Étude bibliographique

La consolidation de la paix : lorsque la théorie rattrape les pratiques ambitieuses[Notice]

  • Richard Garon

L’étude de la guerre ne saurait être complète sans l’apprentissage de sa contrepartie, la paix. Les événements récents en Irak, nous rappellent les enjeux importants liés à l’instauration de l’ordre après un conflit. Il y a plusieurs siècles, un chef militaire, un roi ou un État ne se préoccupait guère d’instaurer la paix, il l’imposait. Avec la complexité croissante des conflits, la multiplication des aspects de la sécurité, ainsi que le développement enchevêtré des sociétés, il est devenu de plus en plus difficile d’imposer ou d’établir la paix. Les vingt dernières années ont été caractérisées par la transformation radicale de l’ordre international et l’évolution rapide de la théorie de la guerre. La fin de la guerre froide a, entre autres, contribué à la résurgence de plusieurs antagonismes intra-étatiques. Ces conditions ont permis l’apparition de nouvelles formes de conflits qui s’ajoutent désormais aux guerres plus traditionnelles. Rapidement, le maintien de la paix classique a été incapable de faire face aux nouveaux enjeux. La définition de la paix ainsi que les moyens pour y parvenir ont dû s’adapter aux conditions changeantes. Avec l’avènement de la Société des Nations et l’Organisation des Nations Unies, le rétablissement de la paix s’ouvre aux acteurs non étatiques. En plus des divergences occasionnelles entre les actions des États et celles de l’onu, la cacophonie de la paix s’alourdit des démarches individuelles d’autres acteurs tels que des Organisations non gouvernementales (ong), dont le nombre ne cesse de croître. Il faut donc se rendre à l’évidence, l’instauration de la paix est devenue une activité confuse à laquelle contribuent plusieurs protagonistes. Les nombreuses tentatives de réformes des opérations de maintien de la paix durant les dernières années (l’Agenda pour la paix de 1992, le supplément à l’agenda pour la paix de 1995 et le Rapport Brahimi de 2000), font ce constat. L’ampleur des missions de paix, traditionnellement concernées par les conflits interétatiques, s’est élargie. La complexité croissante des urgences sécuritaires et humanitaires ainsi que la faillite de certains États ont forcé les gardiens de la paix à mener de nouvelles tâches incluant la conduite d’élections, l’administration civile, le retour des réfugiés ou la protection de convois humanitaires. Au cours des quinze dernières années, de nouvelles expressions ont donc enrichi le vocabulaire de la paix, telles que l’intervention humanitaire (Humanitarian Intervention), la construction de nations (Nation Building), l’imposition (Peace Enforcement), les opérations de soutien (Peace Support Operations), le rétablissement (Peace Making) et la consolidation de la paix (Peace Building). La diversité et la complexité actuelles des opérations de paix ont engendré un certain désordre au niveau des actions concrètes sur le terrain. En conséquence, les acteurs, les donateurs ainsi que les populations aidées n’y trouvent pas toujours leur compte. Cette étude bibliographique a pour but de dissiper la confusion entourant la consolidation de la paix et d’en établir les développements théoriques récents. Pour y parvenir, il sera important de bien en cerner le concept, ainsi que le processus et ses acteurs. Cette base théorique nous permettra ensuite de saisir les facteurs déterminant le succès ou l’échec d’une telle entreprise. Le concept de consolidation de la paix (Peacebuilding) est proposé pour la première fois par le secrétaire général des Nations Unies, Boutros Boutros-Ghali, dans son Agenda pour la paix de 1992. Depuis, cette notion est utilisée pour désigner différentes actions et semble souvent défigurée. Cette confusion repose en partie sur la définition proposée initialement : « ...action menée en vue de définir et d’étayer les structures propres à raffermir la paix afin d’éviter une reprise …

Parties annexes