Comptes rendus : Organisations internationales

Craig N. Murphy et JoAnne Yates, 2008, The International Organization for Standardization (ISO). Global Governance through Voluntary Consensus, Oxford, Routledge, coll. Global Institutions, 160 p.[Record]

  • Nafy Niang

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  • Nafy Niang
    Institut d’études politiques et internationales
    Université de Lausanne, Suisse

Cet ouvrage présente la discrète Organisation internationale de normalisation, plus connue par son acronyme iso et ses célèbres normes iso 9000. Les auteurs, spécialistes de relations internationales et de gestion, nous offrent une introduction bienvenue à l’univers institutionnel particulier des normes internationales iso, issues de procédures consensuelles et dont l’adoption est volontaire. Il s’agit, à notre connaissance, du premier ouvrage qui traite de cette organisation non gouvernementale mal connue du public mais dont la relative discrétion ne trouble en rien l’importance, puisque son influence et ses compétences grandissantes la rendent désormais concurrente aux organismes du système des Nations Unies. Les auteurs montrent comment l’iso, en tant qu’elle exprime l’idéal d’une normalisation technique obtenue par un consensus des parties prenantes, est actuellement en compétition avec d’autres arènes de normalisation. Alors que le domaine de régulation de niche de l’organisation était originellement concerné par la création de normes d’infrastructures à caractère physique et technique, l’iso produit désormais des normes dans de nouveaux domaines tels que la gestion, l’environnement ou la responsabilité sociétale. Ce redéploiement, analysent les auteurs, exprime la compétition à laquelle l’iso doit faire face. La structure de l’ouvrage de Murphy et Yates sert bien leur argument. Tout en décrivant le fonctionnement, les réalisations et les acteurs clés de l’organisation, les auteurs retracent l’évolution de l’organisation créée en 1947 à la suite des impulsions du mouvement transnational de normalisation constitué par des ingénieurs ayant foi en un type particulier de normes : celles issues d’une procédure consensuelle qui serait à même de servir au mieux le bien commun. Ainsi, dans sa première phase d’existence, l’iso est une organisation dominée par la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne ; elle a résolu les problèmes majeurs d’incompatibilité basiques en créant des normes de mesure, de terminologie ou de test de matériaux. Durant une deuxième phase qui court jusqu’en 1987, l’iso étend son influence et devient une organisation véritablement mondiale tant sur le plan des acteurs que des domaines. En effet, par l’adhésion des pays en voie de développement ainsi que par une collaboration accrue avec d’autres institutions de régulation internationales, telles que les Nations Unies ou l’omc, l’organisme s’insère spatialement et légalement dans la mondialisation. Les auteurs montrent par exemple comment la norme iso sur le conteneur maritime, créée dans les années 1970, a révolutionné le transport des marchandises. Cette norme a en effet permis l’accélération de la mondialisation des échanges commerciaux tout en ouvrant à l’iso de nouvelles sphères d’activité dans d’autres domaines connexes. Enfin, depuis 1987, la dernière phase de l’iso rend compte de son redéploiement dans des domaines nouveaux et moins techniques, comme le management ou la responsabilité sociétale. La force de l’ouvrage réside sans conteste dans la discussion sur la légitimité du processus de normalisation consensuel que les auteurs réussissent à mener parallèlement à la description formelle et fonctionnelle de l’organisation. En effet, en insistant sur les clivages ainsi que sur les arènes de compétition à l’intérieur et à l’extérieur de frontières de l’organisation, Murphy et Yates discutent dans quelle mesure l’iso est légitimement une solution alternative viable dans la provision de biens publics globaux en analysant différents lieux où se joue le contrôle des normes techniques. En effet, la suprématie de l’Europe de l’Ouest au sein de l’iso ainsi que l’influence de la Commission européenne sur la normalisation internationale depuis les années 1980 suscitent des désaccords sur la capacité des normes iso à dépasser les intérêts particuliers et à être légitimes vis-à-vis de l’ensemble des parties prenantes – les associations de consommateurs, les petites et moyennes …