Book Reviews

Sacré dépanneur!, Judith Lussier et Dominique Lafond (photos), Héliotrope, 2010, 223 p.[Notice]

  • Jean-Philippe Laperrière

L’originalité du Québec peut s’exprimer dans les objets les plus hétéroclites. C’est un peu le pari qu’a pris la série « Bienvenue au Québec » des éditions Héliotrope pour raconter « en textes et en image » l’histoire culturelle de la province. Six livres sont actuellement disponibles dans cette collection, dont Sacré dépanneur, un livre illustré des photos vibrantes de Dominique Lafond. La recherche et le texte sont de Judith Lussier, journaliste et petite-petite-fille d’une tenancière d’épicerie qu’on imagine d’un autre âge. Ce livre, d’un peu plus de 200 pages, raconte l’histoire des dépanneurs au Québec : ces petits commerces de proximités que l’on retrouve par milliers dans la province. Selon l’auteure, on en compterait près de 6000. Cet ouvrage se divise en quatre chapitres, lesquels racontent : la préhistoire des dépanneurs; de quelle manière sont-ils le miroir de nos vices; comment se distinguent-ils (tout comme ses usagers) et enfin, quel est leur futur? Au premier chapitre, l’auteure retrace ce qui aurait précédé les dépanneurs : les magasins d’accommodation aux États-Unis, mais aussi, plus près de nous, le magasin général, les « petits restaurants » ou les tabagies. Les besoins de la vie moderne sont croissants et les années 1970 accueillent au Québec le « bill 24 » qui permet aux marchands propriétaires d’étendre leur plage horaire. Un nouveau créneau voit officiellement le jour et une décennie plus tard, le mot « dépanneur » est reconnu par l’Office québécois de la langue française. Dans la section suivante, on découvre ou redécouvre ce que l’on trouve dans les dépanneurs : nos vices, c’est-à-dire des loteries, des produits du tabac, de l’alcool, de la pornographie, mais aussi des produits d’épicerie. On apprend aussi comment ces commerces ont marqué certains produits, comme le « vin de dépanneur » et de quelle manière, de leur côté, ils ont été façonnés par l’affichage de l’industrie du tabac. Le dépanneur est aussi le lieu d’expériences marquantes : l’achat de sa première revue porno, celui de préservatifs, mais aussi des bonbons de son enfance ou des ingrédients de certaines recettes de base. Ainsi, ce négoce est le lieu d’un quotidien dans lequel les Québécois dépenseraient annuellement (en loterie seulement) tout autant que dans leurs activités culturelles. Dans son troisième chapitre, l’auteure défend sa spécificité québécoise. Par exemple, le dépanneur est un marché où l’on peut acheter à crédit. Il est donc le commerce de prédilection des achats journaliers des quartiers pauvres, comme Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. En outre, les Québécois n’aimeraient pas planifier. De ce fait, dans certains quartiers, les produits d’épicerie occupent beaucoup de place parce que le dépanneur est près de la maison. Sans oublier que plusieurs répondent aux commandes téléphoniques et livrent! Les triporteurs sont donc un élément important du décor. Pour conclure, l’auteure présente ces petits commerces comme des voies d’accès dans la société québécoise pour plusieurs communautés ethniques. Ce phénomène participe à leur originalité, mais en même temps les grandes chaînes s’imposent de plus en plus. Couche-Tard, par exemple, est une multinationale en expansion qui revoit certains principes canoniques de ces petits négoces, notamment celui de la concurrence des prix. Le dépanneur au Québec a une histoire de plus de 40 ans. Il serait un prolongement de notre particularité et de ses changements. Ce livre veut rendre hommage au dépanneur et il remplit bien son mandat. Il est impossible de le lire sans se remémorer des anecdotes liées à des achats insolites, comme ceux faits en toute hâte le jour d’un déménagement. De plus, à sa manière, il permet aux touristes d’apprendre son histoire, mais surtout de saisir sa raison d’être et …

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