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À une époque où se succèdent et se bousculent les ouvrages culinaires liés à la personnalité d’un chef (Ricardo; Josée di Stasio; Patrice Demers), révélant les secrets de grands restaurants (Toqué!; Joe Beef) ou encore tissés d’histoires et garnis de quelques recettes (Marché Jean-Talon; Pachamama : Cuisine des Premières Nations), 500 tapas donne plutôt dans la simplicité. Ce petit livre carré s’insère dans une collection éditée par la maison ontarienne Apple Press, dont 24 titres ont été traduits en français chez Publistar. Chaque ouvrage se veut exhaustif, comme l’indique le sous-titre original (absent toutefois de la version française) : The Only Compendium of Tapas [Salads/Vegan Dishes/Cupcakes, etc] You’ll Ever Need.

Or, malgré ces promesses, 500 tapas n’offre pas 500 recettes. La formule, intéressante a priori, regroupe entre huit et dix recettes par chapitre, suivies d’une section présentant quatre variations pour chacune des recettes. Si certaines de ces variations constituent véritablement de nouveaux plats, la majorité d’entre elles ne présentent que des substitutions négligeables. C’est le cas par exemple de la « Paella à l’encre et aux calmars » (89), qui devient dix pages plus loin une « Paella à l’encre » (sans calmars), puis une « Paella aux calmars » (sans encre). Ainsi, plusieurs recettes se voient supposément transformées par une pincée de piments ou un filet de jus de citron. Bien que ce modèle présente plusieurs avantages, particulièrement pour les cuisiniers débutants qui pourraient y puiser une dose d’inspiration et de créativité, la simplicité de l’ensemble remet en doute la légitimité du titre. D’autant plus que, pour être précis, l’ouvrage, qui devrait donc compter 100 recettes accompagnées de leurs 400 variations, n’en compte étrangement que 91. Un intitulé plus exact, mais sans doute moins accrocheur, serait donc 91 tapas et 364 variations.

Ces quelques précisions mathématiques mises à part, l’ensemble de l’ouvrage présente néanmoins un panorama intéressant et diversifié de petites bouchées espagnoles. Après une courte introduction qui retrace brièvement l’historique des tapas – anciennement des morceaux de pain garni qui couvraient les verres pour les protéger des insectes – quelques pages présentent les ingrédients typiques de la gastronomie espagnole et certains outils plus ou moins utiles à la confections de ces petits plats. Les recettes sont ensuite réparties en sections qui, en mettant l’accent sur l’ingrédient principal, font la part belle aux diverses viandes. Trois chapitres échappent à la règle et présentent, sans égard aux ingrédients, des tapas « légères », « variées » ou « sucrées ».

Tout en prenant des libertés avec la tradition, affirmant par exemple que tout plat en proportions réduites peut faire partie d’un assortiment de tapas, Segura propose toutefois une majorité de recettes de facture assez classique. Des ingrédients typiques – l’huile d’olive, le fromage manchego, la morcilla (boudin espagnol au riz), les piments piquillos ou encore le xérès – sont à l’honneur. Les recettes moins traditionnelles respectent une certaine proximité géographique, puisant des tapenades, harissas, tzatzikis et autres mélasses de grenade dans le bassin méditerranéen. On lorgne également du côté des voisins portugais, en pigeant par exemple dans un plat fumant de palourdes au chorizo ou en proposant des natas, ces célèbres tartelettes à la crème vanillée.

Côté technique, quelques détails laissent à désirer. On aurait aimé plus de précisions quant au temps nécessaire à la préparation des plats. Les quantités requises, quant à elles, sont exprimées principalement en volume, à la fois en millilitres ou centilitres et en mesures diverses (tasses, cuillères à thé et à soupe). On retrouve également des grammes, des livres et des onces, le tout parfois au sein d’une même liste d’ingrédients. Bien que la multiplication des unités vise à rendre les recettes plus accessibles, elle rend la lecture passablement confuse et la parsème de curiosités - « ⅝ de tasse de farine » (62) - et d’inexactitudes - « 600 g (1 lb) de tomates cerises » (130). De surcroît, les portions s’avèrent étrangement inégales: alors que les plats sont prévus pour quatre, vraisemblablement au sein d’un assortiment de tapas ou du moins en guise de bouchées apéritives, une recette prévoit un seul petit piment piquillo par personne alors que d’autres font appel à six cuisses de canard ou à un kilo de queue de boeuf pour les quatre convives.

Dans l’ensemble, l’ouvrage parait donc au mieux inégal, au pire traduit en vitesse et sans grande attention. Il propose toutefois des recettes et photographies attrayantes, et peut certainement servir de base à une cuisine sans prétention ou à une introduction à la préparation des tapas… de 455 manières (légèrement) différentes.