Comptes rendus : Études stratégiques et sécurité

Ben-Porath, Sigal-R., Citizenship under Fire. Democratic Education in Times of Conflict, Princeton, Princeton University Press, 2006, 159 p.[Record]

  • Rachel Plante

…more information

  • Rachel Plante
    Étudiante à la maîtrise en Administration
    et évaluation en éducation, Université Laval
    Enseignante à la Commission scolaire des Découvreurs, Québec

Lorsque qu’une nation entre en guerre ou poursuit un conflit prolongé, démocratie et conception libérale de la citoyenneté sont perçues différemment, voire même remises en question. L’auteure, Sigal Ben-Porath, spécialiste de la citoyenneté en temps de guerre et chercheuse à l’Université de Pennsylvanie, s’intéresse à la réaction des systèmes éducatifs à ces changements, notamment sous l’angle de l’éducation civique et démocratique. En illustrant ses propos par des exemples étasuniens et israéliens, elle analyse les liens qui unissent l’éducation à la citoyenneté, à la guerre et à la quête pour la paix. À partir de l’élaboration du concept d’éducation expansive (expansive education), approche qui vise à contrer les restrictions sociales imposées par la guerre ou le conflit tout en engageant la société dans un processus de paix, elle profile le cadre normatif qui devrait être adopté par les systèmes éducatifs. Tout d’abord, Ben-Porath analyse les changements que subit la citoyenneté en temps de guerre. Lorsqu’une nation entre en conflit ou en guerre, les préoccupations sociales des citoyens sont bouleversées : les questions de sécurité sont à l’ordre du jour, révélant un sentiment de vulnérabilité nationale et surclassant en importance tout autre enjeu sociétal. Les rapports entre les individus et l’État sont modifiés ; il y a passage d’une démocratie ouverte à une conception plus étroite des relations gouvernés/gouvernants fondée sur un besoin d’endurance collective et de sécurité nationale entraînant une nouvelle ferveur patriotique. Il ne s’agirait donc plus d’une citoyenneté libérale, mais bien d’une citoyenneté belligérante (belligerent citizenship). On assiste alors à une réinterprétation de la participation civique (signifiant dès lors la participation à l’effort de guerre), de l’unité et de la solidarité (qui se soldent par un patriotisme discriminatoire), et de la délibération publique, moins encouragée par l’État dans une situation de guerre afin d’en arriver à une concertation quant aux mesures de sécurité. Les citoyens se trouvent donc à suspendre – volontairement parfois – leurs droits civiques afin de préserver un sentiment de solidarité et de sécurité. Or, pour Ben-Porath, cette diminution du rôle civique individuel entraîne un fléchissement des principes démocratiques qui seraient pourtant nécessaires à un processus de rétablissement de la paix. Pour elle, la démocratie citoyenne doit non seulement constituer un véhicule de l’identité personnelle et collective, mais doit surtout reposer sur un sentiment de destin partagé collectivement (shared fate), fondé sur l’appartenance, l’implication et l’ouverture à la diversité et non sur une perception nationale et personnelle exclusive. L’auteure constate que cette citoyenneté belligérante s’imbrique dans les systèmes d’éducation afin de développer des attitudes patriotiques jugées vitales pour la survivance nationale et pour le maintient de la sécurité, mais qui nuisent cependant aux objectifs de rétablissement de la paix. Pour l’auteure, l’école constitue l’institution par excellence pour la préservation de la démocratie et la formation des citoyens. Plutôt que de valoriser le développement de sentiments patriotiques belligérants qui risquent de reproduire des sentiments hostiles, elle doit enseigner aux jeunes à faire preuve d’esprit critique et de raison. Ils doivent renouer avec des apprentissages plus libéraux, tel que la tolérance à l’égard des autres et la considération des opinions divergentes. La mise en pratique d’une telle approche constituerait ainsi un outil au service de la démocratie et de la paix, plutôt qu’une arme pour servir la guerre. Ben-Porath soutient que, la diplomatie ne suffisant pas, des outils structurels doivent être développés afin de stimuler des relations pacifiques entre les parties en conflit. C’est le cas, par exemple, du développement d’un programme scolaire d’éducation pacifique. Pour ce faire, les éducateurs peuvent avoir recours à deux approches : l’approche pédagogique, qui offre sur …