Comptes rendus : Mondialisation et transnationalisme

Mattelart, Armand, Diversité culturelle et mondialisation, coll. Repères, no 411, Paris, La Découverte, 2005, 122 p.[Notice]

  • Yves Laberge

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  • Yves Laberge
    Département de sociologie Université Laval, Québec

Le sociologue Armand Mattelart me semblait être l’auteur tout indiqué pour rédiger cet ouvrage fondamental sur le thème Diversité culturelle et mondialisation, après avoir publié une vingtaine de livres rigoureux sur la communication politique, l’offre culturelle, la société de l’information, et ce que l’on nommait autrefois « l’impérialisme culturel ». Depuis De l’usage des médias en temps de crise (Michèle Mattelart, Éditions Alain Moreau, 1979) et l’excellent livre Donald l’imposteur, ou l’impérialisme raconté aux enfants (Ariel Dorfman, Éditions Alain Moreau, 1976), Armand Mattelart a consacré toute sa carrière à l’étude des idéologies et de l’économie politique, particulièrement dans le domaine des médias. Il enseigne les sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris-viii, et ses recherches portent depuis trente ans sur la culture. L’expression « diversité culturelle » semble désormais consacrée depuis 1999 ; on commence toutefois à entendre une variante plus nuancée : « la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques ». Pour sa part, Armand Mattelart cite parmi d’autres cette définition neutre de la diversité culturelle proposée par une économiste japonaise, Sakiko Fukuda-Parr, tirée d’un Rapport mondial sur la culture, publié par l’unesco en 2000. On définit ainsi la diversité culturelle, comme la « multiplicité des moyens par lesquels les cultures des groupes sociaux et des sociétés trouvent leur expression ». Dès les premières pages, Armand Mattelart inscrit clairement l’opposition entre la « diversité culturelle » et la « mondialisation » en termes antagonistes : ceux qui promeuvent la diversité culturelle veulent protéger leurs marchés dans les domaines de la culture et de l’audiovisuel face aux institutions géantes qui contrôlent leurs propres marchés à leur place ; tandis qu’au contraire, ceux qui profitent de la mondialisation s’affichent non seulement comme des défenseurs de la diversité culturelle, mais osent affirmer sans craindre le paradoxe que la mondialisation serait le processus miraculeux qui mènera naturellement les marchés de la culture vers une plus grande diversité culturelle. On aura compris que Mattelart s’inscrit en faux contre cette seconde vision. Ouvrage de petit format mais très instructif, Diversité culturelle et mondialisation se divise en sept parties. Le premier chapitre lance un rappel historique sur l’impossibilité de considérer une culture unique faite pour tous (entendre celle des États-Unis), ou de considérer une seule civilisation humaine comme étant universelle. Les pères fondateurs des sciences sociales ont tous affirmé le principe de pluralité des cultures, des civilisations, des patrimoines, depuis Charles Horton Cooley et Franz Boas à Herbert Spencer et Émile Durkheim. Mais comme l’explique Mattelart, « l’internationalisation croissante de la circulation des idées, des biens et des personnes fait naître la crainte du ‘nivellement’ ». Les réticences envers un modèle unique et l’homogénisation a pourtant toujours existé. En réalité, l’apparition d’une culture unique ne devient possible qu’au moyen de puissants mécanismes : le colonialisme, puis l’impérialisme culturel, la globalisation (chap. 2). Le troisième chapitre appuie sa démonstration sur l’exemple de l’industrie du cinéma : Hollywood affirme clairement, depuis 1947, qu’elle doit servir de divertissement, mais aussi de machine à exporter et à vendre l’American Way of Life. Or, comme l’indique le quatrième chapitre, non seulement ce système est contraignant pour tous les pays touchés, mais il apparaît aussi comme étant fondamentalement inégal, c’est-à-dire à sens unique, car le marché de l’audiovisuel des États-Unis demeure à toutes fins utiles fermé aux productions étrangères. Les années 1960 marquent l’émergence d’une véritable prise de conscience et la mise en place d’un système parallèle en matière d’audiovisuel, confirmant la nécessité de concevoir des réseaux alternatifs. En guise de réponse à ce problème, le fameux Rapport McBride (1980) …