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Cet ouvrage composé d’articles publiés entre 1992 et 2003 par des spécialistes reconnus, vise à fournir aux lecteurs des grilles d’analyse pour comprendre la problématique de la gouvernance mondiale à partir des tendances contemporaines. La problématique est traitée en détail, à travers ses facettes multiples qui mobilisent les chercheurs des différentes disciplines en sciences sociales. Il dresse un état des lieux des débats sur la signification de la gouvernance mondiale, sur sa forme actuelle ainsi que sur le rôle des acteurs étatiques et non étatiques, pour s’interroger enfin sur les perspectives qu’offre une contribution accrue de la société civile dans un contexte marqué par des appels grandissants pour la transparence et la démocratie. À côté de ces approches globales y figurent d’autres analyses plus spécifiques axées sur des sujets comme la gestion des crises humanitaires, la réduction de la pauvreté, les problèmes posés par la globalisation de la finance, les questions sanitaires et le changement climatique.

Les contributions entrecroisent les quatre grandes catégories d’approches apparaissant dans la littérature, bien que les frontières ainsi dressées soient parfois perméables et qu’apparaisse souvent un certain chevauchement thématique à travers les analyses. Tout d’abord, l’approche en termes de régimes et d’institutions internationales, familière aux étudiants des relations internationales, qui se focalise sur les comportements des États-nations sur la scène internationale. L’étude de l’évolution de la gouvernance mondiale qui constitue le deuxième type d’approche va au-delà, en tenant compte d’autres sources de pouvoirs qui influencent l’évolution des institutions internationales qui ne sont perçues que dans leur dimension interétatique. Quant au troisième type d’approche, il articule la problématique de la gouvernance mondiale avec le processus de globalisation et la recomposition de la hiérarchie des pouvoirs. Enfin, le quatrième type d’approche s’appuie sur une critique du système en place, pour explorer les voies alternatives, en considérant le potentiel d’une société civile globalisée susceptible d’exercer une pression en direction des structures institutionnelles plus démocratiques.

Le plan de l’ouvrage constitué au total de dix-sept articles, est organisé en deux parties. Les concepts exposés dans la première partie de façon rigoureuse, permettent de mieux comprendre les problèmes de la gouvernance mondiale analysés dans la deuxième partie. Le chapitre introductif de Wilkinson qui offre une vision synthétique des thèmes abordés par la suite est suivi par la première partie de l’ouvrage qui procède en trois temps, pour présenter les différents concepts sur la gouvernance mondiale figurant dans la littérature. Tout d’abord, dans un premier temps, l’exploration du terrain est effectuée par trois contributions dont la première est tirée du rapport de la Commission sur la gouvernance mondiale. Le rapport identifie les différents défis auxquels l’humanité est confrontée, à travers les transformations qui concernent en particulier les domaines militaire, économique, social et environnemental. Le deuxième article met l’accent sur le rôle des acteurs non étatiques sur la scène mondiale, tandis que le troisième article analyse l’usage du terme de « gouvernance » dans les milieux politiques, pour insister plus spécifiquement sur le sens de la « bonne gouvernance » et de la « gouvernance mondiale ». La deuxième sous-partie, constituée elle aussi de trois articles, est intitulée « les silences, les possibilités et les défis ». Le premier s’intéresse à ce qui pourrait se faire pour favoriser une gouvernance efficace et responsable, en explorant les rôles joués par les différents acteurs, notamment par les directions des institutions internationales qui expliqueraient l’évolution actuelle. Les dimensions morales et éthiques de la problématique sont abordées dans le deuxième article. Ce dernier souligne l’importance de la renonciation à la force, de la protection des droits de l’Homme, de la production des biens publics internationaux, de la préservation de l’environnement et du développement soutenable. Le troisième article, en distinguant la responsabilité « interne » et « externe » des pouvoirs, s’interroge sur les principes démocratiques à l’échelle mondiale et s’efforce d’identifier les acteurs les plus influents. Enfin, les trois articles de la troisième sous-partie offrent un regard critique sur la forme et le fonctionnement de la gouvernance mondiale contemporaine. Bien que la perception de la gouvernance mondiale présente quelques nuances chez les trois auteurs, chacun l’associe à la gestion et à l’expansion du capitalisme, tout en saisissant le rôle spécifique des institutions clefs, pour mettre en évidence les facteurs intrinsèques à leurs fonctionnements.

La second partie du livre aborde la problématique de la gouvernance mondiale à travers quatre catégories de questionnements bien distinctes ; crise humanitaire, finance et développement, santé et environnement, et société civile. Le premier article du premier thème, attire l’attention sur les difficultés rencontrées dans la gestion des crises humanitaires liées aux problèmes de coordination entre les acteurs, résultats de la multiplication des intervenants. Le second article met l’accent sur la baisse des aides entre États dont le corollaire est l’apparition d’acteurs privés, à l’origine de l’affaiblissement de l’autorité des États receveurs dans les régions périphériques. Parmi les articles de la deuxième sous-partie consacrés à l’examen des liens entre la finance et le développement, le premier oppose deux paradigmes du développement économique concurrents ; celui des institutions de Bretton Woods et celui des Nations Unies, qui suggèrent des solutions fondamentalement différentes pour combattre la pauvreté dans le monde. Le second article propose des pistes de réflexion sur la démocratie et la participation politique dans la régulation de la finance globalisée. La troisième sous-partie débute avec un article qui s’interroge sur le rôle des intérêts corporatistes dans la gouvernance mondiale, illustré par le cas particulier du lobby du tabac. Le second article, dédié à l’environnement, s’intéresse au Protocole de Kyoto. Il souligne non seulement les raisons de la faiblesse des moyens mis en oeuvre, mais aussi les pesanteurs du cadre de négociations en la matière. Enfin, la quatrième sous-partie sur la société civile et la gouvernance mondiale offre deux pistes de réflexion stimulantes. Le premier article s’intéresse à l’influence des organisations non gouvernementales sur les agendas gouvernementaux et intergouvernementaux, tout en concluant que l’émergence d’une société civile mondiale serait pour l’instant une perspective lointaine en raison du fossé qui sépare le Nord et le Sud. Le second article indique que même si la société civile peut contribuer au déficit démocratique qui caractérise la gouvernance mondiale actuelle, cette solution a non seulement des coûts élevés, mais elle ne suffit pas à résoudre à elle seule le problème du déficit démocratique.

En lisant cet ouvrage, le lecteur découvrira les multiples facettes de la problématique de la gouvernance mondiale et prendra conscience de sa complexité. La variété des thèmes traités par les spécialistes reconnus et habilement articulés par Rorden Wilkinson, fait de ce livre une introduction de qualité en la matière. Le caractère pluridisciplinaire de la démarche qui vient s’ajouter à cette diversité thématique, constitue un atout supplémentaire pour attirer un large public intéressé par la problématique de la gouvernance mondiale.