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Pour la troisième fois dans sa jeune vie, la revue Alterstice livre un numéro entièrement constitué d’article soumis spontanément, hors des thématiques proposées par les éditrices et éditeurs invités. C’est en soi une réalisation à souligner : la revue est devenue au cours des ans le média que choisissent les interculturalistes et les autres chercheuses et chercheurs sur les enjeux interculturels pour faire connaître leurs travaux. Les chiffres de consultations des sites de la revue et de téléchargement des articles me semblent confirmer ce point de vue. À l’occasion du XVIIIe congrès de l’ Association internationale pour la recherche interculturelle (ARIC), j’ai présenté, comme à chaque assemblée générale de l’association, le bilan en chiffres des 10 ans d’existence de la revue. Voilà ces chiffres. En 10 ans et 20 numéros, 345 documents ont été soumis à la revue (cela inclut les éditoriaux, les numéros complets, les notes de lecture, les Rubric’ARIC…), dont 243 ont été évalués par les pairs et 153 publiés, ce qui donne un taux d’acceptation de 59 %. Alors qu’à ses débuts, le site de la revue comptait moins de 30 téléchargements mensuels, cette statistique est montée en 2021 à plus de 2 700. Cela signifie en moyenne 90 téléchargements par jour, avec une courbe en constante augmentation. C’est l’effet Érudit qui donne une grande visibilité à la revue mais, aussi et surtout, la place grandissante d’Alterstice dans l’espace de la recherche interculturelle.

Nous arrivons à un nouveau moment charnière pour la revue (le dernier en date ayant été de rejoindre Érudit), puisqu’elle vient de recevoir une subvention du Fonds de Recherche du Québec — Société et Culture (FRQSC). Une manne tombée du ciel, 4 ans après le concours qui avait établi qu’Alterstice méritait un financement mais que, faute de fonds suffisants, elle n’en aurait pas. Suite à une nouvelle politique des FRQ à propos de la diffusion de la science en accès libre, les revues recommandées mais non financées se sont vues octroyer une aide exceptionnelle pour deux ans. Le montant va rendre possible l’engagement d’une collaboratrice ou d’un collaborateur, ce qui permettra de faire face aux défis récurrents de la revue et de sa gestion : trouver des évaluatrices et évaluateurs fiables (encore trop souvent les personnes sollicitées ne répondent pas, prolongeant le temps d’évaluation), trouver des lecteurs pour rédiger des notes de lecture sur les nouveaux ouvrages du champ et faire un suivi rapproché dans le temps de l’évaluation des articles soumis. Cela permettra aussi de passer à OJS 3 (une version plus récente du logiciel Open Journal Systems qui permet de faire vivre la revue), de revoir l’identité visuelle d’Alsterstice et peut-être de rendre visible la revue sur les médias sociaux… En bref, de nombreux, et j’espère heureux, changements sont à venir, au rythme de la revue, c’est-à-dire tranquillement, mais sûrement…

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Lors du dernier congrès de l’ARIC, le prix de la meilleure thèse en recherche interculturelle a été remis à Anne-Sophie Cayet, pour sa thèse intitulée La pratique de la philosophie avec des adolescents plurilingues : penser en langues dans une perspective interculturelle. Cette thèse a été réalisée sous la direction de la professeure Muriel Molinié, de l’Université Sorbonne Nouvelle — Paris 3. Voilà le résumé qui accompagne la thèse (https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-03621553v1).

Cette recherche-action interroge la didactique de l’interculturel et du plurilinguisme via une intervention innovante en milieu scolaire : la mise en oeuvre d’ateliers de philosophie avec des adolescents allophones nouvellement arrivés en France. La dimension existentielle et expérientielle de la pratique philosophique, ainsi que son organisation collaborative, favorisent le développement de dynamiques interculturelles qui évitent d’enfermer les individus dans des modèles culturels préconçus. Cette approche pédagogique appréhende les jeunes comme des sujets (pensants, agissants, critiques) et souhaite participer à leur inclusion linguistique, scolaire et sociale. Les médiations langagières multimodales donnent un accès symbolique à la variabilité des représentations du monde et mettent en évidence l’intraductibilité fondamentale du langage. Ce constat implique de prendre en considération la fonction performative du langage, d’un point de vue didactique, et de s’engager dans des rapports de sens, en langues. Le paradigme de l’intersectionnalité traverse cette recherche dans la mesure où nous nous focalisons sur les phénomènes émergeant au carrefour des langues, des pensées et des imaginaires. Philosopher en langues, dans une perspective interculturelle, offrirait alors la possibilité d’inventer collaborativement et conjointement des pensées et des langages, universels-singuliers. La thèse propose donc une approche humaniste et complexe de la créolisation linguistique et socioculturelle en milieu éducatif et questionne l’agir éthique et sociopolitique de la didactique des langues et des cultures dans ce domaine.

Le comité éditorial d’Alterstice transmet ses sincères félicitations à Mme Cayet et souhaite que son travail soit largement diffusé.

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Bon été et bonne lecture !