (unrra). Si le public canadien fut très enthousiasmé par l’influence dont le Canada a semblé jouir lors de ces négociations, Chapnick estime que cette illusion est plutôt le résultat d’un manque d’information de la population et des médias. L’auteur affirme que le Canada était un joueur trop jeune et trop néophyte pour espérer bénéficier d’une influence tangible sur l’issue de ces négociations. Il ajoute que Pearson aurait agit de façon politiquement intéressée dans le débat, faisant fit des ordres provenant d’Ottawa, pour promouvoir des intérêts personnels. Dans ce sens, Chapnick qualifie cet épisode d’échec privé, parce que nonobstant le fait que …