Comptes rendus : Analyse de politique étrangère

Ammon, Royce J., Global Television and the Shaping of World Politics. cnn, Telediplomacy, and Foreign Policy, Jefferson, McFarland and Company, 2001, 197 p.[Notice]

  • Nelson Michaud

…plus d’informations

  • Nelson Michaud
    École nationale d’administration publique, Québec

Lors d’une entrevue de début d’année en 1969, le premier ministre canadien de l’époque, Pierre-Elliott Trudeau, avait déclaré que « le concept même de diplomatie est aujourd’hui démodé. Il nous fait remonter au temps du télégraphe, lorsque vous deviez attendre qu’une dépêche vous informe de ce qui se passe dans le pays A, alors qu’aujourd’hui, la plupart du temps, vous pouvez trouver cette information dans un bon journal ». Plus que de son niveau d’intérêt pour les relations internationales, Trudeau témoignait alors de l’influence des modes de communication sur la conduite de la politique étrangère. C’est exactement ce thème que Royce J. Ammon a choisi d’étudier dans sa thèse de doctorat soutenue à l’Université du Nebraska – Lincoln et qu’il nous offre sous forme d’un ouvrage s’ajoutant aux études qui cherchent à mieux nous faire comprendre les liens existant entre les médias et la politique étrangère. Il s’agit d’un thème qui attire un nombre grandissant de chercheur(e)s. De la guerre du Viêt-Nam à celles du golfe Persique, les médias ont sans cesse continué d’accroître leur rôle en influençant l’opinion publique qui, à son tour, fait pression sur les décideurs. Que ce soit Lyndon Baines Johnson qui ne sollicite pas de nouveau mandat, le recours au concept de guerre sans morts au combat ou encore le retrait des troupes de Somalie après la diffusion d’images troublantes en provenance de Mogadiscio, voilà autant d’exemples qui illustrent bien l’influence des médias sur la conduite de la politique étrangère. Le plus récent phénomène de l’information continue et la pression qu’il exerce sur les décideurs qui doivent sacrifier la réflexion au profit de la réaction immédiate – l’effet cnn – a notamment contribué à l’intérêt croissant qui est porté à ce secteur de l’analyse de politique étrangère. On y retrouve des études de divers types : analyse de contenu des médias, comparaison entre médias électroniques et presse écrite, incidence de l’internet, philosophie des communications, études sur la prise de décision ou encore études de la facture de la nouvelle, tous les angles sont couverts. L’analyse que nous soumet ici Ammon s’inscrit, quant à elle, davantage dans une approche historique de l’évolution des relations internationales et de la prise de décision. L’auteur met en juxtaposition l’évolution des moyens de communication et ceux de la diplomatie. En appliquant le concept kuhnien de paradigme, il établit ainsi un parallèle intéressant entre trois phases des technologies des communications avec trois phases de la diplomatie – la diplomatie secrète propre à l’écrit, la diplomatie ouverte propre aux médias de masse et la télédiplomatie engendrée par la « télévision globale » ou « télé en temps réel ». C’est donc cette proposition qui est au coeur de son argumentaire et que l’auteur tente d’étayer à l’aide d’exemples qui, on doit le déplorer, ne vont pas au coeur du phénomène, mais restent des témoignages de surface. Il aurait été intéressant de se pencher davantage sur le contenu des reportages plutôt que de se contenter de la mention de leur existence et de les confronter au contenu des énoncés de politique. De plus, la conduite d’entrevues aurait sans doute ajouté du poids aux énoncés repris ça et là, en permettant de distinguer les « énoncés de circonstance » – un journaliste aime toujours se faire dire par un politicien que ses reportages sont importants – des réelles motivations qui se sont traduites en action. L’ouvrage se divise en trois sections fort inégales. Dans un premier temps, l’auteur explore la « relation historique » qui unit communications et diplomatie. C’est au cours de ces trois premiers chapitres qu’est établi le parallélisme et le synchronisme …