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Introduction

Au cours du XXe siècle, l’information a pris de l’importance de façon exponentielle dans tous les aspects de nos vies. Il en est de même pour l’organisation des entreprises. L’accélération est encore plus visible depuis environ trois décennies avec le recours de plus en plus massif à l’informatique pour la création et la gestion de l’information. « Le développement de la bureautique, suivi de l’utilisation généralisée du courriel, a donné un rôle en gestion des documents à la plupart des employés et à tous les niveaux de la pyramide organisationnelle » (Marcoux et al. 2004, 14). L’information devient partie intégrante des processus et des préoccupations des entreprises, quel que soit leur secteur d’activités. La gestion électronique des documents (GED) est une des possibilités offertes par ce vaste domaine. Apparue vers la fin des années 80, elle se veut un moyen de contrôler la prolifération de créateurs et de dépositaires de documents électroniques. Elle vise aussi une gestion systématique et systémique de l’information contenue dans les documents pour préserver le patrimoine informationnel des organisations. Le présent article portera sur certains de ces concepts et orientations. Il résumera aussi le récent déploiement d’un outil de GED dans une importante entreprise culturelle du Québec qui rayonne sur la scène internationale : le Cirque du Soleil.

De multiples théories et concepts ont été véhiculés en vue de garantir une gestion optimale de l’information. L’une d’elles est la théorie des silos d’information. Sont-ils un frein ou un levier à l’accessibilité de l’information contenue dans les différents systèmes et sont-ils nécessaires aux utilisateurs pour qu’ils puissent effectuer leur travail ? Comment des silos d’information présents dans une entreprise peuvent-ils être brisés pour ensuite être rassemblés afin de rendre toute l’information utile sur une activité donnée ? Quels moyens peuvent être pris pour rendre l’accès à l’information plus fluide ?

Pour traiter de ces questions, le concept des silos d’information sera, dans un premier temps, décrit. Puis, le déploiement d’un outil de GED au Cirque du Soleil sera détaillé et les actions mises de l’avant pour éviter les silos seront expliquées. Enfin, le lecteur pourra reprendre ces notions et voir de quelle façon elles pourraient s’appliquer à son milieu de travail.

Donnée, document, information et connaissance

Plusieurs auteurs (Alavi et Leidner 1999 et 2001 ; Balmisse et al. 2009 ; Bates 2005 ; Bouthillier et Shearer 2002 ; Terra et Angeloni 2002 ; Wilson 2002 ; Yates-Mercer et Bawden 2002) se sont lancés dans la dure tâche de définir les différents concepts que sont l’information et la connaissance ainsi que les implications de leur gestion. Comme l’indiquent Alavi et Leidner (1999), même s’il semble possible dans le quotidien professionnel de voir ces concepts comme deux entités à part entière, il n’en demeure pas moins que dans le vocabulaire commun ils sont interchangeables. C’est à la moitié du XXe siècle, avec le développement des technologies, que le Knowledge Management émerge (Dalkir 2011). En français, il n’existe pas de véritable équivalent à ce terme ; il est souvent traduit par « la gestion des connaissances » (Office québécois de la langue française), ou encore par « la gestion du savoir » (Conseil national de recherches du Canada). Pour cette étude de cas, le terme « connaissance » sera utilisé. La gestion des connaissances au sein d’une organisation réside dans la mise en place d’outils et de procédures facilitant la création, l’identification, l’utilisation et le partage des connaissances.

Selon l’Office québécois de la langue française (2002), la donnée est « [l’]élément (fait, chiffre, etc.) qui est une information de base sur laquelle peuvent s’appuyer des décisions, des raisonnements, des recherches et qui est traité par l’humain avec ou sans l’aide de l’informatique. » Cette information peut être consignée sous plusieurs formats, dont le plus commun est le document. Par contre, pour être utilisée comme information, la donnée se doit d’être organisée et traitée (Alavi et Leidner 2001 ; Terra et Angeloni 2002), en plus d’être dotée de pertinence en lien avec les objectifs qui y sont reliés (Terra et Angeloni 2002). Les connaissances, quant à elles, sont reliées au processus de prise de possession de cette information, à son utilisation (Alavi et Leidner 2001 ; Tan Pham et Antoine 2012) et surtout à sa mise en action.

En résumé, la donnée devient une information lorsqu’elle est interprétée, puis l’information est transformée en connaissance lorsqu’elle est accumulée, comprise et assimilée par une personne (Balmisse et al. 2009). Ainsi, la gestion documentaire réside dans le fait de pouvoir mettre en place des outils qui assurent l’intégrité et la forme de l’information, tandis que la gestion de l’information se concentre sur le contexte et l’accessibilité de l’information. Finalement, en misant sur la gestion des connaissances, l’entreprise se bâtit une mémoire organisationnelle (Séville-Girod 2010), un savoir-faire, une culture d’entreprise. Une mémoire organisationnelle dynamique et enrichie peut contribuer à un savoir accru qui devra être analysé, conservé et diffusé (Maurel et Bergeron 2008-2009). Investir dans cette démarche permet le renforcement de la structure organisationnelle. Il apparait donc que pour avoir une certaine valeur, donc un potentiel d’utilisation, que ce soit un document, une information ou une connaissance, il faut que l’élément soit tout d’abord créé, identifié et surtout accessible.

Les silos d’information

Au fil des années, plusieurs outils technologiques ont été adoptés par les entreprises pour conserver et diffuser le savoir organisationnel. L’un des plus répandus, par sa facilité d’implantation et d’utilisation, est, sans contredit, la plateforme d’entreprise intégrée de type intranet ou extranet. Cet outil permet de centraliser l’information et de la rendre accessible tout en contrôlant ses accès. Des applications ou des plateformes peuvent ainsi être créées ou adaptées pour répondre aux besoins particuliers de l’entreprise, d’un département ou d’un projet spécifique. L’étude menée par Dulipovci et Vierus (2014), pour le Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations, à l’aide des technologies de l’information et de la communication (CEFRIO), démontre bien à quel point ces outils peuvent exister sous différentes formes et répondre à divers besoins. La multiplicité de ces plateformes entraîne cependant un résultat contraire au but recherché, qui est la centralisation de l’information. En choisissant d’implanter ces plateformes pour les besoins d’une unité d’affaires ou d’un projet précis, l’entreprise peut s’exposer à la multiplication des silos d’information.

Afin de bien illustrer ce qu’est un silo d’information, Ash (2005) utilise l’image du silo à grains introduit en agriculture aux États-Unis au 19e siècle. Ce sont essentiellement des structures verticales, hermétiques et non communicantes. Mohamed et al. (2004), parlent d’organisations verticalement structurées autour des tâches et des fonctions qui ne sont pas adaptées pour le partage des connaissances. De telles structures existent donc, tant au niveau technologique qu’humain. Selon Ash (2005), le véritable défi de ce type de structure réside dans le fait de permettre la communication entre ces vases clos. En effet, il estime que puisqu’ils sont inévitables, il est plus rentable pour l’entreprise de travailler avec les systèmes existants. L’auteur y voit plusieurs points positifs, dont l’accessibilité et la sécurité de l’information. Ainsi, il estime que les silos offrent des outils faciles d’utilisation et accessibles à l’ensemble d’un groupe d’employés. Leur structure hermétique assure un espace privé permettant l’échange d’information qui aurait une incidence positive sur la rentabilité et la performance. Selon l’auteur, les silos d’information contribueraient à renforcer le sentiment de sécurité des utilisateurs face au partage d’information et aux espaces collaboratifs. Le fait que les silos soient accessibles par un groupe restreint favoriserait cette perception. Le maintien de telles structures nécessite tout de même la mise en place de canaux de communication, afin de s’assurer du partage global de l’information. Ash fait ainsi référence aux communautés de pratique, groupes de travail ou du moins à l’identification d’une personne par unité sectorielle qui devrait jouer le rôle de lien de transmission.

Gardiner (2011), quant à lui, soulève la problématique de la multiplicité des silos. Ainsi, ce n’est pas tant la structure qu’il met en cause, mais bien le fait qu’elle soit appliquée par département. Une même entreprise se retrouve donc avec plusieurs silos. Ce qui entraîne la duplication de l’information, des tâches, des politiques et des processus. Selon Cromity et De Stricker (2011), de cette redondance découle la difficulté à rechercher l’information, à l’utiliser et, ultimement, le désintéressement des employés envers l’outil. De plus, Gardiner (2011) soulève la problématique de la sécurité et de l’entretien des silos d’information. Selon lui, plus il y a de silos d’information, plus il est difficile de bien assurer la sécurité de l’information qui peut être dupliquée et transférée. Ainsi, une information jugée confidentielle pour un certain groupe d’utilisateurs pourrait leur devenir accessible en étant transférée d’un silo à un autre. Pour ce qui est de l’entretien, l’auteur note qu’il peut être difficile de maintenir l’inventaire des différents silos et ainsi en assurer la mise à jour. Le mouvement de personnel, la fermeture de projet et le développement de nouveaux outils (bref, le manque de communication) peuvent expliquer qu’un silo soit délaissé.

Le Cirque du Soleil a aussi connu un problème de silos avec l’utilisation de la plateforme SharePoint 2003 (ou WSS3). SharePoint est une plateforme comprenant une série de logiciels pour applications Web et portails développée par Microsoft. Parmi les fonctionnalités, on retrouve la gestion de contenu, les moteurs de recherche, la gestion électronique de documents, les forums et la possibilité de créer des formulaires. Avec WSS3, il suffisait de faire une demande de site au Centre de services des Technologies de l’Information (TI) de l’entreprise pour qu’un site soit créé et que son lien URL soit transmis par courriel. Un site est un espace Web collaboratif qui permet à un groupe de « partager des documents et des éléments. Ses fonctions sont la gestion des versions d’un fichier, l’utilisation de cycle de vie documentaire (approbation, révision, etc.), la gestion des droits d’accès et l’ajout de métadonnées afin d’optimaliser la recherche et le classement des documents. » (Microsoft Office 2015) Une fois le site créé, il était de la responsabilité du demandeur de développer le site et de décider de sa sécurité. Avec le roulement du personnel, certains sites étaient parfois abandonnés, car personne n’avait conservé le lien pour y accéder. L’inventaire de ces sites n’était pas maintenu et aucun mécanisme ne prévoyait une structure logique entre les sites. Après quelques années, on dénombrait plus de 100 sites tous développés en silos. La plateforme elle-même constituait un silo. Aucune information n’était poussée vers une autre source. L’échange de documents entre les employés se faisait encore souvent en joignant un fichier dans un courriel, entre autres, quand les accès au site étaient trop restreints. Ainsi, le destinataire sauvegardait le fichier dans ses espaces départementaux pour alimenter son propre silo. Essentiellement, il s’agit d’un problème de communication de l’information, qui a pour résultat de créer une stagnation de l’information, dont il est difficile d’assurer l’accessibilité.

Cromity et De Stricker (2011) nous rappellent qu’il existe trois barrières à la transmission de l’information. Les barrières techniques sont associées aux outils utilisés, à la sécurité et la gestion de ceux-ci et surtout à la formation dispensée. Les barrières dites « de comportement » se rattachent à l’attitude, à la motivation, à l’âge et à la culture des utilisateurs. Le troisième type de barrière peut être identifié comme étant celui de la communication interpersonnelle et la compréhension qui en découle. Il devient donc nécessaire d’élaborer une solution qui rassemble les éléments positifs des silos d’information, tout en réduisant les contreparties négatives identifiées par Gardiner (2011). L’objectif est de permettre la collaboration et la coopération interdépartementale en maintenant une cohérence d’utilisation de l’information (Benghozi 2000). L’entreprise doit ainsi centraliser ses connaissances et les rendre disponibles à la réutilisation (Vayghan 2007). Il est donc recommandé de mettre en place un environnement proactif qui intègre les utilisateurs, les tâches, les outils ainsi que les processus (Rilling et al. 2008).

Le Cirque du Soleil

Le Cirque, créé en 1984, est une entreprise reconnue internationalement pour son offre de divertissement artistique. Depuis sa création, nous sommes d’avis que le Cirque du Soleil a toujours cherché à nourrir l’imagination, stimuler les sens et susciter l’émotion chez son public et ce, partout dans le monde. En 1984, 73 personnes travaillaient pour le Cirque du Soleil. L’entreprise compte aujourd’hui près de 4 000 employés dans le monde entier, dont plus de 1 300 artistes. Le siège social international, établi à Montréal, compte à lui seul près de 1 500 employés. C’est à cet endroit que sont généralement préparés tous les spectacles du Cirque. On retrouve plus de 100 corps de métier au Cirque du Soleil ; plus de 50 nationalités sont représentées au sein de l’entreprise et 25 langues différentes sont parlées parmi les employés et les artistes. Près de 150 millions de spectateurs ont vu un spectacle du Cirque du Soleil depuis 1984.

Les origines du Cirque du Soleil remontent aux visées d’un groupe de saltimbanques, Les échassiers de Baie St-Paul, au début des années 80. Ces visionnaires ont su développer un marché autour des arts du cirque et abattre les obstacles afin de créer le fleuron que l’on connaît aujourd’hui. L’entreprise présente 19 spectacles différents à travers le monde. Neuf sont des spectacles fixes donnés principalement à Las Vegas et dix sont des spectacles offerts en tournée. Avec la nature et la multitude de ses activités, l’importante masse documentaire détenue par le Cirque ne cesse de croître. Une culture d’entreprise basée sur la créativité présente à tous les niveaux a fait en sorte qu’il s’y est développé une panoplie de solutions aux différents problèmes rencontrés, que ce soit pour la réalisation de prouesses technologiques ou pour résoudre des cas de gestion administrative.

La gestion de l’information au Cirque du Soleil

Dès 2002, le Cirque se penche vers un outil de GED pour pallier aux problèmes rencontrés avec sa principale série documentaire, c’est-à-dire la documentation technique des spectacles. Celle-ci peut contenir plus de 5 000 documents par spectacle, devant être accessible à de multiples utilisateurs dispersés dans différents points de services et sur tous les continents. Ces documents comprennent les dessins des éléments du spectacle, une fiche descriptive de chacun d’eux, de nombreuses photographies, des manuels d’entretien du matériel, etc. L’outil de GED pour la documentation technique visait à assurer l’accès à la bonne version des documents, à garantir la traçabilité de l’information et à faciliter la recherche. Malgré cette utilisation, une importante masse d’information se trouve toujours dans plusieurs systèmes isolés les uns des autres. Même si la documentation technique était bien organisée, les autres documents demeuraient dans un environnement non structuré et étaient difficiles à gérer, à retrouver et à partager. En 2008, l’ensemble de la masse documentaire était évalué à quelques millions de documents présents dans les différents espaces réseau. À cette époque, plusieurs unités d’affaires (direction, service ou vice-présidence) cherchaient des solutions pour mieux gérer leurs documents électroniques, sans nécessairement mentionner qu’ils avaient besoin d’un outil de GED. Les problématiques documentaires soulevées tournaient autour de la création de versions de document, du partage avec l’externe, d’automatisation de processus, de recherche améliorée, etc. Les unités étaient à la recherche d’un outil pour faciliter la gestion et le partage de leur grande masse de documents. Il était réaliste de penser que ces besoins pouvaient être comblés par les fonctionnalités d’un outil de GED. De plus, de nombreuses sources d’information demeuraient difficilement accessibles puisqu’elles étaient conservées dans des silos structurels. Un autre besoin était la possibilité d’échanger facilement des fichiers par le biais de liens en lieu et place d’une pièce jointe. Cette nouvelle pratique garantissait l’accès à la dernière version du document, réduisait la taille des échanges sur le réseau tout en évitant les copies multiples dans différents silos au sein de l’entreprise.

Pour améliorer cette situation et à la suite des besoins recueillis, un projet d’acquisition d’un outil de GED corporatif a été démarré (voir Annexe 1). Les architectes des technologies de l’information du Cirque ont préparé un positionnement. Ceux-ci ont recommandé de changer l’outil de GED utilisé pour la documentation technique et d’opter pour un nouvel outil qui servira de plateforme unifiée d’entreprise pour le partage des documents et le travail collaboratif. Après une analyse détaillée des besoins et des interactions avec les différentes composantes en place dans l’entreprise, une application a été retenue. Puis, l’architecture technologique a été détaillée ainsi que les principaux jalons des règles de gouvernance. SharePoint 2010 est choisi à cet effet. Un projet de déploiement de la nouvelle plateforme est amorcé en 2009 avec le déploiement d’un premier site. D’autres besoins sont identifiés pour en dégager un projet de déploiement d’une solution corporative de GED. À la suite du projet-pilote, les déploiements dans les unités sont confiés à l’équipe de gestion documentaire de l’entreprise. Celle-ci choisit de travailler par unités sectorielles afin de bien répondre aux spécificités de chacune d’elles. Mais comment étendre cette solution en évitant les pièges du phénomène des silos d’informations ?

Déploiement d’un outil de GED

L’architecture de l’information

L’arrivée de la nouvelle plateforme SharePoint 2010 est l’occasion d’établir une architecture d’information qui puisse regrouper et centraliser la documentation non structurée de l’entreprise tout en évitant le développement de silos. L’architecture de l’information se définit comme « la structure conceptuelle définissant les emplacements et les interactions des différents contenus d’un système d’information et plus spécifiquement d’un site Web, d’un intranet ou d’un extranet, afin d’aider les utilisateurs à trouver et à gérer les données » (Office québécois de la langue française 2012). Essentiellement, il s’agit donc de l’organisation de l’information, de sa disposition, de sa structure, de son identification et de son accès. L’utilisateur doit être au coeur de la réflexion.

Idéalement cette architecture doit être pensée et définie avant même de commencer l’utilisation d’un outil de GED. Au Cirque, une architecture globale de l’information a été préparée avant l’implantation de la plateforme afin d’éviter l’exemple des silos décrit précédemment. Une page d’accueil principale est mise en place ainsi qu’une navigation globale. Basée sur des modèles de classification, établis par Bibliothèque et Archives Canada, cette dernière permet de naviguer d’un site à un autre et de revenir en tout temps à la page d’accueil principale. Elle correspond en fait au premier niveau de classification qui se détaille par la suite, du général au particulier. La documentation y est répartie selon le principe de la classification par activités. Le site parent représente la porte d’entrée, centralisant l’information sur une activité donnée. Et ses sous-sites portent sur des sous-activités. Quatre grandes sections sont prévues afin de regrouper toutes les activités de l’entreprise. La page principale donne en plus accès à la « Recherche globale » qui permet de chercher des termes d’une seule opération dans tous les sites accessibles à un utilisateur (Voir figure 1).

Figure 1

Page d’accueil principale

Page d’accueil principale

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De plus, le concentrateur central (Hub en anglais) sera privilégié pour différentes valeurs fréquemment utilisées par les unités d’affaires telles que les noms des différents spectacles du Cirque. Ce concentrateur rend possible la publication de métadonnées et de types de contenu, de les gérer de manière centralisée pour qu’ils soient utilisés dans plusieurs collections de sites. En provenant ainsi d’une source unique, ceci évite les erreurs de frappe et facilite les recherches transversales. Ces outils, page d’accueil principale, navigation et recherche globale, et métadonnées gérées permettent de briser les silos. L’information ainsi structurée, et une grande masse de documents rendue disponible dans une même interface, auront un effet bénéfique. Cette réorganisation de l’information suscite l’intérêt des utilisateurs et crée une habitude à l’interface. À la suite du déploiement de certains sites, on compte près d’une centaine de personnes qui l’utilisent quotidiennement après seulement quelques jours.

Les étapes du projet

Pour étendre SharePoint dans l’entreprise, la gestion documentaire utilise différents outils. Par exemple, elle se base sur la gouvernance de projet au Cirque (cycle de projet, rôles fondamentaux, modèles de documents, etc.), sur le cadre de gouvernance de SharePoint (rôles et responsabilités au sein de l’entreprise, gestion de la sécurité, formation des utilisateurs, etc.) ainsi que sur des outils développés par la gestion documentaire (documentation des principaux éléments d’un site, application des meilleures pratiques pour les aspects technologiques, priorisation des demandes, étapes de déploiement à suivre, règles de nomenclature, normes, etc.).

Les étapes de déploiement sont résumées à la figure 2, mais précisons qu’en début de projet, un mandat a été préparé et approuvé par le propriétaire de l’information, soit le dirigeant de l’unité d’affaires. On y présente les activités qui seront menées, les différents rôles, les ressources qui y seront affectées et l’échéancier du projet. Le propriétaire s’engage aussi à s’assurer de l’utilisation du site, une fois la livraison effectuée. Pour démarrer le projet, une rencontre plénière est tenue avec toutes les parties impliquées. Les objectifs de haut niveau sont discutés et les principales préoccupations des participants sont relevées. Par la suite, différentes rencontres sont tenues pour recueillir des besoins détaillés avec les utilisateurs-clés du projet. Tous les aspects sont discutés : position dans la navigation globale, classification, indexation (métadonnées) et recherche, sécurité, demandes connexes comme l’automatisation de processus, alertes, versions de documents et approbation, etc. Les différents types de contenus sont aussi analysés. Par la suite, des prototypes offrant différentes possibilités sont présentés aux usagers-clés. Ceux-ci retiennent des options qui sont consolidées graduellement dans un site démonstrateur qui sera présenté aux dirigeants et à quelques futurs utilisateurs. Après quoi, le site définitif est réalisé et recevra les premiers échantillons de documents et autres contenus dont des listes et des liens vers d’autres sources d’information.

Figure 2

Processus de déploiement de sites SharePoint

Processus de déploiement de sites SharePoint

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La durée d’un déploiement est très variable selon la complexité des fonctionnalités recherchées, le volume de documents à traiter, les niveaux de sécurité requis et la disponibilité des utilisateurs-clés. Il faut aussi considérer la gestion du changement et procéder au déploiement en gardant comme priorité de gagner l’adhésion des utilisateurs visés. Sans ce gain, la démarche peut perdre son essence même.

Déploiement aux Ateliers de costumes

Mise en situation

Les Ateliers de costumes représentent un important groupe au sein du Cirque. Cette unité est responsable de la production de tous les costumes pour l’ensemble des spectacles. On y utilisait déjà SharePoint 2003 depuis quelques années pour partager de l’information technique, reliée à la confection des costumes, à l’interne et avec des fournisseurs. Plus particulièrement des marches à suivre qui font état de toutes les étapes à réaliser pour la fabrication d’un costume. Certains fournisseurs ou costumiers travaillant sur les spectacles doivent accéder à ce contenu. Face aux nombreuses limitations de l’outil, une demande est faite pour faire migrer les contenus vers le nouvel outil, SharePoint 2010. Voici un exemple de limitation : les fichiers des Ateliers de costume contenaient plusieurs images, étant ainsi trop volumineux pour résider dans le site en SharePoint 2003 en format natif Word. Comme solution, le fichier était travaillé dans l’espace Windows puis converti en format PDF avant d’être versé dans SharePoint 2003. Si une modification était requise, on modifiait le fichier Word, puis un fichier PDF était généré à nouveau et on devait remplacer l’ancien fichier PDF dans le site. Cette manipulation amenait un risque élevé de dédoublement de l’information et plus particulièrement, une mauvaise gestion des versions des documents. Il pouvait arriver qu’un costume soit fait à partir d’une mauvaise version ou d’une version incomplète d’un document, puisque la version pouvait varier d’un silo à l’autre, donc de l’espace Windows à SharePoint.

Les Ateliers de costumes voulaient aussi utiliser une application stable, avec moins de limitations, qui permet la création de versions de documents et qui garantit l’accès à l’information, incluant celle des fournisseurs externes.

Le projet de déploiement a donc démarré. En début d’analyse, il a été constaté que personne ne connaissait le nombre exact de sites en SharePoint 2003 ni à quoi ils servaient exactement. Pour différencier ces sites, les utilisateurs en donnaient la couleur principale. Par exemple : une telle information est dans le site bleu et telle autre dans le site jaune. Ces sites étaient tous en silos, sans liens entre eux. Pour en connaître l’existence, il fallait que quelqu’un envoie le lien et en donne l’accès. L’un de ces liens avait une taille importante, soit près de 53 Go, comptait plus de 300 utilisateurs et contenait des informations essentielles au bon fonctionnement des activités de l’entreprise comme le plan des arénas visités partout dans le monde pour y présenter des spectacles. Un autre exemple, décrit précédemment, est la marche à suivre pour la fabrication des costumes. En plus d’assurer la migration vers SharePoint 2010, l’équipe de gestion documentaire veut tirer profit des nouvelles fonctionnalités offertes (voir Annexe 2).

Pour le projet, la règle de gouvernance veut que deux représentants (les usagers-clés) participent à la réalisation du projet. La responsable de l’équipe voit, entre autres, à l’affectation des ressources, à la signature du mandat, au respect de l’échéancier et collabore au plan de communication et de gestion du changement. En fait, elle agit comme chargée de projet. Les usagers-clés assurent la communication entre l’équipe de la gestion documentaire et l’unité d’affaires, transmettent tous les besoins de l’unité, collaborent à la définition du futur site et de ses fonctionnalités, suivent une formation exhaustive sur l’utilisation de la plateforme, participent à l’administration et à l’évolution du site une fois celui-ci livré, voient au contrôle de la qualité, transmettent toutes les informations utiles et recueillent les suggestions des usagers. Ces ressources sont aussi appuyées par des spécialistes ou documentalistes des Ateliers de costumes qui sont dédiés à la gestion de l’information, qui possèdent une vue d’ensemble des différentes demandes et qui assurent une coordination.

L’architecture d’information sectorielle

Avant le déploiement de chaque site d’une unité d’affaires, une architecture d’information sectorielle est détaillée (voir figure 3). Celle-ci permet de fixer où sera positionné un site dans la navigation globale et ainsi assurer une cohérence avec l’ensemble des sites. Il faut tenir compte de la taille que représente l’information visée. Avec une limite de 200 Go par collection de sites, si cette limite peut être atteinte avec le temps, il est préférable de répartir l’information dans plus d’une collection de sites. Mais l’accès à toute l’information reste plus facile et efficace à l’intérieur d’une même collection. C’est ce qui sera privilégié. Il faut aussi considérer les besoins actuels et futurs ainsi que les autres sites qui seront requis pour couvrir l’ensemble des activités du groupe des Ateliers de costumes.

En début de projet, les problématiques sont étudiées et les documents à intégrer sont identifiés (appelé le « scope »). Ce qui n’est pas intégré sera traité lors de phases ultérieures, mais il faut en tenir compte lors de la conception initiale.

Figure 3

Structure des sites pour les Ateliers des costumes

Structure des sites pour les Ateliers des costumes

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En plus de la structure de site, la réflexion doit porter sur les métadonnées, les fonctionnalités, les processus et les différents éléments de sécurité. Par exemple, pour les métadonnées, une partie proviendra du concentrateur « Hub » central, tel que les métadonnées gérées, d’autres seront saisies dans le concentrateur local. Les types de contenus dériveront du type de base du concentrateur central et seront saisis dans le concentrateur local. Par exemple, tous les types de contenu des Costumes dériveront du type « Technical Document » et se déclineront ainsi : Technical Costume, Technical Costume Workshop. La figure 4 ci-dessous décrit ce principe :

Figure 4

Métadonnées et leurs provenances

Métadonnées et leurs provenances

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L’identification des besoins

Pour la cueillette des besoins, l’équipe de gestion documentaire travaille de près avec les représentants désignés. Elle procède à une analyse documentaire qui s’articule principalement autour de la navigation (où sera positionné le site par rapport à l’ensemble des sites), de la classification, de l’indexation (métadonnées et affichages), du type de contrôle de versions, de la sécurité et de l’automatisation de processus. Dans ce cas-ci, un extranet a été retenu pour permettre l’accès aux partenaires externes. La collaboration entre les différentes unités impliquées dans l’organisation, dont les artisans des Ateliers des costumes, les Approvisionnements, les costumiers des différents spectacles, a aussi été considérée. Ainsi les Ateliers peuvent ajouter une marche à suivre pour un nouvel élément de costume, disons un chapeau. Ceci déclenche une demande aux Approvisionnements qui lui attribueront un code SAP (Systems, Applications and Products). Ce code permet de facilement retrouver une information, d’accélérer sa mise à jour et de permettre son partage en temps réel par les différentes unités d’affaires. Ainsi, un costumier en poste à Las Vegas utilisera cette marche à suivre pour effectuer une réparation éventuelle. Il pourra aussi la modifier, au besoin, pour proposer une amélioration à la fabrication de ce chapeau. La cueillette des besoins se fait surtout lors de rencontres de l’équipe de projet où les informations sont cumulées dans un outil de suivi. À l’occasion, des sessions de travail ont lieu entre quelques membres du projet. Les besoins sont concrétisés dans un site « démo » présenté et discuté avec l’équipe de projet. Plusieurs itérations sont effectuées. Pour la navigation, l’examen a débuté avec la configuration du site en SharePoint 2003. La classification y était répartie par : Atelier/Spectacle/Rôle/Item. Or, la classification généralisée des autres outils aux Ateliers de costumes était : Spectacle/Rôle/Modèle/Items. Il a été décidé de revenir au standard habituel, et ce, dans tous les nouveaux sites SharePoint. (Voir figure 5).

Figure 5

Comparaison de la classification de 1er niveau

Comparaison de la classification de 1er niveau

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Les besoins détaillés étaient nombreux, allant de la nomenclature uniformisée de fichiers, de l’accès au numéro de référence SAP, de l’affichage de l’acronyme de la spécialité, jusqu’au contrôle de version mineure ou majeure avec approbation requise pour publier une version majeure ou officielle. La figure 6 illustre quelques-unes des options d’affichage retenues. Ces ajouts faisaient partie des besoins initiaux, comme le contrôle de version. D’autres sont venus avec les possibilités offertes par SharePoint comme avoir le numéro SAP en métadonnées, l’approbation de version par le chef d’atelier avant sa publication aux artisans. Quant à l’uniformisation des noms de fichiers, ceci est toujours une bonne pratique. Ici, les Ateliers de costumes ont décidé de profiter du changement pour mettre en place des règles fixes.

Figure 6

Options d’affichage du nouveau site

Options d’affichage du nouveau site

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Les livrables

Les Ateliers de costumes utilisaient déjà plusieurs outils informatiques fonctionnels, mais une meilleure intégration entre eux était désirée. En centralisant les fonctions documentaires dans une même plateforme, on venait briser des silos, faciliter l’accès et simplifier les développements futurs. En plus du contenu des anciens sites, plusieurs outils ont été ajoutés, dont les échantillons de tissus numérisés, des recettes de teinture pour les tissus, des documents de référence, etc. L’étape la plus longue dans un déploiement, et souvent sous-évaluée, est la migration du contenu. Au départ, le délai de livraison du projet est évalué à une cinquantaine de jours. Mais plusieurs étapes ont été plus longues que prévu, comme les discussions pour décider de la nomenclature des noms de fichiers. Certains voulaient que ceux-ci commencent par une notion très cartésienne comme le numéro SAP. D’autres voulaient des termes plus parlants ou significatifs. Ceci a requis un peu de temps, mais a donné un bon résultat et cette nomenclature est respectée par tous. L’ouverture du site s’est faite après quelques retards avec les documents de six spectacles. Pour les autres, des liens redirigent vers l’ancien site. Puis les personnes qui devaient terminer cette tâche se sont vues confier d’autres priorités. Il a fallu quelques mois supplémentaires avant que l’ensemble des documents s’y trouve. L’exigence de la migration est que pour chaque document, il faut identifier les valeurs retenues lors de l’analyse documentaire. Avec plus de 1 000 documents par spectacle, cette tâche s’avère longue. Mais les efforts sont récompensés. Quelques jours après le lancement, on constate une fréquentation de plus de 80 utilisateurs par jour. Celle-ci ira en augmentant avec le temps et lors de l’ajout de nouvelles séries documentaires dans le site ou reliées à ce dernier.

Constat sur la GED au Cirque du Soleil

Avec le début de la GED pour la documentation technique des spectacles, le Cirque avait bâti une expertise et inculqué, à une partie de la communauté, les notions de GED : information structurée, traçabilité, indexation pour permettre un repérage efficace, et surtout ; partage, collaboration, centralisation et accessibilité de l’information. Ceci préparait le terrain pour étendre ces principes au sein de l’entreprise. Après trois ans d’expérience avec SharePoint, l’utilisation de la GED continue de se propager dans l’organisation. Les différentes possibilités semblent offrir suffisamment d’intérêt pour que les demandes de site ne cessent d’arriver. On pourrait même parler d’engouement, certes pas totalement généralisé, mais qui rejoint largement les attentes. Le niveau actuel de pénétration n’est pas connu formellement, mais une imposante partie de la masse documentaire a été traitée à ce jour, soit 1,5 million de documents. Seul l’avenir prochain pourra confirmer la stabilité des résultats. Une bonne partie des bénéfices de la GED provient du fait que l’outil soit utilisé par toutes les unités pour leurs besoins documentaires. Ceci facilite la circulation d’information, évite les silos, offre une interface unique et connue des employés. Ainsi, une véritable culture de collaboration, de partage et d’accès à l’information peut s’étendre à la majorité de l’entreprise. Il est réaliste d’avancer que plus de 50 % des unités du Cirque utilisent actuellement la plateforme. Avec une moyenne de 800 utilisateurs par jour durant la semaine et de 400 utilisateurs durant la fin de semaine, ceci démontre que le système répond bien à des besoins.

Le développement du projet a demandé une grande cohérence, une collaboration intersectorielle et une participation soutenue des différents niveaux d’utilisateurs. Il semble avoir été bénéfique d’en confier la direction à une équipe, soit à celle de la gestion documentaire. Ceci a permis une cohérence et l’application d’un cadre de gestion centralisé, tout en forçant la concertation et la coopération des différentes unités d’affaires (Benghozi 2000). De plus, l’approche utilisée rallie les opinions des auteurs Gardiner (2011), Cromity et De Stricker (2011), c’est-à-dire, une plateforme qui réponde aux besoins spécifiques d’une unité d’affaires, tout en assurant l’accès sécurisé aux personnes concernées. Le contenu peut être disponible à toutes les unités qui en font la demande en suivant des règles et des principes établis. Dans le cas du Cirque, SharePoint 2010 centralise bien une grande masse d’informations, dessert des utilisateurs provenant de toute l’entreprise et procure une interconnectivité entre les secteurs et les fournisseurs externes. Pour reprendre Ash, il existe plusieurs facteurs qui favorisent l’apparition et le maintien des silos structurels, qui eux-mêmes semblent inévitables, mais l’exemple concret du Cirque du Soleil permet d’en réduire la formation.

Conclusion

Une saine gestion de l’information et de ses composantes représente un important défi pour les organisations. L’exemple du Cirque du Soleil nous a permis de constater que celle-ci peut constituer un besoin important au sein de l’entreprise et il est avantageux de le faire en évitant les silos. De plus, si l’information est structurée selon des normes établies, et de bonnes pratiques, il en ressortira une plateforme efficace, bien utilisée, en demande, voir même une référence dans l’entreprise. Les silos d’information sont une réalité faisant partie de la gestion de l’information. Ils représentent même l’un des défis les plus importants. Les entreprises investissent de plus en plus dans les technologies de l’information, mais elles ignorent trop souvent cette problématique. Réalité certes incontournable, surtout au sein des applications, mais dont il faut éviter les effets néfastes autant que possible. Les différents écrits sur le sujet ne nous permettent pas d’établir un protocole qui garantisse l’exclusion des silos d’information. Il reste donc tout à l’avantage des entreprises de connaître ce phénomène et surtout de développer des solutions qui pourront réduire son impact.

Cette recherche et le bilan d’expérience décrit nous permettent de constater qu’il est possible d’implanter des solutions qui prennent en compte l’information dès sa création et tout au long de son utilisation. Ceci peut contribuer à réduire le phénomène des silos d’information au profit de la mémoire organisationnelle, de la culture de partage et d’accès à l’information. C’est une voie qui semble encore plus réaliste en ce début de XXIe siècle et qui demeure un objectif prioritaire pour plusieurs intervenants dans le domaine de la gestion de l’information.