Thème 8 - La géographie des dynamiques urbaines

SynthèseLes dynamiques urbaines : quelle modélisation ?[Notice]

  • Paul Villeneuve

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  • Paul Villeneuve
    Université Laval

Trois programmes de recherche en géographie urbaine constituent la matière de la présente section. Ces programmes posent d’emblée des questions centrales pour la pratique de la géographie urbaine aujourd’hui. Richard Shearmur fait état des options épistémologiques et méthodologiques qu’il privilégie pour étudier la ville et, plus particulièrement, les navettes résidence-travail. On verra que ce thème des navettes est également assez central dans les travaux de Marie-Hélène Vandersmissen. Pour Richard Shearmur, certains aspects du réel sont bel et bien mesurables et, parfois, modélisables. Un objectif important de son programme est de mettre à nu des tendances à macro-échelle, souvent difficiles à percevoir. Son exemple portant sur Internet est révélateur à cet égard : les nouvelles technologies de communication favoriseraient la concentration géographique à l’échelle nationale et la dispersion à l’échelle intramétropolitaine. L’analyse quantitative s’avère, selon lui, fort utile pour déceler ces tendances. Face aux chatoiements des discours postmodernes, il fait l’éloge de la démarche scientifique qui aspire à la rigueur et à l’objectivité tout en sachant que ce sont des idéaux impossibles à atteindre. Le programme de recherche de Marie-Hélène Vandersmissen porte sur des questions sociales urbaines assez cruciales. Situé à l’interface entre la géographie sociale qui se préoccupe surtout des structures socio-spatiales et la géographie des comportements qui se préoccupe des individus, son programme porte une attention particulière à la géographie des rapports sociaux entre les femmes et les hommes. La modélisation des comportements spatiaux des individus, à l’aide des techniques probabilistes développées au cours des vingt dernières années, constitue un pas en avant considérable. Maintenant, l’ajout d’une dimension spatiale à l’analyse longitudinale des transitions de vie basée sur des enquêtes rétrospectives et des panels ouvre des perspectives captivantes. Une des premières bases de données de ce type, constituée par Anne-Marie Séguin et Marius Thériault, est maintenant analysée (Thériault et al., 2002). Les travaux sur la mobilité géographique, l’accessibilité et, tout dernièrement, la motilité, définie comme capacité de se mouvoir (Kaufmann et al., 2004), confirment le caractère stratégique, sinon causal, du positionnement dans l’espace. Le programme de recherche de Jhon Williams Montoya propose une relecture de la ville latino-américaine à travers l’étude des changements urbains et morphologiques à Bogotá. Pour lui, une telle entreprise ne peut pas « méconnaître la condition périphérique du tiers-monde ». Sa démarche est globale et fait une grande place à la théorie de la dépendance, lancée en Amérique latine, dans sa version structuraliste par Raoul Prebisch (1950), et dans sa version marxiste par André Gunder Frank (1972). Ses propos rappellent ceux d’Alain Touraine, le sociologue des mouvements sociaux, qui, dans Un désir d’histoire (1977), écrit qu’en France, il se bat pour les libertés ; mais qu’au Chili, il se battrait pour la liberté. La démarche de Jhon Williams Montoya fait une grande place aux phénomènes géopolitiques, alors que les programmes de Richard Shearmur et Marie-Hélène Vandersmissen focalisent surtout sur les phénomènes socioéconomiques. En géographie urbaine, la modélisation formelle semble être plus couramment utilisée pour l’étude de ces derniers qu’elle ne l’est pour l’étude des premiers. La géographie politique urbaine pose de difficiles questions au sujet des approches à déployer pour analyser les comportements des acteurs. Les caractéristiques des navettes, qui sont au coeur des recherches de Richard Shearmur et de Marie-Hélène Vandersmissen, peuvent être structurées en matrices d’information à divers niveau d’agrégation. Ces matrices peuvent être soumises à des analyses statistiques où la taille des échantillons, entre autres, assure fiabilité et signification. Les personnes qui se déplacent en milieu urbain, constituent alors des classes statistiques, ce que Claude Raffestin (1980) appelle des acteurs paradigmatiques, ou atomisés. La modélisation …

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