Thème 6 - La géographie face à la question du développement

SynthèseRevisiter le concept de développement[Notice]

  • René Blais

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  • René Blais
    Université de Moncton

La question du développement en géographie, comme dans les autres sciences sociales et humaines, a d’abord été abordée de manière détournée par le biais du problème du sous-développement. En effet, le vocable développement n’était pas utilisé au sortir de la Seconde Guerre mondiale pour désigner le processus d’évolution des sociétés, et certainement pas en Occident où on lui préférait ceux de croissance et de progrès. Le couple développement et sous-développement a ainsi déjà plus de cinquante ans. Son utilisation présida à la naissance d’une géographie tropicale dans l’immédiat après-guerre. Gourou, par exemple, confirma l’universalité dans l’espace et la pérennité dans le temps des utilisations des sols tropicaux (Claval, 1984). Il mit l’accent sur les techniques par lesquelles sont résolus les problèmes de subsistance et les problèmes d’organisation. Mais l’économie qui fit prendre conscience du sous-développement ne permet pas de saisir convenablement la diversité des problèmes et la non moins grande diversité des solutions à envisager. Jusque dans les années 1970, les études sur le sous-développement insistèrent sur la dimension économique. Les théories de la croissance des années 1950 et 1960 inspirèrent plusieurs géographes mais s’avérènt incapables d’expliquer ce qui permet à la croissance de s’auto-entretenir. Certains géographes cherchèrent alors des réponses du côté des mécanismes de domination que masque la théorie libérale des marchés. C’était l’époque des interprétations marxistes où l’on parlait de centre et de périphérie, e développement du sous-développement, de détérioration des termes de l’échange, de capital et de travail, etc. Ces tentatives purement économiques et sociales ne rendirent pas suffisamment compte de la géographie de l’inégal développement. Elles mettaient l’accent uniquement sur les théories du développement. Avec la reconnaissance de la diversité du tiers-monde, les théories du développement devinrent plus spécifiques. Les difficultés du modèle de développement à l’occidental à générer la croissance, et cela même dans le monde nordique, n’étaient pas étrangères non plus à cette nouvelle préoccupation. Au Nord comme au Sud, le modèle dominant était contesté. Le sous-développement et les inégalités de développement n’étaient plus réservés uniquement à l’usage du tiers-monde. Dans le monde nordique, on ouvrit les yeux sur la pauvreté urbaine, les disparités régionales qui persistaient, etc. Dans les années 1980, le domaine des recherches s’élargirent. Et au milieu de la décennie le développement devint soudainement durable ! Les géographes furent toutefois lents à emboîter le pas. Leurs travaux furent hésitants à explorer ce nouveau concept développé par les chercheurs des sciences exactes. On ne passa donc que très graduellement de l’idée de sous-développement à celle de développement durable en géographie, comme d’ailleurs dans les autres sciences sociales. Les premiers écrits sur le développement durable prirent leur origine dans les multiples tentatives avortées de la décennie précédente : développement endogène, développement par le bas, développement autocentré, et surtout écodéveloppement. L’objectif étant d’adjoindre une dimension environnementale au concept de développement. Cette nouvelle préoccupation accéléra d’ailleurs la prise en compte du volet social qui s’ajoutait aux considérations purement économiques du développement. Les modèles sociaux furent ainsi mis à contribution bien davantage avec les années 1990 : relations sociales, rapports des individus au groupe et au monde. Les études en développement local se multiplièrent. Plus récemment, les travaux en développement firent ressortir le rôle d’une multitude d’acteurs et le désengagement de l’État : on commençait alors à parler de gouvernance. Ces nouvelles problématiques s’inscrivaient d’ailleurs dans un contexte général de mondialisation qui fera couler lui aussi beaucoup d’ancre. Comme on peut le constater, les explications et les interprétations actuelles sont fort différentes de celles de la seconde moitié du XXe siècle. Fondée sur une prise en compte croissante des profondeurs socioculturelles et des …