Compte renduBook Review

Caroline Zéau, L’Office national du film et le cinéma canadien (1939-2003). Éloge de la frugalité, Bruxelles, Peter Lang, 2006, 463 p.[Notice]

  • Marion Froger

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  • Marion Froger
    Université de Montréal

L’ouvrage de Caroline Zéau sur l’Office national du film du Canada (ONF)/National Film Board of Canada (NFB) a pour objectif de mettre en valeur l’esthétique propre aux films de cet organisme qu’elle tient à mettre en rapport non pas avec sa fonction publique, mais bien avec les cinéastes qui oeuvraient en son sein. Rien n’annonçait en effet une telle réussite lorsque l’ONF fut créé en 1939, dans un paysage cinématographique canadien désertique. Mis sur pied pour servir les fins propagandistes du gouvernement fédéral pendant la Seconde Guerre mondiale, l’ONF diversifia rapidement ses productions pour répondre aux besoins des divers ministères du gouvernement et de leur clientèle, comme à ceux des écoles et, dans les années 1950 et 1960, de la télévision. Une telle institution aurait dû péricliter rapidement dans un contexte nord-américain peu ouvert aux entreprises étatiques productives. Et c’est un fait que l’ONF connut bon nombre d’attaques de la part de parlementaires et d’entrepreneurs qui lui reprochaient de répondre à une demande de services que le privé pouvait — mais surtout « devait », au nom de la défense du libéralisme — prendre en charge. L’ONF sut cependant tirer son épingle du jeu en arguant de sa mission de recherche et d’expérimentation qu’elle seule pouvait assumer dans les secteurs marginaux de la production cinématographique, à savoir le documentaire et le cinéma d’animation. C’est en fait la définition de cette mission qui permit l’engagement de personnalités remarquables comme McLaren. L’histoire institutionnelle de l’Office, notamment celle de l’organisation de son secteur de production, a aussi permis de créer — dans un environnement exempt de tout autre lieu de formation — une véritable pépinière pour toute une génération de cinéastes. Ceux-ci se formèrent d’une part à travers la réalisation de films de commande et d’autre part, à travers l’expérimentation technique, tant en animation que du côté des appareillages. Le fonctionnement collégial des équipes et des studios faisait aussi passer les cinéastes par la direction de production ou par l’assistance technique et artistique sur les films de leurs collègues, ce qui ne manquait pas de créer des synergies particulièrement créatives entre les secteurs de production dont plus d’un film témoigne . Ce parcours historique réalisé à l’aide d’une exploration des archives de l’ONF, d’entretiens avec les principaux protagonistes de cette histoire, ainsi que d’une relation systématique de la littérature historique sur l’Office se présente donc comme une enquête sur les origines de la « force créatrice » du cinéma canadien issu de cette institution : « Comment cet organe de propagande est-il devenu un haut lieu du renouveau esthétique dans les domaines de l’animation, et le creuset créatif du cinéma canadien ? » (p. 17). Cette force créatrice proviendrait, comme le sous-titre du livre l’indique, d’une pratique de la « frugalité » que Caroline Zéau associe aux travaux de McLaren. L’« économie créatrice » que prônait ce dernier impliquait une approche « artistique de la technique », une « conception artisanale de la production » (p. 451) qui limitait les intermédiaires entre le créateur et son oeuvre et qui trouva à s’épanouir en épousant le mode de fonctionnement « économique » de l’Office. Pourquoi contredire un zèle créateur qui ne grugeait pas le budget général de production de l’ONF et qui permettait d’accumuler un capital symbolique non négligeable sur la scène internationale  ? Selon l’auteure, cette pratique aurait aussi contribué au « passage à la modernité » du documentaire canadien que représente le cinéma direct. Elle aurait rendu possible l’expression du « désir de cinéma » des cinéastes québécois qui en étaient les principaux maîtres d’oeuvre. L’ouvrage de Caroline Zéau est divisé en …

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