Mondialisation et transnationalisme : Turbulent Waters. Cross-Border Finance and International Governance.Bryant, Ralph C. Washington, dc, Brookings Institution Press, 2003, 503 p.[Notice]

  • Guillermo R. Aureano

…plus d’informations

  • Guillermo R. Aureano
    gersi, Université de Montréal

Ce livre, publié par un centre privé de recherche bien connu, The Brookings Institution, reflète les préoccupations de bon nombre de think tanks dont la survie et le succès sont fortement conditionnés par les liens de collaboration avec les grandes corporations et le gouvernement américain. Cette dépendance n’annule pas entièrement la divulgation de documents critiques à l’égard de leurs bailleurs de fonds, mais elle semble limiter sérieusement l’identification des problèmes et la gamme de solutions proposées. Le texte de Bryant illustre parfaitement ce phénomène. L’auteur examine les crises provoquées par la mondialisation en évitant de mettre en cause les principes marchands qui la légitiment et l’encadrent. Il se borne ensuite à recommander la prudence, à nous rappeler qu’il vaut mieux rejeter toute proposition impliquant des changements de fond. Il faut simplement espérer – propose Bryant – qu’un meilleur partage du pouvoir entre les nations rendra possible une surveillance plus efficace des circuits financiers internationaux. Ces solutions « bon enfant » n’apportent rien de nouveau, mais elles ont l’immense avantage de permettre aux décideurs d’avoir bonne conscience après avoir reçu un très léger coup de semonce. Ainsi, Bryant leur rappelle que ni l’interventionnisme ni la déréglementation tous azimuts, deux solutions qui les ont tour à tour éblouis, supposent des solutions de rechange crédibles. Les responsables politiques doivent maintenant chercher des compromis entre ces deux modèles de gestion de l’économie, de manière à éviter aussi bien les échecs du marché que la multiplication des entraves administratives. Bryant situe lui-même son livre par rapport aux travaux qui analysent la libéralisation des marchés et la manière d’en contrôler les dérives. Dans ce dessein, il décrit une sorte de continuum, dont les extrêmes sont représentés par les économistes Joseph Stiglitz et Kenneth Rogoff. Le premier critique fortement le rôle joué par le Fonds monétaire international (fmi) dans la gestion des crises financières de ces dernières années, tandis que Rogoff n’hésite pas à défendre les décisions prises par les gestionnaires du Fonds. Cet exercice comparatif permet à Bryant de mettre en relief le but de son livre : examiner de manière « équilibrée, exempte de toute passion » le système financier mondial, tout en portant une attention particulière à la possibilité de le soumettre à une véritable « gouvernance collective » ou « internationale ». Dans cette perspective, l’auteur abandonne, presque immédiatement, toute prétention à l’objectivité et s’évertue à trouver des recettes qui se veulent aussi modérées que réalistes. Pour accentuer la tournure normative que prend son travail, Bryant élabore une approche, le « gradualisme pragmatique ». En principe, cette approche permet de renforcer la coopération intergouvernementale dans les secteurs clés de l’économie et de la finance internationales, par l’entremise notamment du fmi (la possibilité de créer de nouvelles institutions internationales est écartée, car utopique). Le livre suit une démarche tout à fait classique. Les premiers chapitres présentent les concepts généraux servant à expliquer la problématique abordée. Cela ne va pas sans surprises. « Pour faciliter l’intelligence » du texte, Bryant explique les notions d’« opérations financières » et de « gouvernance globale » en écartant systématiquement leur dimension transfrontalière. Obligé de les replonger plus tard dans les eaux turbulentes de la politique internationale, il aura cependant réussi à les expurger de toute connotation négative ou conflictuelle. C’est dans une perspective similaire que, dans les chapitres suivants, Bryant explore les outils théoriques issus de l’économie politique, constate l’état « chaotique » de l’économie mondiale et souligne l’importance croissante des échanges financiers et de la libre circulation des capitaux. Cette analyse conduit logiquement l’auteur à s’interroger sur les institutions qui pourraient « gérer la prospérité …