Canet Raphaël, Ronald Cameron et Nathalie Guay (dir.), 2022, Altermondialismes. Justice sociale et écologique dans un monde globalisé. Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 118 p.

Défaire le modèle actuel de la globalisation pour en construire un autre, plus solidaire, voilà le coeur des propositions des altermondialistes. Il s’agit de reconstruire nos sociétés sur de nouvelles bases afin d’assurer un meilleur avenir aux générations futures. L’ouvrage Altermodialismes. Justice sociale et écologique dans un monde globalisé, sous la direction de Raphaël Canet, Ronald Cameron et Nathalie Guay, est le résultat d’un travail collectif d’analystes et de chercheurs aux horizons variés, alliant la recherche sur les mouvements sociaux à la sociologie et au syndicalisme. De l’aveu des auteurs, le but de cet ouvrage informatif et contestataire est d’introduire à un large public les tenants et aboutissants de l’altermondialisme. Ce dernier, fondé sur une vision particulière du monde, est un projet de transformation sociale complexe apparu au tournant du XXI^e siècle visant à matérialiser une alternative critique au projet de mondialisation néolibérale. À travers une perspective historique et empirique, les auteurs cherchent à démontrer que le néolibéralisme, porté par les puissances de ce monde et les grandes institutions internationales à vocation économique qui lui sont attachées, n’est pas naturel ni inévitable, mais bien le résultat d’un processus politique réfléchi par lequel des élites ont imposé leurs intérêts à la globalité. En réponse à cette imposition, le mouvement altermondialiste cherche à libérer une énergie créatrice et la pensée pour matérialiser un monde de possibles autre à travers un utopisme militant.

Comme le démontrent habilement les auteurs, la nébuleuse altermondialiste est très diverse dans ses échelles d’action et de participation : du local au global et de l’individuel au collectif. L’altermondialisme s’institue comme un ensemble organique et dynamique de propositions communes, d’idéaux et de pratiques ancré dans la collaboration, l’échange et l’expérience collective. À double visage, l’altermondialisme peut être perçu comme une épée, une voix contestataire qui rejette et pourfend toute forme d’impérialisme et de domination, s’opposant et luttant contre la domination du monde par le capital, la finance mondiale et les industries extractivistes. Il sert également de bouclier, cherchant à défendre et à promouvoir la justice sociale, l’environnement et ses droits, mais également la souveraineté et l’autonomie des peuples, en réaffirmant les droits territoriaux ancestraux des communautés, trop souvent dépossédées par le modèle productiviste et industriel.

L’ouvrage comprend 17 chapitres répartis en 3 parties. La première partie propose comme point de départ de situer, en quelques pages, les grandes lignes et les concepts importants de l’altermondialisme : la montée du néolibéralisme et de la finance internationale, l’accroissement des inégalités ainsi que les différents mouvements composant l’action altermondialiste.

La deuxième partie offre une vue en plongée sur ce savoir engagé et sur les transformations du monde sociopolitique qui ont marqué les cinquante dernières années. Historique et empirique, cette partie propose d’étudier le parcours de la contestation du modèle dominant, passant du mouvement zapatiste au Printemps arabe de 2010. Il s’attarde également au bras de fer entre le Forum économique de Davos et le Forum social mondial de Porto Alegre ainsi qu’à l’effervescence du Sommet des Amériques, en 2001. La force de cette section est d’offrir une vue d’ensemble claire et concise, située et détaillée des principales revendications altermondialistes. Regroupée en courts chapitres, la description de chacun des événements permet de saisir les enjeux propres à chaque moment tout en les situant dans le spectre plus large de l’altermondialisme.

La troisième et dernière section du livre porte sur les grands enjeux contemporains. S’y retrouvent successivement des chapitres portant sur la crise migratoire, la montée du féminisme et de la droite conservatrice ainsi que la crise écologique actuelle. Ces événements, ancrés dans leurs réalités propres (physiques et conceptuelles), témoignent de l’évolution des formes et des objets de contestation, mais également des moyens utilisés. Organique, dynamique et rhizomatique, l’altermondialisme apprend, s’adapte et prend des formes nouvelles pour répondre aux enjeux actuels. Ceux-ci, marqués par les crises économiques récentes, la pandémie de COVID-19 et les changements climatiques, tendent à toucher de plus en plus drastiquement la classe moyenne.

Alimenté par une prose simple, sobre et concise, le livre décrit succinctement mais efficacement les différentes phases et les causes qui ont marqué le mouvement altermondialiste. Porté par un regard historique et empirique, il offre un tour de table exhaustif des grandes contestations et des jalons historiques majeurs tout en présentant une perspective ancrée dans la contemporanéité de la lutte altermondialiste. Ce livre permet aux profanes d’amorcer une réflexion plus large en apprivoisant l’altermondialisme, son histoire, ses concepts et ses idéaux, grâce notamment aux nombreuses sources proposées à travers chaque chapitre. Son caractère introductif, pédagogique et parfois général ne laissera pas en reste les initiés, qui verront dans cet ouvrage une opportunité de se réapproprier efficacement les moments historiques importants du mouvement altermondialiste, offrant simultanément une vision d’ensemble et un regard pointu sur les luttes contemporaines, la suggestion de références supplémentaires étant ici encore d’un intérêt appréciable.

Finalement et comme le suggèrent les auteurs, un archipel de mondes alternatifs semble être en train d’émerger autour de la justice climatique, de la souveraineté alimentaire, du commerce équitable, de la démocratie participative, de la décroissance et du buen vivir. Autant de principes fondateurs d’un nouveau vivre-ensemble qui se veut local et durable, créateur de liens sociaux avec, comme dénominateur commun, l’accès pour tous aux droits, à la démocratie, à la paix. Cette orientation commune donne son sens à la convergence des mouvements, véritable clé de voûte du mouvement altermondialiste.