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Cet ouvrage est un recueil de contributions d’ex-ministres et de spécialistes, qui convergent vers le thème des relations internationales du Québec depuis l’énoncé de la doctrine Gérin-Lajoie. Il est le résultat d’une rencontre scientifique organisée en mars 2005 par la Chaire Hector-Fabre de l’uqam. L’ouvrage propose des analyses, des bilans et des études du principe du prolongement externe des compétences internes, qui, émis à l’époque de la Révolution tranquille, s’adapte aujourd’hui aux nouvelles réalités générées par la mondialisation. Le livre est divisé en cinq parties : une première sur la doctrine Gérin-Lajoie, une deuxième sur les relations Québec/États-Unis, une troisième sur les relations France/Québec, une quatrième sur la doctrine Gérin-Lajoie à l’étranger et une cinquième sur les bilans d’ex-ministres des Relations internationales du Québec.

Suite à l’avant-propos de Paul Gérin-Lajoie, la première section du livre jette avec rigueur, clarté et concision les bases théoriques nécessaires à l’étude de l’application de la doctrine. Stéphane Paquin expose comment le droit de mise en oeuvre des traités internationaux par les provinces, lorsque leurs champs de compétence sont en jeu, affecte l’action du gouvernement fédéral en relations internationales. Puis, Daniel Turp met en relief la « facture éminemment juridique de la doctrine » qui a donné lieu à certaines assises juridiques en droit québécois et à l’émergence d’un véritable « droit québécois des relations internationales ». Nelson Michaud démontre en quoi la doctrine Gérin-Lajoie est un cadre de référence qui permet aujourd’hui au Québec de passer d’une dynamique de relations internationales simples à une dynamique qui s’apparente de plus en plus à la conduite d’une politique étrangère. Enfin, Jean Tardif émet la nécessité pour le Québec de guider son action à partir d’une vision globale en raison des défis que pose la mondialisation.

La deuxième partie du livre concerne la relation du Québec avec son plus important (et de loin) partenaire commercial : les États-Unis. Néanmoins, la place que l’ouvrage accorde à cet objet, comparativement à la relation franco-québécoise notamment, ne reflète pas l’aspect primordial de la relation. Cette deuxième partie est ainsi davantage introductive qu’exhaustive. Louis Balthazar expose (brièvement) pourquoi les États-Unis sont un partenaire prépondérant pour le Québec. Puis, les chapitres de Diane Wilhelmy et de David Biette démontrent l’intérêt pour le Québec d’accroître les liens avec son voisin. Les contributions traitent essentiellement d’économie, ce qui est justifiable puisqu’il s’agit de l’essence de la relation québéco-étatsunienne. Néanmoins, il aurait été intéressant de traiter de la question de la sécurité puisque, particulièrement depuis le 11 septembre 2001, le Québec se voit désormais octroyer un rôle prépondérant dans la question de la sécurité nord-américaine qui, pourtant, relève traditionnellement de la responsabilité des gouvernements centraux. Or, Wilhelmy présente plutôt la question de la sécurité comme étant uniquement une entrave au libre-échange avec les États-Unis.

Dans la partie sur les rapports du Québec avec la France, les auteurs appellent unanimement au renforcement de la relation, que Marc Chevrier considère comme encore immature. Il faudrait ainsi élargir le rayonnement international du Québec en ancrant cette action dans des institutions conjointes (Denis Monière) et en mettant en valeur les affinités culturelles du Québec avec l’Europe (Anne Légaré). Pierre-André Wiltzer, dans le même sens, soutient que l’amitié et la solidarité entre la France et le Québec les aideront à relever les défis de la mondialisation. Plus complète que la précédente, cette partie met surtout l’accent sur le caractère historique et culturel de la relation franco-québécoise.

Dans la partie intitulée La doctrine Gérin-Lajoie à l’étranger, Ingo Kolboom rappelle l’importance sous-estimée, et même souvent ignorée, du partenaire commercial et culturel allemand. Pour cette raison, l’auteur considère pertinent d’augmenter la présence québécoise en Allemagne de manière à investir la région du Danube qu’il qualifie de « nouveau centre de gravité européen ». Les deux autres chapitres, respectivement signés par Françoise Massart-Piérard et Caterina García, semblent toutefois détachés du reste de l’ouvrage. Le premier dépeint un exemple sans contredit inspirant pour le Québec, soit celui du prolongement externe des compétences internes dans les entités fédérées belges. Néanmoins, dans le contexte d’un ouvrage sur les relations internationales du Québec, il aurait été pertinent de lier le cas belge à la situation québécoise. De même, le chapitre de Caterina García présente habilement l’évolution des relations extérieures des communautés autonomes d’Espagne à partir du cas catalan, mais le Québec y est complètement éclipsé. Pourquoi ne pas avoir abordé, par exemple, les relations du Québec avec la Catalogne, celles-ci étant motivées par le désir d’affirmation né du sentiment nationaliste qui anime les deux entités subétatiques ?

Enfin, la dernière partie aborde la question des relations internationales du Québec du point de vue d’ex-ministres : Claude Morin, Gil Rémillard, John Ciaccia, Sylvain Simard et Louise Beaudoin. Cette section est intéressante dans la mesure où elle pose un regard de l’intérieur, du point de vue d’individus ayant été des protagonistes du développement des relations internationales du Québec. Les chapitres de Simard et de Beaudoin concluent sur une note de désillusion des ex-ministres quant à la reconnaissance politique du Québec sur la scène internationale.

Dans l’ensemble, l’ouvrage mérite sans contredit d’être lu par ceux qui s’intéressent aux relations internationales du Québec en raison de la qualité des articles, de la clarté des propos et de l’étonnante concision d’un ouvrage qui traite d’un objet aussi vaste. En contrepartie, la forme du livre, soit un groupement d’articles liés entre eux par une thématique commune plutôt que par le fil conducteur d’une question de recherche initiale, donne lieu à plusieurs répétitions pour le lecteur qui considère l’ouvrage en son entier. Par exemple, l’explication sur les principes de la doctrine, promulguée par chacun des auteurs, devient redondante après quelques chapitres. Quoiqu’il en soit, l’ouvrage permet à celui qui veut s’informer sur un objet spécifique de se référer à un seul chapitre du livre qui, même si lu individuellement, est cohérent, intelligible et complet. Il n’en reste pas moins qu’il aurait été intéressant que les références aux autres articles soient plus fréquentes, de manière à établir un dialogue entre les auteurs.

Sur le fond, l’ampleur de l’objet fait en sorte que certains aspects des relations internationales du Québec sont inévitablement négligés, en commençant par les nouveaux marchés sur lesquels le Québec veut miser pour diversifier ses échanges économiques. Certes, les partenaires historiques étatsunien et français demeurent privilégiés pour le Québec. Néanmoins, les transformations de l’environnement mondial obligent le Québec à se réaligner vers le Japon, la Chine, l’Inde, le Brésil et à miser sur son partenaire mexicain au sein de l’alena. De même, les liens avec la société civile n’ont pas été abordés, bien qu’il s’agisse d’un facteur qui tend à gagner en influence dans la conduite des relations internationales du Québec, surtout en ce qui concerne les villes et les institutions d’enseignement. De surcroît, l’action du Québec dans les enceintes des organisations internationales a surtout été présentée dans sa dimension politique. L’aspiration québécoise à défendre ses intérêts lors des négociations commerciales internationales est laissée dans l’ombre, bien que celles-ci touchent maintenant des sujets de compétence provinciale, dont l’agriculture, la santé et les services sociaux. Finalement, l’ouvrage n’a pas abordé la contribution québécoise en matière d’aide internationale, alors qu’il s’agit d’une des grandes priorités figurant dans le dernier énoncé de politique internationale. Or, cet objectif est pertinent avec l’objet de l’ouvrage, puisqu’il est motivé par un réel désir du Québec d’influencer le contexte international et que c’est précisément cette volonté qui marque le passage, selon Michaud, d’une dynamique de relations internationales simples à une qui s’apparente à la conduite d’une politique étrangère.