Thème 1 - La place de la géographie au sein de la science d’aujourd’hui

Le risque comme objet géographique[Notice]

  • Valérie November

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Rarement est-il fait état des espaces d’émergence des risques autrement que pour signifier simplement les situations de risque se produisent. Il faut dire que la relation que les risques entretiennent avec les espaces qu’ils touchent n’a jamais été aisée à définir : d’une part en raison de la variété des espaces affectés, très divers tant dans leurs formes que dans leurs contenus ; d’autre part parce ceux-ci n’ont été que rarement considérés comme significatifs pour la compréhension des risques et de leur gestion. À nos yeux, une des manifestations de la complexité des risques est leur résistance aux politiques d’aménagement réalisées pour les minimiser et aux mesures de gestion publique pour les gérer. Combien de places de gare ne doit-on pas aménager pour renforcer leur fonction première, à savoir être des lieux de départ et d’arrivée, de rencontres et de séparation, sans parvenir vraiment à éliminer des pratiques qui en font des espaces d’insécurité, par la présence de trafics de drogue, d’actes fréquents de délinquance, etc. ? Le récent aménagement de la place de la gare Cornavin à Genève rentre pleinement dans ce cas de figure. Elle a été traitée de lieu maudit par le président de la Société d’art public (SAP) et les architectes chargés de son assainissement conviennent que des contraintes de tous ordres ont pesé sur le résultat final : parmi elles figurent la prise en compte de la multiplicité des désirs et des besoins, particuliers et collectifs, ainsi que des contraintes liées à la construction. C’est ainsi que de la place un grand nombre d’escaliers mécaniques permettent d’accéder aux commerces souterrains (à la demande des commerçants), que la place est destinée à être la plaque tournante des transports publics genevois (mentionné dès le départ dans le projet), que les piétons censés être rois (volonté de la Ville de Genève) risquent des accidents car leur cheminement croise la sortie des parkings, les bus et les trams en circulation, et, sans compter enfin, que les structures ont dû être adaptées à la capacité de charge du sous-sol, au détriment d’une certaine fantaisie et l’esthétique . Un autre exemple est le réaménagement de berges pour pallier les risques d’inondation, sans pouvoir complètement les éliminer. Les débordements du Rhône, de Lyon à la Méditerranée, de 2003 ont mis en évidence que la gestion des risques d’inondation est faite de manière à protéger certains centres urbains (notamment Lyon et Avignon) et, qu’implicitement, il y a sacrifice d’autres territoires, moins peuplés, qu’on inonde au besoin. Un rapport rendu public en 2002 déjà  montre que les crues ont peu évolué depuis plusieurs siècles, mais que les nombreux aménagements le long du fleuve (hydroélectricité, digues, etc.) ont réduit les espaces inondables. Il est par ailleurs intéressant de noter que, dans ce rapport, la catastrophe et ses lieux exacts étaient annoncés. Cependant, au grand dam de leurs auteurs, il n’a pas contribué à amoindrir les risques. Aujourd’hui, le risque d’inondation amène, paradoxalement, les pouvoirs publics français à détruire des digues pour créer des zones tampons capables d’absorber les crues. Ces exemples n’entrent-ils pas dans le cas de figure évoqué par Callon et Law à propos de la résistance des objets aux actions proposées par les opérateurs ? Michel Callon et John Law ont par exemple analysé la production de résistance dans le cadre du projet d’avion supersonique britannique : La plupart des situations de risques ressemblent fort à ce que Callon et Law décrivent ci-dessus. Il est frappant de constater que, dans bien des cas, malgré nombre d’actions prises pour les minimiser, les risques ne s’effacent pas. Plus encore, ils contribuent activement à remettre …

Parties annexes