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Cet ouvrage collectif a été préparé à la suite du colloque organisé les 13 et 14 juin 2003 par le ceric de l’Université d’Aix-Marseille et analyse les grands axes de la problématique de l’intégration européenne au début de ce nouveau siècle. Depuis quelques années, il semble que le projet européen s’inscrit dans les dynamiques d’un environnement international en profonde mutation. Il ne fait plus de doute que l’Europe est à un tournant de son histoire. Par conséquent elle se doit de penser un projet politique au risque de ne devenir qu’une grande organisation de régulation économique et technocratique. Dans le contexte de l’après-guerre froide, un processus de légitimation politique de l’Europe a été enclenché autour de certains événements, notamment le débat autour du traité de Maastricht (1992), la déclaration du traité de Nice sur l’avenir de l’Europe (2001) et la ratification du futur traité constitutionnel.

Confronté à des défis spécifiques, celui du très long terme qui peut brouiller les objectifs et remettre en cause les institutions et les moyens de l’intégration, celui du très grand nombre qui modifie l’espace à intégrer et ses frontières, qui rend plus incertaine la cohésion, voire la cohérence de l’ensemble, le processus d’intégration peut néanmoins s’appuyer sur un socle de trois piliers qui constituent les trois grandes parties de cet ouvrage : un ordre juridique renforcé, une dynamique économique qui s’inscrit dans un espace élargi, un rôle croissant de l’Union dans le système mondial.

Après deux introductions générales (Bourrinet, Graf-Vitzthum), la première partie de l’ouvrage, divisée en sept chapitres, se focalise sur l’aspect juridique de la construction européenne. Dans le premier chapitre, Burgorgue-Larsen s’interroge sur le traité établissant une constitution pour l’Europe et ses ambivalences, notamment d’ordre constitutionnel, gouvernemental, procédural et matériel. Prat pose la problématique de la différenciation comme réponse au grand nombre d’États membres (chap. 2). La différenciation est confrontée au droit communautaire qui permet à certains États d’obtenir une dérogation sur les critères de convergence économique mais aussi à son application. Dubouis étudie la citoyenneté européenne et les droits fondamentaux de la personne (chap. 3) et montre comment ces « droits spéciaux » conférés par la citoyenneté européenne renforcent non seulement la protection des droits fondamentaux des ressortissants de l’Union mais aussi, par contagion, ceux des ressortissants de pays tiers. La mise en place du marché intérieur européen (chap. 4) est une entreprise de longue haleine et reste handicapée selon Bert par l’indiscipline des États encouragée par l’inadaptation des moyens de pression. Le revirement jurisprudentiel en droit communautaire s’explique, selon Mehdi, par la toute-puissance du juge et l’acceptabilité du revirement comme impératif d’unité du droit et de l’efficacité du système juridictionnel (chap. 5).

La deuxième partie de l’ouvrage aborde la dynamique économique de l’Union européenne. Dans le premier chapitre de cette section, Truilhé-Marengo souligne l’importance d’une Europe des contrats dans l’édification d’une culture économique européenne. Blaszczyk décrit l’impact de l’élargissement vers les pays d’Europe centrale et orientale, à travers le prisme particulier de la Pologne (chap. 7). Le rôle de la Commission européenne dans la conduite de la politique économique est questionné par Vanden Abeele dans le chapitre huit, qui constate son rôle d’observation et d’analyse plus que d’intervention. Devoluy nous parle des convergences et divergences des politiques économiques nationales (chap. 9) et souligne les limites du pacte de stabilité et de croissance. Dans le chapitre suivant, Bourguinat établit une synthèse intéressante des acquis et des défis de l’Union économique et monétaire en soulignant l’inconvénient de traiter de façon égale des choses inégales (pays de l’Euroland) et la nécessité de fixer des niveaux d’engagement différents selon les élargissements projetés.

La troisième partie, divisée en quatre chapitres, traite de la place de l’Union européenne dans le contexte de la mondialisation. Snyder nous parle de la traduction du droit de l’Organisation mondiale du commerce en droit communautaire européen et fait la synthèse sur la mondialisation des normes et sur la gouvernance de ce processus (chap. 11). Pour Boisson de Chazournes, la politique étrangère et de sécurité commune (pesc) tourne autour de la place future de l’Europe au sein de l’otan et de l’ueo et évolue de façon générale vers un affranchissement de l’Union européenne sur la scène internationale (chap. 12). Christoforou étudie dans le chapitre suivant les rapports entre l’omc et l’ue, particulièrement les dispositifs mis en place sur la question des conflits commerciaux avec les États-Unis. Les dimensions internationales de la politique européenne de protection de l’environnement sont élaborées à travers le prisme de l’influence de l’ue sur la communautarisation du droit international (Maljean-Dubois, chap. 14). Pour finir, Deschamps offre une synthèse utile sur les perspectives de l’intégration européenne. Tout en soulignant les différences d’ordre économique parmi les États membres, l’intégration devrait s’accentuer et s’étendre à de nouveaux champs d’action.

Dans cet ouvrage, les auteurs, participants au colloque sur l’intégration européenne, tentent dans un style clair, précis et accessible au grand public, d’offrir une vision d’ensemble de l’intégration européenne future sans tomber dans le pessimisme récurrent ou l’optimisme béat. Il offrira à tous ceux, chercheurs ou étudiants, intéressés par l’étude de cette expérience unique qu’est la construction d’une entité supranationale, une synthèse utile au moment où les peuples européens sont consultés sur l’adoption du futur traité constitutionnel et détermineront une nouvelle page de leur histoire.