Comptes rendus

régionalisme et Régions – Europe : La Russie et son ex-empire. Reconfiguration géopolitique de l’ancien espace soviétique.Breault, Yann, Pierre Jolicoeur et Jacques Lévesque. Paris, Presses de Sciences po, 2003, 347 p.[Notice]

  • Simon Petermann

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  • Simon Petermann
    Université de Liège, Belgique

Voilà un livre qui vient à point. Plus de dix ans après la décomposition générale du système soviétique, il devient maintenant possible de faire le bilan de la déstructuration de l’ancien espace soviétique : quelles en ont été les lignes de fragmentation et de recomposition ? Comment ont évolué les objectifs et les politiques de la Russie à l’égard des anciennes républiques soviétiques ? Comment chacune d’entre elles s’est-elle située par rapport à la Russie et dans le système des relations internationales ? Pour répondre à toutes ces questions, trois auteurs se sont partagés le travail. Jacques Lévesque, professeur et doyen de la Faculté de science politique et de droit de l’Université du Québec à Montréal, est l’un des meilleurs connaisseurs de l’urss d’abord, de la Russie ensuite. Le deuxième auteur, Yann Breault, prépare une thèse de doctorat à l’Université du Québec à Montréal sur les redéfinitions identitaires et la reconfiguration des rapports politiques entre les Slaves de l’Est. Le troisième auteur, Pierre Jolicoeur, prépare lui aussi une thèse de doctorat dans la même institution sur le fédéralisme et le séparatisme dans la gestion des conflits interethniques dans le Caucase du Sud. Cet intéressant ouvrage est divisé en quatre parties. La Russie y occupe évidemment la place principale et centrale, non seulement comme acteur mais comme pôle de référence internationale pour les autres États issus de l’urss. Les auteurs montrent bien qu’en raison de sa démesure autant géographique que démographique, militaire et économique (par rapport à eux), elle continue d’exercer sur eux une influence considérable mais variable et changeante d’un État à l’autre. Les auteurs cherchent à évaluer cette influence sur les orientations internationales de ses voisins. Les premiers chapitres de l’ouvrage sont consacrés à l’examen des objectifs poursuivis et des moyens mis en oeuvre par la Russie dans l’aménagement de ses relations avec ces nouveaux États de même que la cohérence de ces objectifs par rapport à d’autres et de l’adéquation des moyens utilisés. Ces chapitres portent en fait sur les politiques de la Russie dans ce qu’elle a appelé son « proche étranger ». Cette expression apparue en 1992 est significative. Elle rend compte, sinon du refus, tout au moins de la difficulté de la plupart des Russes à considérer les anciennes républiques soviétiques comme des États étrangers. Cette expression a été très mal accueillie dans les milieux nationalistes des nouveaux États, qui y ont vu une remise en cause quasi explicite de leur indépendance. Les auteurs démontrent avec brio combien les politiques de la Russie dans l’ancien espace soviétique sont largement tributaires de ses relations avec les États-Unis, l’Europe et le monde occidental en général, et dans une moindre mesure avec la Chine, l’Iran et la Turquie. En conséquence, même si la politique internationale de la nouvelle Russie est examinée sous l’angle privilégié de ses relations avec les États issus de l’urss, l’ouvrage éclaire l’ensemble de son positionnement international. Les auteurs s’interrogent d’ailleurs sur la valeur heuristique de l’expression « ancien espace soviétique ». C’est sur la base de cette valeur plus ou moins importante qu’ils délimitent le champ couvert par l’ouvrage. Ainsi, ils ont écarté les trois républiques baltes, pourtant issues de la disparition de l’urss parce que selon eux, elles sont définitivement sorties de la mouvance russe. L’ouvrage s’intéresse donc principalement aux douze États membres de la cei. Les auteurs montrent de manière éclairante que l’importance, la substance et la qualité des relations avec la Russie varient considérablement d’un État à l’autre et déterminent au premier chef les orientations internationales qu’ils recherchent et qu’on ne peut estimer comme …