Comptes rendus : Théories, méthode et idées

Anarchy, Order and Power in World Politics. A Comparative Analysis.Adem, Seifudein. Burlington, Ashgate, 2002, 192 p.[Notice]

  • Richard Little

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  • Richard Little
    Department of Politics
    University of Bristol, uk

Le titre d’un ouvrage peut facilement induire en erreur, et le titre du livre étudié ici ne fait pas exception. Avant de lire Anarchy, Order and Power in World Politics, j’avais supposé qu’il serait écrit dans une perspective réaliste. En fait, le but de l’auteur est de démolir les bases sur lesquelles les réalistes tentent d’analyser la politique internationale. En outre, l’auteur n’a aucunement l’intention de restreindre ses critiques aux réalistes. Il ratisse beaucoup plus large. L’une des affirmations centrales de l’ouvrage est qu’une compréhension détaillée des relations internationales n’a pu être élaborée à ce jour en raison de l’hypothèse qui sous-tend presque toutes les théories du domaine et qui postule que le système international doit être défini par rapport à l’anarchie. À l’opposé, Adem insiste sur le fait que l’avancée scientifique réside dans la nécessité de reconnaître que la politique internationale contemporaine est caractérisée non pas par l’anarchie, mais par la hiérarchie. Bien entendu, Adem n’est pas le seul à faire cette affirmation. Une dichotomie est en émergence dans l’étude des relations internationales entre les théoriciens qui présupposent que le système international est anarchique par définition, et ceux qui, comme Adem, souhaitent remettre en cause cette hypothèse en soutenant qu’il est possible de définir le système international par rapport à la hiérarchie. Il est toutefois important de noter que ce débat s’est limité initialement aux théoriciens qui restreignent leur analyse au niveau systémique. Dans la pratique, ils sont relativement peu à vouloir circonscrire leur analyse de la sorte. La très grande majorité des théoriciens préfèrent avoir recours à ce que Kenneth Waltz définit comme un niveau d’unité ou de politique étrangère de l’analyse. En revanche, Adem ne tient pas compte du débat bien connu sur les niveaux d’analyse et oscille inconsciemment entre ce que Waltz décrit comme étant des niveaux différents, voire même incompatibles, d’analyse. Adem, d’une manière quelque peu désarmante, reconnaît dans sa préface qu’il adopte une approche éclectique de l’élaboration de théories. S’il existe des avantages éventuels découlant de cette approche (et certainement peu de théoriciens maintiennent la distinction rigide entre les théories de niveau d’unité et de niveau systémique adoptées par Waltz), ils ne sont qu’annulés lorsque les problèmes éventuels de l’éclectisme sont soigneusement considérés. Il n’est pas du tout évident qu’Adem soit conscient du moment où son éclectisme commence à engendrer de sérieux problèmes. Pourtant, ceux-ci se manifestent rapidement une fois que l’on examine sa prétention principale à l’originalité. Cette dernière s’appuie sur l’hypothèse que, contrairement à la croyance populaire selon laquelle la politique internationale est caractérisée par l’anarchie et la politique nationale par la hiérarchie, une seconde analyse empirique démontre, selon Adem, que la hiérarchie appartient à la politique internationale et l’anarchie à la politique nationale. Une telle hypothèse renverse sans équivoque la théorie de la politique internationale de Waltz. Ainsi, si l’hypothèse d’Adem se révèle inattaquable, Waltz (et bien d’autres) n’aurait d’autres choix que d’admettre son échec et prendre le chemin d’une maison de retraite pour théoricien évincé. Malheureusement pour Adem, ses flèches empiriques sont loin d’atteindre leur cible théorique. Le problème est qu’il associe constamment l’anarchie à la violence et au désordre, et la hiérarchie à la stabilité et à l’ordre. Pour Adem, donc, le fait que la plupart des violences qui ont eu lieu depuis la fin de la guerre froide se soient produites à l’intérieur des frontières des États est très significatif. Même s’il reconnaît que l’anarchie est porteuse d’un double sens, soit la violence ou le désordre d’une part, et l’absence d’un gouvernement central d’autre part, il a recours aux nombreux cas de conflits nationaux pour appuyer empiriquement …