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La création d’entreprise engendre des retombées pour les collectivités locales, et les régions, et sa portée a même des ramifications immédiates en matière de commerce international si on y inclut le phénomène des entreprises « créées internationales » (born global, en anglais). Plus sobrement, au sujet de la réalité du terrain, on relit de manière répétée sur de longues périodes les mêmes statistiques devenues trop prévisibles voulant qu’à peine 52 % et 55 % des entreprises créées étaient toujours opérantes après cinq ans d’existence en France et au Canada, respectivement, pour ne citer que ces deux cas de figure (Cloutier, Cueille et Recasens, 2015).

Un des constats à tirer de cette tendance lourde est qu’on note d’une part, une lacune en matière de savoir-faire et de savoir exécuter en ce qui concerne la création d’entreprise, et d’autre part, une nécessité d’intégrer et de consolider les connaissances requises pour combler ce vide de manière pertinente et pratique. L’ouvrage par E. Michael Laviolette, professeur d’entrepreneuriat et stratégie à Toulouse Business School tombe donc à point nommé, car il a pour finalité de contribuer à combler cette lacune sur le plan de la formation, des conseils et outils pratiques, notamment. Fort d’expériences d’accompagnement en essaimage et développement de PME, l’auteur propose donc un ouvrage orienté pratique, voire un guide, ancré dans la réalité des créateurs d’entreprise avec une approche qui renforce systématiquement l’examen des différents thèmes sous-jacents et de mises en situation déclenchées par le large éventail de questions que se pose l’entrepreneur en devenir.

Les entrepreneurs en devenir, en quête d’enseignements et de renseignements, de repères et d’assises solides, qu’ils soient étudiants (licence ou master, en France ; ou au baccalauréat ou en maîtrise, au Québec), professionnels, salariés en réflexion constituent assurément le lectorat naturel de l’ouvrage. La tonalité, le style et les nombreux exemples détaillés le rendent accessible à ces publics cibles. L’enseignant-chercheur ou professeur en entrepreneuriat y trouvera un ouvrage de référence utile pour établir le lien concret entre les notions théoriques ; soit les fondements essentiels de la « science derrière » la pratique, également introduits succinctement dans l’ouvrage, et les aspects plus pratiques de la création d’entreprise « de l’idée au lancement ». Sur le plan de la forme, comme le mentionne l’auteur, il est possible, voire encouragé, de lire les différents thèmes abordés dans l’ordre qui sied, selon les besoins et les questions qui surgissent dans le processus de création d’entreprise.

L’auteur introduit les cas de figure qui lient les créateurs d’entreprise à des produits ou services, que le lecteur retrouve, à l’instar de personnages de romans, analysés sous les différents angles des thèmes traités. Ce fil conducteur efficace rend donc plus concret et manifeste au lecteur les enjeux et défis présentés ; au travers, l’imbrication entre les profils des créateurs liés aux cas d’entreprises en phase de création, d’une part, et les thèmes abordés à travers les défis auxquels ils sont confrontés, d’autre part. Les rubriques « Compétences à acquérir », « À retenir », « Pour aller plus loin… » constituent des ancrages utiles et aident le lecteur à consolider les contenus présentés dans chaque chapitre.

L’ouvrage débute en précisant au chapitre 0 ce qu’est la création d’entreprise et qui sont les créateurs d’entreprise. Ceci permet de cadrer la portée de l’ouvrage et de poser la notion que l’on ne naît pas entrepreneur, mais qu’on le devient.

La création et l’élaboration des idées font l’objet du chapitre 1. Des modèles de créativité et cadres d’analyses reconnus, les standards en la matière y sont présentés en lien avec les cas et les projets des créateurs que nous suivrons tout au long de l’ouvrage. Il y est question des idées et des moyens de les organiser pour les articuler.

Le chapitre 2 jette un éclairage sur savoir reconnaître une occasion d’affaires, sur comment rendre manifeste à des tiers la désirabilité des idées et savoir y extraire une proposition de valeur. Une proposition : rendre cette proposition de valeur réalisable.

L’évaluation du marché visé est abordée dans le chapitre 3. On y retrouve des conseils pratiques sur la manière de tester ses idées auprès des marchés, avec somme toute des moyens techniques et financiers limités, alors que les études à grande échelle seraient peu envisageables. On y insiste sur l’intérêt de colliger des données primaires et secondaires, la manière de les interpréter en contexte avec les marchés visés.

Le chapitre 4 examine l’intérêt d’évaluer les concurrences directe et indirecte par les divers modèles (celui de Porter, les groupes stratégiques), l’objectif étant de dégager les critères de différenciation de l’entreprise en phase de création, l’utilisation de l’horloge stratégique… Tous ces outils et moyens qualitatifs et quantitatifs permettent de mieux réfléchir à cet enjeu de manière structurée et systématique.

Le chapitre 5 rappelle l’intérêt de la viabilité financière du projet d’entreprise. Il s’agit du chapitre le plus technique de l’ouvrage, bien que l’on sente que l’auteur a voulu aborder la complexité du sujet par des exemples les plus concrets possible. À cette étape de la lecture, on comprend bien en quoi les détails au sujet des cas de figure présentés sont utiles. On y aborde les questions de coûts de revient, d’analyse de profitabilité, de flux de trésorerie et de viabilité du modèle d’affaires envisagé.

La question du financement est traitée en détail au chapitre 6. Les thèmes classiques de cette question, comme le plan d’affaires, le plan financier, les sources de financement (personnelle, bancaire, capital risque, communautaire), l’accompagnement, y sont traités. L’ouvrage apporte des pistes de réflexions utiles pour qu’on puisse y dégager une perspective adaptée à nos circonstances.

Le chapitre 7 s’intéresse aux fondements de la création, notamment en abordant les aspects fiscaux, juridiques et sociaux. Ces volets administratifs et leurs nuances y sont bien décrits, les ressources pour s’y retrouver présentées. L’apport important de ce chapitre concerne aussi l’environnement social des fournisseurs et des clients et l’importance des relations à créer, à entretenir et à renouveler avec eux.

Au chapitre 8 l’auteur rappelle que la croissance deviendra rapidement un casse-tête vers une structuration de l’entreprise dans le cycle typique d’évolution. De nombreux nouveaux défis ont le potentiel de poindre dans un horizon plus ou moins rapproché, dont celui de développer l’équipe entrepreneuriale.

L’épilogue au chapitre 9, aborde la question de l’échec et l’importance d’apprendre de ses erreurs, de se relever ; un sujet tabou dans de nombreuses cultures, ou une preuve de résilience et qu’on a « trimé dur » (paid one’s dues, en américain), de vécu, de crédibilité, souvent valorisé dans d’autres cultures.

Lancé en France, cet ouvrage pourrait trouver un public très intéressé sur le marché québécois, hormis le traitement spécifique des contenus du chapitre 7, surtout utiles aux créateurs évoluant dans l’Hexagone qui devrait être adapté à cet autre contexte pour les cadres fiscaux et juridiques. Aussi, l’utilisation des termes business model, low cost, venture capitalist, business angel, ou start-up directement dans la langue de Shakespeare passerait plus difficilement la rampe en l’état sur ce marché situé de l’autre côté de la flaque !

Par des activités liées à l’exploitation commerciale de « bonnes idées », de connaissances scientifiques, techniques, technologiques ou de projets prometteurs, la création d’entreprise peut contribuer au progrès sociétal, à la qualité de vie et à la création d’emplois. Point de doute, comme le rappelle l’ouvrage, que d’innombrables défis concrets et souvent passionnants se dressent pour les créateurs d’entreprises. L’appropriation des contenus par le lectorat, que l’on suppose passionné et motivé par la création d’entreprise lui permettra de bien s’outiller et de trouver les réponses aux questions soulevées dans ce livre. En contexte, les créateurs ne peuvent pas toujours pallier les événements fortuits et aléatoires qui favorisent ou non la pérennité d’une entreprise en phase de création. Or, la lecture de cet ouvrage rappelle néanmoins de manière juste, et à travers l’ensemble des contenus abordés, tout comme l’a souligné Louis Pasteur (1822-1895) : « La chance ne sourit qu’aux esprits bien préparés ». Ce mot de sagesse, que l’on peut d’emblée associer à la finalité de cet ouvrage en ce qui concerne une préparation rigoureuse à la création d’entreprise, soulève l’importance que l’on comprenne comment agir à ce sujet par une meilleure connaissance des enseignements se rapportant aux rouages fondamentaux qu’il transmet.