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Louis-Joseph Papineau (1786-1871) est un personnage politique qui a marqué l’imaginaire collectif des Québécoises et des Québécois. Son intelligence est devenue mythique ; à un point tel que l’expression « ça ne prend pas la tête à Papineau » est aujourd’hui familière à toutes et à tous. Cette locution est par exemple employée par Jacques Godbout, en 1981, pour intituler son sixième roman, Les têtes à Papineau[2]. Le groupe Les Cowboys fringants chante aussi ce refrain depuis 2010 :

Heille ! donnez-moi un break avant que j’meure de rire

Ça prend pas la tête à Papineau

Pour s’rendre compte qu’on manque le métro[3]

En 2012, la fromagerie Montebello crée le fromage Tête à Papineau, une pâte demi-ferme qui, explique-t-on, « s’associe à l’orateur très intelligent et de grand talent, Louis-Joseph Papineau[4] ». Les têtes à Papineau a également été choisi comme titre d’un jeu questionnaire présenté sur la page Facebook de l’Assemblée nationale, la veille de la Fête nationale du Québec, le 23 juin 2020, et avant le congé des Fêtes, le 16 décembre 2020. Il existe de multiples usages du même genre.

En 1977, dans l’épisode « La tête à Papineau » de l’émission Aux yeux du présent de Radio-Québec, les comédiens Gilles Pelletier et Jean-Pierre Bergeron incarnent respectivement Louis-Joseph Papineau et son neveu Louis-Antoine Dessaulles. Cette mise en scène télévisuelle est réalisée par Pierre Gauvreau, d’après un scénario de Jean-Pierre Morin en collaboration avec l’historien Jacques Lacoursière[5].

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Tout le monde s’entend aujourd’hui sur la signification de cette expression. Celle-ci se trouve d’ailleurs dans le dictionnaire Le Robert à l’entrée du mot « tête » : « cervelle. Loc. (Canada) Ne pas être la tête à Papineau : ne pas être intelligent (cf. Ne pas avoir inventé l’eau chaude, le fil à couper le beurre). » Dans le Dictionnaire des canadianismes, il est écrit : « Papineau. n. pr. Ne pas être, ne pas avoir la tête à Papineau. Ne pas être futé, être d’une intelligence très moyenne[6]. » Dans le Dictionnaire des onomastismes québécois, on peut lire :

Tête à Papineau. Synt. nom. f. ◊ Plutôt fréq. Fam. Personne intelligente. […] – ne pas être la tête à Papineau ou ne pas être une tête à Papineau : Être une personne inintelligente. […] ◊ HIST. Figure de proue du mouvement patriote canadien-français et tribun charismatique (Filteau, 2003, p. 126) ce n’est donc pas sous le coup du hasard que l’imaginaire collectif a retenu la litote ça (ne) prend pas la tête à Papineau. […] Une hypothèse veut qu’un avis de recherche émis en décembre 1837 pour retrouver Papineau, alors accusé du crime de haute trahison, ait « donné naissance à la fameuse expression “la tête à Papineau” » (Paré, 2012 a, p. a 12.), puisqu’une prime était mise sur la « tête à Papineau » (Paré, 2012 b, p. a 7.). Cette hypothèse semble fantaisiste, mais on ne peut toutefois la démentir formellement, dans l’état actuel des connaissances. On notera que l’avis de recherche en question, titré 4 000 piastres de récompense !, ne comporte pas le mot tête[7].

Sinon, une recherche sur Internet permet de constater que… ça ne prend pas la tête à Papineau pour savoir ce que ça veut dire :

L’expression québécoise « ça prend pas la tête à Papineau » fait référence à quelque chose qui ne demande pas une grande intelligence. On utilise cette expression pour dire que quelque chose est simple à comprendre, évident ou facilement réalisable[8].

Une « tête à Papineau » se dit de quelqu’un d’intelligent. L’expression s’emploie presque toujours à la négative – « ça prend pas la tête à Papineau » – signifiant ainsi qu’il ne faut pas une grande intelligence pour comprendre une situation donnée[9].

Une expression qu’on ne retrouve qu’au Québec, mais dont tous ne connaissent pas l’origine. Elle fait bien évidemment référence à Louis-Joseph Papineau, redoutable politicien, républicain assumé et un des leaders du mouvement patriote des rébellions de 1837. […] L’expression « ça prend pas la tête à Papineau » veut donc dire pas besoin d’être un génie[10].

Même si la tête à Papineau est une expression connue comme… Barabbas dans la Passion, on ignorait presque tout de son origine ; on ne savait pas quand ni comment celle-ci a fini par être adoptée dans le langage familier ; on ne connaissait pas non plus à quel moment elle a été employée couramment dans la presse écrite. Seul le site Internet Biblilivre offre un repère chronologique, soit qu’elle « remonte au XIXe siècle au Bas-Canada », mais cette vague information ne s’appuie sur aucun document d’archives[11].

Un homme de tête

Louis-Joseph Papineau est à la tête du mouvement patriote. Après l’assemblée de Saint-Charles du 23 octobre 1837, il quitte le Bas-Canada pour trouver refuge aux États-Unis. Sa tête est mise à prix le 1er décembre. Par proclamation, le gouverneur Archibald Acheson, comte de Gosford, offre une récompense de 1000 livres (4000 piastres) à qui parviendra à « découvrir, prendre et appréhender » Papineau, accusé du crime de haute trahison[12]. Cette somme (qui est, ni plus ni moins, son salaire annuel comme orateur de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada[13]) est considérée, par la population en général, comme étant d’une très grande importance. C’est dire à quel point le gouvernement colonial tient à lui mettre la main au collet.

La formule « la tête de Papineau » est recensée une première fois dans le journal La Quotidienne, le 6 septembre 1838. Dans l’article intitulé « Lord Peters et la tête de mort », il est question d’une maquette en bois du sculpteur Pierre Chasseur, confectionnée pour l’ouverture d’une rue menant de la Haute-Ville à la Basse-Ville de Québec. Le public est invité à venir admirer son ouvrage. On raconte que :

Lord Peters (que nous croyons attaché à la suite du comte de Durham), messrs Wakefield, père et fils, et M. Lemoine se rendirent chez M. Chasseur, alors absent. Ils demandèrent au gardien de la maison à voir le modèle dont il s’agit, ce qui leur fut à l’instant accordé. Après l’avoir examiné, lord Peters fit une tête de mort et la cloua au plan, disant : « Voici la tête de Papineau[14]. »

Le chroniqueur dénonce ce geste déplacé à l’encontre d’un grand homme, « le plus habile et le plus honnête du Canada ». Il poursuit : « Nous ne concevons pas l’acharnement que l’on met à persécuter un homme absent qu’un dur exil retient loin de ses foyers. » Cette nouvelle est ensuite reprise dans le journal Le Temps, du 18 septembre 1838. S’y trouve publié un démenti de Benjamin Lemoine, lequel est contredit par le témoignage du charpentier François Patoine. Sous serment, devant le juge de paix Louis Théodore Besserer, Patoine affirme qu’il a bel et bien conduit cesdites personnes auprès du plan en bois de Chasseur, qu’il les a entendues rire et prononcer les paroles : « This is Papineau’s head[15] ». Ce « scandale » est finalement relayé par Le Populaire : journal des intérêts canadiens, le 3 octobre 1838. Cette fois, on prend le parti de Lord Peter Petré. Cette « plaisanterie » n’est, dit-on, fondée que sur des racontars, et la suite de l’article traîne la réputation de Chasseur dans la boue[16].

La « tête de Papineau » continue de faire parler d’elle dans un tout autre contexte. Dans Le Canadien du 1er mai 1839, il est question de l’arrivée de Papineau en France. Ce billet, qui reproduit des extraits d’un journal français, souligne l’intelligence vive du politicien en exil :

M. Papineau, qui a joué au Canada un rôle si périlleux, assistait hier au spectacle. C’est un homme dans la vigueur de l’âge et dont les traits ont une expression énergique. Les regards se portaient avec intérêt sur cette tête que les Anglais ont mise à prix, et que, si près de nos côtes hospitalières, une tempête pouvait leur livrer.

M. Papineau est arrivé à Paris, il était ce soir chez M. Laffite, où il attirait l’attention générale par l’abondance et l’intérêt de sa conversation. M. Papineau paraît âgé d’environ cinquante ans ; sa figure qui porte le caractère des créoles français a l’expression de l’énergie et de la vivacité[17].

Si Papineau est déjà un homme réputé vif et énergique, rien ne permet pour autant d’affirmer que l’expression « la tête à Papineau » est en usage à cette époque. Bien au contraire. Une recherche par mots-clés sur le site Revues et journaux québécois numérisés par BAnQ ainsi que sur le site Canadiana confirme du moins que les publications recensées des années 1837 à 1890 ne contiennent aucune occurrence de la « tête à Papineau » ou de la « tête de Papineau » pour qualifier son intelligence.

Rien d’étonnant au fond. Papineau est un homme qui n’appartient pas encore à la légende pour la simple raison qu’il est encore vivant. En 1845, il est de retour d’exil. Il poursuit sa carrière politique comme député au Parlement de la province du Canada de 1847 à 1854. Il quitte ensuite la vie publique pour se retirer dans sa propriété à Montebello. Il meurt en 1871 à l’âge de 84 ans.

Passer de vie à trépas change la donne. La mort figure parmi les éléments du processus d’héroïsation des grands personnages historiques. « La grandeur du héros rejaillit sur ceux qui l’accompagnent ou lui vouent un culte. Vivant, sa force est communicative. Mort, il devient un exemple à suivre et un signe de ralliement. […] Le héros mort accède à l’immortalité en entrant majestueusement dans le monde des mémoires collectives[18]. »

Le peintre et sculpteur Napoléon Bourassa – le gendre de Papineau, faut-il ajouter – avait déjà participé à imprégner la figure de son beau-père dans la mémoire collective en le peignant sous les traits d’un homme de haute prestance. Après la mort de son beau-père, Bourassa se fait construire, entre 1871 et 1879, une demeure à Montréal (située aujourd’hui au 1242, rue Saint-Denis). Louis-Philippe Hébert se voit confier la tâche de sculpter un magnifique ornement pour coiffer la porte principale de cette maison. Il réalise deux muses représentant la peinture et la sculpture ; le buste au centre pourrait être celui de l’épouse de Bourassa, Azélie Papineau (décédée en 1869), et, à gauche, en arrière complètement, on reconnaît la tête de Louis-Joseph Papineau[19].

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En 1884, l’auteur et homme politique Laurent-Olivier David fait de Papineau l’un des principaux personnages de son livre d’histoire intitulé Les Patriotes de 1837-1838. Il parle de « l’esprit élevé et cultivé de M. Papineau[20] » et raconte à quel point il était adulé de tous en 1837 :

M. Papineau était alors au zénith de sa popularité, dans toute la splendeur de son talent ; on ne jurait que par lui ; son nom remplissait toutes les bouches, et ses paroles étaient des oracles. On l’appelait l’O’Connell du Bas-Canada, et on avait pour lui autant d’enthousiasme que les Irlandais pour leur immortel tribun[21].

Si le nom de Papineau « remplissait toutes les bouches », jamais toutefois la formule « la tête à Papineau » n’est employée par David.

Louis Fréchette contribue lui aussi à faire entrer Papineau dans l’imaginaire collectif. En 1880, dans la pièce de théâtre Papineau : drame historique canadien en quatre actes et neuf tableaux, il met en scène Wolfred Nelson qui parle ici de la « tête de Papineau » mise à prix :

NELSON. — Oui ; et, comme je vous le disais, ces nouvelles sont excellentes. Le peuple se prépare partout à prendre les armes. L’acte inqualifiable que vient de commettre le gouvernement en mettant à prix la tête de Papineau et celle des autres chefs patriotes, a redoublé l’indignation qu’avaient déjà soulevée les excès commis à Montréal par les membres du Doric Club. Les « Fils de la Liberté » sont organisés, et se tiennent prêts à tout événement[22].

Puis, dans La Légende d’un Peuple publié en 1887, le poète brosse un portrait de cet homme plus grand que nature. Pour Fréchette, Papineau est « l’un des plus nobles caractères et peut-être le plus grand orateur qu’ait produit l’Amérique ». Deux fois plutôt qu’une, ce poème insiste sur le génie de Papineau. Si son intelligence est passée à l’histoire, il appert cependant que l’expression « la tête à Papineau » apparaît peut-être comme étant trop familière ou pas assez poétique pour la plume de Fréchette[23].

Tête première

Selon toute vraisemblance, c’est dans le journal montréalais La Presse que l’expression « la tête à Papineau », telle qu’on l’entend aujourd’hui, est publiée pour la première fois le 26 février 1891, soit vingt ans après la mort de Papineau. Cet article traite des élections fédérales de 1891 et d’une assemblée politique tenue dans la circonscription d’Hochelaga. On rapporte un discours prononcé par le député et candidat conservateur Charles-Alphonse Desjardins devant 200 électeurs du comté… sur le chemin Papineau. Le chroniqueur raconte qu’au cours de cette assemblée : « Un M. Bédard, homme de tête (pas la tête à Papineau par exemple) vint ensuite exciter l’hilarité de l’assemblée en parlant d’une foule de choses dont il ne connaissait pas le premier mot[24]. » Encore dans La Presse, la locution est employée dans l’édition du 1er septembre 1892 et une autre fois le 6 juin 1894. Chose certaine, le fait d’employer cette locution prouve que les lecteurs connaissent sa signification ; celle-ci est donc déjà assez courante à l’oral pour être comprise de la majorité.

La locution est ensuite usitée par une littéraire. La « tête à Papineau » apparaît dans une nouvelle signée par Marie Aymong. Dans l’édition du 25 novembre 1899 du journal Le Passe-Temps musical, littéraire et fantaisiste, publié à Montréal, la nouvelle d’Aymong parle d’un « pauvre garçon » qui n’avait pas la « tête à Papineau ». En voici un extrait :

EN MANGEANT DE LA TIRE

Il neigeait à plein temps, comme on disait là-bas, une vraie « bordée » de la Sainte-Catherine, mais la tempête n’avait pas empêché les joyeux couples de venir de bien loin, dans la demeure hospitalière du père Louison Blais, pour savourer la « tire », ce bonbon canadien qui n’a pas son égal, et fêter le retour de Jacques, le neveu du père Louison, nouvellement arrivé du Klondyke [sic], avec une sacoche bien remplie dit-on. Toute cette folle jeunesse était assise près du poële [sic] sur lequel était posé un grand chaudron d’où s’exhalait un parfum qui faisait renifler les gourmands, et l’on chantait, on riait et badinait avec entrain. Tous les invités étaient arrivés ; j’ai dit tous, je me trompe : car les regards des jeunes filles étaient souvent tournés vers le châssis du nord d’où la vue s’étendait fort loin sur la route et ces demoiselles semblaient attendre quelqu’un. Tout à coup, un bruit de grelots se fit entendre ding, ding, drelin, et l’on vit venir au grand galop, une carriole flambant neuve, conduite par un beau petit cheval canadien. La voiture s’arrêta devant la porte du père Louison et le cousin Jacques en descendit, faraud et tout joyeux. Je vous laisse à penser si on l’accueillit bien, c’étaient des « Monsieur Jacques » par ici, des « ce cher Jacques » par-là, et des poignées de mains à s’en casser les doigts. Il n’y avait pas de danger qu’on l’aurait appelé Jacques, comme on le faisait par dérision, autrefois, parce que le pauvre garçon n’avait pas la « tête à Papineau » et qu’il était loin de rouler sur l’or comme maintenant[25]

Qui est donc l’autrice de la nouvelle, Marie Aymong ? Des annonces publicitaires du journal Le Passe-Temps, datées du 13 mai 1889 et du 18 août 1900, nous apprennent qu’elle dirige une école de sténographie. En plus d’y faire la classe, elle propose ses services pour la rédaction « de lettres, compliments, rapports, requêtes, etc. ». Chaque fois, elle se désigne comme étant « Mlle Marie Aymong », ce qui laisse entendre qu’elle demeure célibataire. À titre de « collaboratrice » au journal Le Passe-Temps – en plus d’y publier la nouvelle « En mangeant de la tire » –, elle signe notamment « La mode », le 2 janvier 1897, « Les Favoris de Marielle », le 18 février 1899 et « Émilien, le petit violoniste. Conte de Noël » (qu’elle dédie à son cousin Alphonse Valiquette d’Ottawa), le 23 décembre 1899[26].

La section nécrologique du Canada rapporte le décès de Marie Aymong à Montréal, le 1er janvier 1938 à l’âge de 59 ans et deux mois (elle est donc née en novembre 1878)[27]. Or la professeure et critique littéraire Yvette Francoli avançait l’hypothèse que « Marie Aymong » était l’un des nombreux pseudonymes du poète et romancier québécois Eugène Seers (Louis Dantin)[28] :

Marie Aymong avait été initialement le pseudonyme du père de Louvigny de Montigny, Benjamin Antoine Testard de Mouvigny, qui aimait signer de ce nom féminin. Marie Aymong devait écrire un conte de Noël, « Les étrennes de l’enfant de choeur », mettant en scène le petit Paul qui voit s’animer les personnages de cire d’une crèche, sujet que Dantin reprendra dans un de ses propres contes, « Le Noël de Caroline », qui montre une jeune fille contemplant les personnages de la crèche et s’imaginant que le saint Joseph qui la regarde avec bonté est le galant qu’elle avait jusque-là ignoré. À la sortie de la messe, elle consentira à l’épouser[29].

Il semble que Marie Aymong soit plutôt une autrice oubliée. La page couverture du Monde illustré du 30 décembre 1899 montre d’ailleurs une photographie d’elle, présentée comme l’une de ses collaboratrices[30]. En somme, puisque son style d’écriture est simple, populaire et familier, on ne s’étonne pas qu’elle soit la première femme de lettres à faire usage de l’expression « la tête à Papineau » dans une oeuvre littéraire.

Marie Aymong[31]

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Une idée en tête

Au début du XXe siècle, l’expression est de plus en plus connue. C’est encore Louis-Fréchette qui en parle dans ses « Mémoires intimes », publiées dans Le Monde illustré de mai à novembre 1900 :

Les mamans tapaient avec orgueil sur la tête de leurs bébés en disant :

– Ce sera un Papineau, celui-là ; voyez ce front ! voyez ces yeux !

Le nom était devenu synonyme de perfection. « Un Papineau », c’était le summum de tout ce qui pouvait être grand, noble, intelligent et beau. Le nom était passé en proverbe. Un homme pouvait être éloquent, savant, habile homme d’État, patriote intègre, citoyen sans reproche.

– C’est vrai, disait-on, mais ce n’est pas un Papineau tout de même.

Quand on voulait, par euphémisme, insinuer que quelqu’un frisait l’imbécillité, on ne disait point comme ailleurs : « Ce n’est pas un génie » ; on disait : « Ce n’est pas Papineau ! [32] »

Cette locution ne semble pas être suffisamment appropriée pour être, du moins, objet d’intérêt du Montréalais Alfred Duclos De Celles. En 1905, dans sa biographie Papineau, 1786-1871, l’historien n’emploie la formule que dans son sens premier : « Le 5 décembre, lord Gosford avait fait proclamer la loi martiale dans le district de Montréal et mettre à prix la tête de Papineau, de Nelson et des plus marquants de leurs amis[33]. » Pourtant, le 6 juin 1906, alors que La Presse souligne la critique élogieuse de cet ouvrage par le Français Charles Ab Der Halden dans la Revue d’Europe et des Colonies, il est écrit :

C’est une analyse que nous faisons de cet excellent article. Comme le fait remarquer l’auteur, peu de noms jouissent en Canada d’une réputation comparable à celle de Papineau. On dit là-bas, écrit-il, de quelqu’un : « C’est un Papineau », comme on pouvait dire en Grèce : « C’est un Démosthènes ». On dit même : « C’est pas la tête à Papineau », comme nous dirions : « Il n’a pas inventé la poudre » [34].

Bien qu’on se targue que cette expression soit maintenant expliquée aux Français, celle-ci ne semble pas être aussi populaire ailleurs que dans la région montréalaise. Jusqu’en 1921 (année qui marque l’avènement de la radio comme nouveau mode de diffusion des idées), on recense seulement trois occurrences à cette locution dans les journaux publiés à l’extérieur de la métropole : dans L’Avenir du Nord de Saint-Jérôme, du 5 mai 1904, il est écrit qu’il faut « avoir la tête de Papineau sur les épaules[35] » ; dans le journal de Trois-Rivières Le Bien public, le 27 novembre 1913, on lit « Pas n’est besoin d’avoir la tête à Papineau[36] » ; dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe du 16 juillet 1921, il y a « on verra ensuite si c’est nécessaire d’avoir la tête à Papineau[37] ».

À la même époque, toutes les autres occurrences paraissent dans la presse montréalaise. Voici quelques exemples triés sur le volet : « il fallait avoir la tête à Papineau, comme on dit en bon canadien-français[38] » paraît dans Le Pays du 1er octobre 1910 ; « il n’est pas besoin d’avoir la tête à Papineau », dans L’Action du 17 juin 1911[39] ; « des têtes de Papineau », dans Le Pays du 12 juin 1915[40] ; « Ce n’est pas la tête à Papineau », dans Le Canard : journal humoristique des 31 mars 1918 et 21 décembre 1919[41] ; « C’est pas la tête à Papineau », dans La Presse du 10 juillet 1920[42].

Henri Bourassa, directeur du Devoir de 1910 à 1932, laisse un de ses journalistes employer l’expression concernant son grand-père maternel en date du 10 mars 1921. Dans cet article, on y dénonce l’administration fédérale : « Pour excuser la série de déficits des chemins de fer de l’État, un ministre, M. Reid, – ce n’est pas, comme disaient nos gens, “la tête à Papineau”, – entreprend d’énumérer, dans son exposé préliminaire de la situation ferroviaire canadienne, les causes de ce piteux résultat[43]. »

Quant à lui, le prêtre et historien québécois Arthur Maheux emploie la formule dans une histoire de jeunesse qu’il raconte dans Le Pays, le 26 avril 1913 :

Je me souviens d’avoir fait un voyage aux États-Unis qui m’a valu un pèlerinage à la bonne Sainte Anne. J’étais parti aveugle et quand je suis revenu, je voyais trop clair même. J’étais allé rendre visite à mon frère que je n’avais pas vu depuis vingt ans. Bateau ! qu’il y a eu du changement dans ce laps de temps ! Ses bébés étaient devenus des hommes et de belles filles, bien habillées qui « cassaient » le français un peu, mais vous regardaient droit dans les yeux. Ils avaient de bonnes places et faisaient vivre leur père comme un monsieur. Mais une chose tombait sur les nerfs, c’était d’entendre dire à mon frère :

– Good morning, Mr Mahew.

– Fine day ! Mr Mahew.

– Or ça, dis-je à mon frère, c’est donc que tu avais honte du nom de ton père puisque tu t’es débaptisé !…

– Non ! c’est pas pour ça…

– Poupa n’avait pas la tête à Papineau, mais c’est un honnête homme !…[44]

Le plus souvent, remarque-t-on, cette locution transpose un mode de pensée qui appartient davantage à l’oral qu’à l’écrit. C’est d’ailleurs sous cette forme d’expression que « la tête à Papineau » est surtout popularisée à la même époque par le truchement des histoires du père Baptiste Ladébauche. Par exemple, dans La Presse du 1er avril 1916, dans la rubrique « En roulant ma boule. Causette hebdomadaire du Père Ladébauche, pour les enfants au-dessus de 21 ans », le caricaturiste, illustrateur et scénariste québécois Albéric Bourgeois se paye la tête du maire de Montréal, Médéric Martin :

– Le maire, tu sais, Catherine, c’est pas la tête à Papineau, comme on dit. Lui, il fait rien sans que ce soit pour de la belle argent, alors il pense que tout le monde est pareil. Même, quand il dit aux ouvriers qu’il est leur ami, il dit ça parce que ça lui rapporte de la belle argent cash.

– C’est un hâbleur[45].

Encore une fois, dans La Presse du 10 juillet 1920, le père Ladébauche :

Mad. Durazoir — C’est un nommé Tutur Linotte, le mari de la dame qui s’évente en prenant des pauses, là-bas. Vous savez, entre-nous, c’est pas pour en dire du mal, mais c’est pas la tête à Papineau. Il vit avec l’argent de sa femme[46].

Enfin, dans La Presse du 28 juin 1924, l’histoire du père Ladébauche débute comme suit :

– Eh ! eh ! Catherine, c’est pas pour rien dire de trop, mais ça ne te fait pas l’effet que la promenade du père Victor et de sa vieille avec la p’tite Mafalda chez le bonhomme George, ça va faire des bavassements ?

– Cher p’tit maître ! c’est pas nécessaire d’être la tête à Papineau, comme on dit, pour deviner qu’ils ne sont pas allés se pavaner dans c’te paroisse-là rien que pour s’informer de la santé de Lloyd George. On connaît le tabac[47].

Bref, c’est surtout en langue jouale que l’usage de la locution « la tête à Papineau » sied le mieux, semble-t-il. Ce qui explique certainement pourquoi les auteurs en font rarement usage dans la presse écrite de l’époque.

Deux fortes têtes

Après la presse écrite, « la tête à Papineau » se trouve désormais employée dans les périodiques et les livres d’histoire. Toujours à Montréal, dans L’Action française le 25 septembre 1921, Lionel Groulx rédige un bref article intitulé « Louis-Joseph Papineau. L’homme politique ». Il brosse un portrait du grandiloquent personnage :

En art comme en histoire, observe un écrivain contemporain, « l’intervention arbitraire de la personnalité humaine prime tout. » Combien de fois l’intervention d’un seul homme n’a-t-elle pas changé le devenir historique d’une nation et même du monde ? Or ce chef, ce grand homme nous pouvons dire sans trop exagérer qu’il apparût dans notre histoire vers 1815. Le peuple qui ne fabrique qu’à bon escient ses mots et ses proverbes, a marqué chez nous, dans une formule, la forte secousse qu’il reçût de cette apparition. Élevant son idole au plus haut point de la force de l’esprit, il prononce encore de tous ceux qui n’atteignent pas cet idéal absolu : « Ce n’est pas la tête à Papineau. »[48]

En 1924, la journaliste, écrivaine et bibliothécaire montréalaise Éva Circé-Côté définit d’abord le concept dans l’introduction de sa biographie Papineau. Son influence sur la pensée canadienne : « Avoir une tête de Papineau fut l’expression traditionnelle pour désigner une intelligence transcendante[49]. » Plus loin, elle affirme que la population bas-canadienne reconnaissait déjà son intelligence « légendaire » :

C’était beaucoup trop accorder au génie d’un homme et pas assez à son caractère. Sans doute, « la tête de Papineau », alors comme aujourd’hui, était légendaire. C’était un orateur émouvant, un torrent déchaîné à ses heures. Son ironie cravachait ceux qui ne partageaient pas son enthousiasme, mais d’autres ont eu le don de la parole autant que lui, sans conserver après que leur vie fût éteinte, le prestige dont jouit encore l’orateur de la Chambre du Bas-Canada[50].

Enfin, Circé-Côté situe l’origine de cette expression à Montréal au début du XXe siècle : « Les Frères des Écoles chrétiennes prétendent que les Canadiens-français [sic], au commencement du siècle, se souhaitaient un fils qui eut la “tête” de l’évêque Plessis. À Québec peut-être, mais à Montréal, quand on voulait parler d’un homme de talent on disait : C’est une tête de Papineau[51]. »

Dans Le Monde ouvrier, le 26 juin 1926, Julien Saint-Michel (l’un des pseudonymes d’Éva Circé-Côté) signe une chronique qui s’intitule « Soyons fier de notre race ». Il (elle) explique que la Révolution de 1837 a « enrichi notre langue de deux locutions nouvelles » :

L’idée est une vierge immatérielle. Elle plane sur l’image la plus prosaïque. Souvent elle nous est suggérée par les mots. Elle cherche dans l’espace l’amant qui l’épousera, poète, artisan ou savant. Quel déchirement quand l’harmonie se brise entre la pensée qui s’impose et la fiancée qui ne peut lui faire rendre son accent mélodieux, faute d’avoir perfectionné l’instrument merveilleux de la langue maternelle si douce, si colorée, si flexible, si vivante et qui sait rendre toutes les nuances et des demi-tons sous l’archet du virtuose. La Révolution a enrichi notre dialecte de deux locutions nouvelles : « Avoir la tête de Papineau » pour dire qu’on a une intelligente transcendante ; « Un brave de 37 », quand on veut peindre un courage audacieux, une vaillance hors ligne.

S’implanter dans le génie d’une langue, c’est encore une manière de survivre[52].

Qui sait ? Dans leurs écrits, Groulx et Circé-Côté se font peut-être encore davantage l’écho d’une locution montréalaise. Un fait demeure : s’il est difficile d’établir, hors de tout doute, le caractère montréalais de l’expression, force est de constater qu’il faut attendre dix autres années avant de lire cette expression dans un journal de la ville de Québec. Celle-ci fait son apparition dans L’Action catholique du 11 décembre 1936 : « Jadis, pour désigner quelqu’un de très intelligent ou de peu intelligent, le peuple disait : “C’est la tête à Papineau”, ou “Ce n’est pas la tête à Papineau ? ” Le dit-il encore autant ? [53] » On publie ici le « Texte d’une conférence donnée par l’abbé Lionel Groulx le 27 novembre, au Palais Montcalm, sous les auspices de la Ligue des Patriotes. » On pourrait croire que c’est donc le célèbre prêtre-historien qui participe à véhiculer la locution, cette fois dans la capitale.

Une expression en tête

« La tête à Papineau » devient une expression consacrée à travers le Québec au tournant du premier tiers du XXe siècle. À preuve, si le Glossaire du parler français au Canada ne fait pas mention de cette expression dans son édition de 1930, Jacques Rousseau la fait toutefois entrer, en 1935, dans Quelques additions au « glossaire du parler français au Canada » : « Tête-à- Papineau : (s. f.). Personne intelligente[54]. »

C’est à la même époque que l’expression fait (tardivement) son entrée dans l’enceinte du Parlement de Québec. Les débats reconstitués de l’Assemblée législative témoignent de l’évolution du langage des députés depuis 1867. Leurs paroles ont été retranscrites à l’origine par les chroniqueurs parlementaires de la Tribune de la presse. On sait qu’ils ont standardisé la qualité du français parlé ; ils ont même tendance à embellir le niveau de langue employé par les députés à leur plus grand bénéfice[55]. Cela dit, c’est le 5 mars 1942 que l’expression « la tête de Papineau » apparaît pour la première fois dans les débats reconstitués alors que le député de Gaspé-Nord, Perreault Casgrain, un homme natif de Québec, prend la parole :

M. Casgrain (Gaspé-Nord) : Tout ce qu’il a dit pouvait sortir de sa tête, mais si les paroles sortaient de la bouche du député de Papineau (M. Lorrain), elles ne venaient sûrement pas de la tête de Papineau.

Des voix de l’opposition : À l’ordre !

M. Gagnon (Matane) proteste.

M. l’Orateur (M. Dumoulin) : Il n’y a rien qui soit hors d’ordre. Il permet au député de Gaspé-Nord (M. Casgrain) de continuer son discours.

M. Lorrain (Papineau) : Le représentant de Gaspé-Nord (M. Casgrain) est le seul à ignorer que je ne suis pas Papineau.

Bien que le Journal des débats soit créé en 1964, il faut attendre l’année 1971 avant que la locution « on n’a pas besoin d’avoir la tête à Papineau pour comprendre » soit de nouveau employée à l’Assemblée nationale, cette fois par le coloré chef du Ralliement créditiste, Camil Samson[56]. En 1973, c’est au tour de Claude Charron qui dit « Cela ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre ça[57]. » Au total, on la recense 37 fois de 1942 à 2019 et 30 fois en commissions parlementaires de 1972 à 2016. Précisons que cette expression consacrée ne figure pas dans la liste des propos jugés non parlementaires.

Fait à noter, c’est dans les années 1970 que la locution complète « ça [ne] prend pas la tête à Papineau » se fixe dans les usages. Avant cette décennie, on la retrouve seulement à quatre reprises sous presse : « Il n’est pas nécessaire d’avoir la tête à Papineau pour comprendre » dans Le Canada du 9 août 1932[58] ; « ça ne prend pas la tête à Papineau, comme dit ma voisine » dans L’Ordre, 2 octobre 1934[59] ; « ça ne prend pas la tête à Papineau pour s’en rendre compte », dans L’Action nationale, en mars 1937[60] ; et « Ça prend pas la tête à Papineau pour comprendre ça » dans Le Clairon, 9 février 1940[61]. Sinon, c’est encore et toujours « la tête à Papineau » ou « la tête de Papineau » qui se suffisent à elles-mêmes dans les autres publications.

Entre autres exemples, l’expression est employée par un personnage du célèbre radioroman Le Survenant, adapté du roman de Germaine Guèvremont, dans l’épisode du 11 février 1963. Durant une conversation entre le curé Lebrun et Beau-Blanc, ce dernier dit : « J’suis pas la tête à Papineau, moi…[62] » Bien qu’il soit difficile de retracer toutes les fois où la locution a été diffusée à la radio et à la télévision (après 1952), il ne fait aucun doute que ces médias de masse ont contribué à la rendre familière au plus grand nombre.

D’après Alexis[63]

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En 1952, Alexis Labranche, interprété par le comédien Albert Duquesne, propose, dans cette publicité inspirée du radioroman Un homme et son péché de Claude-Henri Grignon, des obligations d’épargne du Canada.

L’année 1972 marque peut-être un tournant. Une publicité de la compagnie Eaton visant à promouvoir le produit Sanitized – qui s’attaque aux mauvaises odeurs sur les vêtements – semble venir fixer définitivement la formule dans les esprits. Ce n’est qu’une supposition ; rien ne permet de soutenir cette hypothèse.

Extrait de « Le protecteur invisible » [64]

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À tout le moins, après cette publicité, on remarque que « ça [ne] prend pas la tête à Papineau » devient l’expression consacrée désormais usitée par les députés de l’Assemblée nationale et publiée dans les quotidiens, les revues et les sites Internet au Québec. Ce qui n’empêche pas « la tête à Papineau » d’être encore employée seule, de temps à autre, selon les circonstances.

Conclusion

Comme le supposait Éva Circé-Côté, tout porte à croire que « la tête à Papineau » a été une expression montréalaise avant d’être une expression québécoise populaire. Jusqu’aux années 1920, on compte relativement peu de journalistes, de littéraires et d’historiens qui osent transposer cette expression de l’oral à l’écrit. Ceux qui le font sont tous et toutes de Montréal, a-t-on pu constater. Si le journal La Presse est, semble-t-il, le premier quotidien à employer cette locution en 1891 et que l’autrice Marie Aymong l’emploie dans une nouvelle en 1899, nul doute cependant que les histoires populaires du père Baptiste Ladébauche d’Albéric Bourgeois, suivies des publications de Lionel Groulx et d’Éva Circé-Côté, participent à populariser cette locution qui trouve son origine dans les rues de la métropole québécoise.

Sinon, depuis l’avènement de la radio dans les années 1920 jusqu’à l’avènement de la télévision au Canada en 1952, l’expression essaime progressivement dans la province. L’absence de cette locution dans l’édition du Glossaire du parler français au Canada en 1930 et son ajout en 1935 est un autre élément de preuve qui démontre que ce qui paraît être un régionalisme montréalais est reconnu désormais comme une expression consacrée partout au Québec. Une recherche avec les mots-clés « tête à Papineau » et « tête de Papineau » sur le site Revues et journaux québécois numérisés par BAnQ, pour les années 1891 à 1920, montre que la locution n’est employée qu’à 18 reprises. De 1921 à 1952, il y en a moins d’une centaine. De 1953 à 1971, on en dénombre 134. Enfin de 1972 à 2020, on trouve 735 occurrences. Sans compter plus de 212 000 résultats sur Google. Enfin, si l’on remarque que la locution « la tête à Papineau » trouve encore diverses variantes au début du XXe siècle, elle se fixe dans la décennie de 1970 en la formule « ça [ne] prend pas la tête à Papineau ».

Ajoutons que la mort de Wilfrid Laurier, en 1919, a failli donner lieu à pareille expression. C’est ce qu’on peut lire dans Le Nouvelliste en 1936 : « On a pas besoin d’une tête de Laurier pour comprendre ça. C’est clair comme de l’eau de roche[65]. » Celle-ci fera long feu. Aucune étude ne permet de connaître l’histoire de cette expression cependant.

Bref, en prémisse, l’expression « la tête à Papineau » se fonde sur le fait que la tête de Louis-Joseph Papineau a été mise à prix en 1837 ; par la suite, quelque temps après sa mort en 1871, on finit par faire usage de cette expression pour désigner des personnes intelligentes ou, sous sa forme négative, des bêtas. Gilles Perron, dans sa critique du livre de Jacques Godbout Les têtes à Papineau, cerne bien la nature intrinsèque de cette locution :

Jacques Godbout a, lui aussi, cette habitude de bien peser le sens des noms de ses personnages. Cette pratique est plus évidente encore dans son roman Les Têtes à Papineau. On y découvre, dès le titre, une indication : il s’agit d’une expression populaire qui trouve son origine dans la reconnaissance historique de l’éloquence et de l’intelligence de Louis-Joseph Papineau. Un tel titre annonce donc des personnages à l’intelligence supérieure ou reconnue comme telle par le peuple[66].