Comptes rendus : Théorie, méthode et idées

Wight, Colin, Agents, Structures and International Relations. Politics as Ontology, Coll. Cambridge Studies in International Relations, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, 347 p.[Record]

  • Philippe Bourbeau

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  • Philippe Bourbeau
    Candidat au doctorat
    Institute of International Relations, Liu Centre
    University of British Columbia, Vancouver

Le livre que nous offre Colin Wight constitue, à coup sûr, une importante contribution aux études en matière de politique mondiale. La littérature actuelle comprend peu d’ouvrages abordant de façon aussi recherchée à la fois l’ontologie et le problème de l’agent-structure ; ce livre, par la clarté de son argumentation, marque un point tournant. Dans un style critique et parfois (inutilement) acerbe, Wight écrit un livre imposant qui donne (ou redonne) une place de choix à l’ontologie dans le processus de recherche et qui procure au réalisme scientifique une profondeur d’analyse lui permettant d’offrir des éléments de réponse à de nombreuses questions actuellement au coeur des relations internationales. L’ouvrage comprend sept chapitres autour desquels s’articulent trois thèmes centraux : approche ontologique, réalisme scientifique et problème de l’agent-structure. Le premier chapitre expose l’argument central de Wight. Pour celui-ci, l’ontologie, et non l’épistémologie, constitue le point d’ancrage de toute recherche, la composante d’une étude qui oriente profondément les choix épistémologiques et méthodologiques subséquents. Cette question est la source d’un intense débat en relations internationales, notamment entre Alexander Wendt, d’une part, et Martin Hollis et Steve Smith, d’autre part. La contribution de Wight arrive à ce titre à point nommé. Pour présenter son argument, Wight élabore et défend une version du réalisme scientifique comme mode d’analyse en opposition aux approches positivistes et postmodernistes. Pour Wight, non seulement les approches positivistes se sont accaparé, à tort, le label scientifique, mais si on adopte le réalisme scientifique, il devient nécessaire à la fois de rejeter le positivisme et d’accepter qu’une science du social soit possible. Le deuxième chapitre tente de mettre en contexte sur les plans historique et sociologique le problème de l’agent-structure au sein des études de théorie sociale. L’origine du problème ainsi que les principales solutions proposées sont passés en revue. Pour le non-initié, ce chapitre constitue un excellent point de départ. Le chapitre 3 explore les applications du problème de l’agent-structure en relations internationales. Wight identifie quatre façons (ou questions) erronées par lesquelles le problème de l’agent-structure a été transposé en relations internationales : seule une analyse de la nature de l’agent et de la structure (ainsi que de leur relation) correspond réellement au problème de l’agent-structure. Puis Wight entre au coeur du débat, analysant tour à tour les concepts de structure et de l’agent. Identifiant cinq modèles de structure communément employés dans la littérature des relations internationales, Wight opte dans la dernière section du chapitre pour une conception de la structure en tant que relations sociales. Empruntant le modèle du cube social développé par Roy Bhaskar, Wight propose en effet de comprendre la structure en termes de relations liant divers angles d’activités sociales (ou du cube social). Parallèlement, pour Wight, la notion d’agent devrait être subdivisée en trois niveaux, agent-1 constituant la personne, agent-2 désignant le système socioculturel d’une personne et agent-3 représentant la place particulière dans un système. À titre d’illustration, une personne (agent-1) qui est diplomate de carrière (agent-2) occupe une place particulière à un moment donné au sein du service de diplomatie du son pays (agent-3). Enfin, Wight tourne son attention vers les questions épistémologiques et méthodologiques reliées au problème de l’agent-structure (chap. 6-7). Une des sections les plus intéressantes du chapitre 6 est d’ailleurs l’analyse par Wight du concept d’épistémologie qui serait une sorte de généalogie en vitesse rapide. Pour résumer, ces deux chapitres constituent en quelque sorte une critique sévère des positions tenues par Hollis et Smith dans Explaining and Understanding International Relations. Il faut saluer par ailleurs la profondeur, l’ampleur et la maîtrise des connaissances des questions philosophiques touchant aux relations internationales …