Comptes rendus : Organisations internationales

David Ambrosetti, 2009, Normes et rivalités diplomatiques à l’ONU. Le Conseil de sécurité en audience, coll. Regards sur l’international, no 8, Bruxelles, PIE–Peter Lang, 352 p.[Record]

  • Chalmers Larose

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  • Chalmers Larose
    Département de science politique
    Université du Québec à Montréal

Dans cet ouvrage, David Ambrosetti propose un regard critique sur une question qui se trouve au coeur de l’évolution contemporaine de la politique internationale, celle des rouages de prise de décision au sein du Conseil de sécurité de l’onu au sujet des conflits périphériques. L’auteur se demande quels sont les facteurs à prendre en considération quand il s’agit de comprendre ce qui conduit certains États « à s’engager dans des jeux de coopération et de rivalité en matière de gestion internationale des crises et conflits armés à l’onu ». À cette question, Ambrosetti livre une réponse définitive et éclairante : il faut observer les hauts fonctionnaires chargés de représenter ces États dans les arènes multilatérales à l’onu lorsqu’ils sont plongés dans des interactions répétées avec leurs homologues. Toute l’oeuvre concourt à établir et ancrer cette idée principale. L’ouvrage, rédigé dans une langue soignée, emprunte une démarche analytique originale et cohérente tout en s’appuyant sur une documentation riche et abondante. Ambrosetti explore les pratiques d’un certain nombre d’acteurs étatiques parmi les plus influents dans le système international quand ils sont confrontés à ce qu’il appelle « les violences politiques lointaines », violences des autres certes, mais qui les interpellent en qualité d’États-patrons. Il s’agit, de prime abord, du « quintette » formant le directoire du Conseil de sécurité des Nations Unies, au sein duquel les pays occidentaux demeurent les plus actifs dans ce domaine. L’auteur nous transporte au coeur des crises et des conflits armés dits extérieurs, des crises « souvent porteuses de faibles urgences et de faibles risques » pour ces pays qui, de manière fréquente, sont appelés à y jouer un rôle prépondérant. Toutefois, son regard porte essentiellement sur les décideurs de la politique étrangère de la France, en particulier les diplomates de ce pays qui interagissent avec le Conseil de sécurité lorsque la violence éclate dans un État-client. Ambrosetti croit qu’une telle faiblesse des urgences et des risques perçus par ces acteurs ne va pas de soi. Ils y parviennent en construisant des digues rhétoriques, destinées à façonner l’opinion mondiale, par le biais d’un usage savant et fréquent des médias à large diffusion publique. Le plus souvent, dit-il, ces digues s’inscrivent dans le registre de l’obligation morale, bien plus que dans les domaines de politique internationale jugés autrement plus vitaux pour la sécurité des États que ces décideurs servent. Toujours est-il que, lorsque ces digues rhétoriques vacillent, l’urgence réapparaît crûment, laisse-t-il entendre. L’ouvrage fait une incursion dans la diplomatie française au Conseil de sécurité de l’onu, principalement en examinant les cas du Rwanda et de la République démocratique du Congo. Pour Ambrosetti, le génocide des Rwandais tutsi commis au printemps 1994 en présence des Casques bleus de l’onu et sans réaction internationale, de même que le conflit congolais, incarne l’écart entre le projet humanitaire et les enjeux quotidiens propres à l’espace diplomatique international. Il permet de replacer les décideurs diplomatiques chargés de ces dossiers dans leur environnement diplomatique plus large, compris comme un environnement normatif dans lequel se jouent l’acceptation collective, la reconnaissance de positions d’influence données, le crédit et le discrédit. Quant au Conseil de sécurité, il fournit une arène bien délimitée pour l’étude de cette scène diplomatique et de ses acteurs plongés dans leurs activités tactiques. Le premier chapitre plante une approche théorique captivante ; l’auteur y dresse une conceptualisation des normes dépouillée de ses vertus et contenus éthiques, mais profondément articulée autour des positions sociales établies ou recherchées, de routines et comportements socialement sanctionnés. Ensuite, Ambrosetti brosse l’environnement normatif des décideurs de la politique étrangère de la France et …