FR :
L’auteure traite de la situation du majeur privé temporairement de sa raison par une cause naturelle, mais qui n’est pas sous tutelle ou curatelle, qui cause un préjudice à autrui : est-il possible de spéculer sur sa responsabilité personnelle ? En droit civil québécois, la victime est dépourvue de toute compensation. Entre deux « victimes » potentielles — celle qui subit un préjudice et celle qui est atteinte d’un trouble mental —, laquelle faut-il favoriser ? N’y aurait-il pas lieu d’imposer à l’inapte une obligation de réparer, en d’autres termes, une responsabilité dite patrimoniale ? Dans la première partie de son article, l’auteure prend acte de la politique législative française qui favorise une responsabilité civile de l’inapte sur la base d’une faute objective. Par ailleurs, elle aborde la reconnaissance exceptionnelle d’une obligation de réparer dans les systèmes de droit allemand, belge et suisse, sur la base de l’équité. Dans la seconde partie, l’auteure analyse d’abord le droit positif québécois où une conception subjective (dépassée ?) de la faute perdure. La faculté de discernement est impérative au soutien de la responsabilité civile extracontractuelle pour le fait personnel. Ensuite, l’auteure s’interroge à savoir si un fait ou un acte illicite peut entraîner, à lui seul, une responsabilité civile extracontractuelle personnelle lorsque le juge conclut à son existence. La mise en avant d’une responsabilité personnelle de l’inapte sous-tend une objectivation de la faute civile en droit québécois et la reconnaissance d’une portée normative et des effets sanctionnateurs conférés au fait illicite.
EN :
The author reviews the situation of persons of full age who are temporarily deprived of reason through natural cases, but are not under tutorship or curatorship, and who cause harm to a third party : what is their personal liability ? Under Québec civil law, the victim is ineligible for any compensation. Which of the two potential “victims”—the person suffering material damage, or the person suffering from a mental disorder—should receive priority ? Should an obligation to provide reparation be imposed on the legally incapable—in other words, should they be financially liable ? In the first part of this article, the author reviews French legislative policy, which promotes the civil liability of incapable persons on the basis of objective fault, and also looks at the obligation to provide reparation recognized on an exceptional basis in the German, Belgian and Swiss legal systems, on the basis of equity. In the second part, the author analyzes the positive law in Québec, in which a subjective (and possibly outmoded) conception of fault prevails. The faculty of discernment is necessary to establish extra-contractual liability for personal actions. Next, the author asks whether an illicit action alone creates a personal extra-contractual civil liability when its existence is recognized by a judge. The promotion of the personal liability of legally incapable persons underpins a move towards an objective-based form of civil liability in Québec law and recognition for the normative impact and sanction-generating effects of illicit actions.