Comptes rendus : Théorie, méthode et idées

Booth, Ken (dir.), Critical Security Studies and World Politics, Boulder, co, Lynne Rienner Publishers, 2005, 323 p.[Notice]

  • Dario Battistella

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  • Dario Battistella
    Université Bordeaux-Montesquieu, France

Édité par Ken Booth, l’ouvrage intitulé Critical Security Studies and World Politics est conçu comme un bilan de quelque quinze années d’études critiques de la sécurité. Comme leur nom l’indique, les Critical Security Studies proposent une approche critique des études de sécurité. La notion de « critique » doit être prise dans un sens strict. Bien que faisant partie des approches postpositivistes générales des relations internationales, l’approche critique en relations internationales, associée à R. Cox et A. Linklater, se distingue des approches postmodernistes, féministes, ou constructivistes soft, à la Wendt ou Adler, par son affirmation de la possibilité d’une alternative progressiste aux discours et pratiques dominantes en politique internationale. Pour ce qui est de l’approche critique dans le domaine particulier des études de sécurité, elle n’a en commun avec l’École de Copenhague et sa notion de sécurité sociétale, ou avec les approches discursives de la sécurité, que le rejet de l’approche traditionnelle, id est réaliste, des études de sécurité, accusée tout à la fois de voir dans les États les seuls référents de la sécurité, de ne prendre en compte que les dimensions militaires des menaces, et de voir dans la stabilité le seul objectif réalisable en politique internationale. Telles que promues par K. Booth, et par opposition à K. Krause et M. Williams notamment, les Critical Security Studies s’inscrivent en effet explicitement dans l’héritage des Lumières kantiennes, et plus précisément dans la lignée de l’École de Francfort. Leur but est non seulement de déconstruire les discours dominants de la sécurité, tout à la fois réalistes, occidentaux, top-down, masculins, mais aussi de proposer une vision alternative de la sécurité ; du fait de la portée constructive de la réalité sociale inhérente à chaque théorie, les auteurs affirment qu’une telle analyse critique contribuera à l’avènement d’une humanité émancipée, condition sine qua non de la sécurité pour tous. Le plaidoyer pro domo qu’est Critical Security Studies and World Politics est structuré en trois parties, articulées autour des concepts-clés que sont les notions de sécurité, communauté, émancipation ; ces trois parties sont à chaque fois introduites par une présentation pédagogique rédigée par K. Booth, qui signe également l’introduction générale et la conclusion d’ensemble. L’objectif de l’ouvrage est de défendre et d’affiner ces trois concepts centraux, qui sont des concepts contestés par les réalistes bien sûr, mais aussi par les autres approches radicales, notamment d’inspiration post-moderniste. Chaque partie est divisée en trois chapitres, dont les deux premiers constituent des réflexions théoriques, alors que le dernier porte sur une étude de cas. Voyons tout d’abord les contributions théoriques. La première partie approfondit le premier concept central, la notion de sécurité. S. Smith y signe un chapitre récapitulatif de l’ensemble des approches non réalistes de la sécurité, d’accord entre elles pour élargir et approfondir la notion de sécurité : l’École de Copenhague de Buzan et Waever ; les approches constructivistes autour de Adler-Barnett et de Katzenstein ; les études critiques dues à Booth et Wyn Jones d’un côté et à Krause et Williams de l’autre ; les approches féministes associées à Enloe et Tickner notamment ; la perspective poststructuraliste de Klein et Campbell, mais à laquelle on pourrait ajouter les contributions de la revue Cultures et conflits autour de D. Bigo à Paris ; ainsi que, enfin, la notion de sécurité humaine. Dans le deuxième chapitre théorique, G. Cheeseman s’interroge sur les notions de défense non offensive et de mesures d’établissement de confiance et de sécurité ; plus précisément, il évalue dans quelle mesure les pratiques issues de ces notions, efficaces pour réduire les dilemmes de la sécurité au moment de la guerre froide, …