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Les études, rapports, articles et livres sur la réforme des Nations Unies rempliraient une bibliothèque. Le livre du professeur australien Zifcak a néanmoins son intérêt, d’abord parce qu’il rassemble et analyse les principales propositions de réforme à partir du programme de réforme du secrétaire général Kofi Annan, à la suite de la crise provoquée par l’invasion de l’Irak. Il ajoute utilement à l’examen classique de la réforme du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme le recours à la force, la nouvelle « responsabilité de protéger » et l’action internationale contre le terrorisme. Par ailleurs, l’auteur donne une orientation originale à son travail en identifiant les différences d’approche et d’objectifs des pays du Nord et du Sud à l’égard de la réforme des Nations Unies. Enfin, l’intérêt particulier du livre est que les observations sont étayées par les interviews de plus de 70 diplomates et responsables de l’onu de toutes les régions du monde.

L’auteur reconnaît que « Nord » et « Sud » recouvrent des pays ou des ensembles différents. Au Nord, l’Union européenne, le groupe canz (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande), les États-Unis, le Japon. Au Sud, principalement les deux groupes politiques dont les membres se recoupent, le Groupe des 77 et le Groupe des non-alignés. Les principales différences entre les objectifs et les intérêts du Nord et du Sud sont connues. Le Nord met l’accent sur la sécurité mondiale, la démocratie, les droits de l’homme, la bonne gouvernance et la justice internationale. Il soutient le concept de la responsabilité de protéger, actuellement à l’épreuve en Libye. Il veut rationaliser la gestion de l’onu, limiter ou réduire ses dépenses.

Le principal objectif des nations du Sud est le développement économique et la réduction de l’inégalité politique et économique mondiale : le rôle de forum de l’onu est important pour les pays du Sud, et le multilatéralisme appuyé sur la Charte des Nations Unies leur sert de protecteur de leur intégrité territoriale et de leur souveraineté nationale. Le Sud résiste aux tentatives du Nord d’utiliser sa puissance pour « protéger » ses populations, ce qu’il considère comme une ingérence postcoloniale. Il demande une « représentation géographique équitable » dans tous les organes des Nations Unies, et en particulier une meilleure représentation au Conseil de sécurité, alors que les membres permanents actuels veulent préserver leur pouvoir et donnent préférence au statu quo. Le Sud veut renforcer le rôle de l’Assemblée générale dans les domaines de la paix et de la sécurité internationales. Il demande que l’onu devienne l’organe central de l’économie mondiale.

Les efforts de réforme ont subi l’impact destructeur du représentant américain, John Bolton, ainsi que des épreuves subies par Kofi Annan en raison de son opposition à la guerre en Irak et du scandale « pétrole contre nourriture ».

L’auteur estime que les résultats d’ensemble des réformes sont décevants, en raison des différences d’objectifs et d’intérêts du Nord et du Sud : le Sud a souvent bloqué les réformes proposées par le Nord, et particulièrement par les États-Unis, soupçonnés de vouloir maintenir leur emprise au détriment des pays du Sud. Les propositions de Kofi Annan ont également été dénoncées par certains pays – l’Afrique du Sud, l’Algérie, Cuba, l’Égypte, le Pakistan, le Venezuela, l’Inde – comme étant trop inspirées par les États-Unis.

Le nouveau Conseil des droits de l’homme, qui a remplacé la Commission des droits de l’homme, a déçu, bien que de récentes prises de position aient démontré un meilleur soutien des positions occidentales, dont la récente condamnation de la Libye. Une Commission de consolidation de la paix a été créée, avec des fonds importants. Le budget du Haut-Commissariat aux droits de l’homme a été doublé, ainsi que celui du Haut-Commissariat aux réfugiés. Un Fonds pour la démocratie a été établi pour soutenir les initiatives nationales de bonne gouvernance. Grâce aux dons versés au Fonds central d’intervention d’urgence on peut mettre immédiatement à disposition les ressources nécessaires pour intervenir rapidement en cas d’urgence humanitaire. Une petite force de police permanente a été formée pour la première fois. Le Sommet de 2005 a permis de réengager les États membres à poursuivre les objectifs du millénaire pour le développement.

En conclusion, l’auteur estime que, dans l’avenir prévisible, la « grande réforme » de l’onu devrait être mise de côté : des progrès limités et progressifs sont les seuls réalisables. Les réformes doivent bénéficier du leadership du secrétaire général et de la volonté politique des États, dont celui indispensable des États-Unis. Par ailleurs, aucune réforme d’importance ou de structure ne peut aboutir sans l’accord ou l’abstention des membres permanents du Conseil de sécurité. L’exigence du consensus est un obstacle constant aux décisions, mais pourrait-on lui substituer la majorité qualifiée, susceptible d’être rejetée par les pays en développement ?

Au lieu d’insister sur la coordination des agences spécialisées, l’auteur soutient à juste titre leur autonomie et une plus grande diversité organisationnelle décentralisée.

Le livre sera utile pour les spécialistes, les diplomates, les fonctionnaires internationaux, les enseignants et les étudiants en relations internationales comme résumé et synthèse des efforts de réforme des Nations Unies des dernières années – il s’agit ici de l’onu politique, excluant le système global et les agences spécialisées. Écrit clairement, il couvre systématiquement tous les aspects des principaux domaines d’action de l’onu et de ses organes. Il contient en outre de nombreuses références bibliographiques.