Comptes rendus : Environnement

Aubertin, Catherine (dir.), Représenter la nature ? ong et biodiversité, Paris, ird Éditions, 2005, 211 p.[Notice]

  • Évelyne Dufault

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  • Évelyne Dufault
    cedrie, Université de Montréal

Cet ouvrage, fruit d’un séminaire tenu de 2001 à 2003, a pour objectif d’analyser la coconstruction de deux objets : les ong et la biodiversité. Deux hypothèses ont servi de point de départ à l’ouvrage. D’abord, « la notion de biodiversité prendrait sens et forme grâce aux ong » et, ensuite, « la consécration politique de la biodiversité et les politiques de gestion en découlant légitimeraient les ong ». L’ouvrage, avec ses six textes originaux, entend ainsi contribuer à une approche critique des modes de régulation des sociétés humaines par rapport à leur milieu et s’inscrit dans une approche multidisciplinaire des sciences sociales. Dans le premier chapitre, Chartier et Ollitrault se concentrent sur l’objet « ong » et brossent l’historique du mouvement environnemental transnational pour ensuite dégager des critères utiles à l’analyse des ong. Ils soulignent le passage d’un champ occupé par les ong de conservation à l’émergence de groupes plus militants ayant des registres d’action médiatiques, et à l’installation d’une opposition durable entre conservationnistes et environnementalistes. On vit ensuite successivement la « professionnalisation » des ong et leur internationalisation. Les ong ont ainsi développé plusieurs rôles en plus de l’expertise qu’elles peuvent partager. Elles contribuent, à travers leurs réseaux transnationaux et en participant aux négociations internationales, à socialiser les élites du Sud et contribuent à « traduire » les problèmes environnementaux en un langage plus militant qui participe à la définition des problèmes et des solutions. À la lumière de ces multiples rôles identifiés, les auteurs suggèrent que les critères traditionnels utilisés pour les définir et les classifier sont défaillants. Ils proposent plutôt d’utiliser les éléments suivants : échelle et métriques d’implantation et d’intervention, contexte historique et lieu de création, champs d’action, répertoires d’action, nature juridique, taille, fonctionnement interne et sources de financement. Aubertin reprend le concept de biodiversité et souligne que sa définition fait l’objet d’incertitudes et de controverses scientifiques. Elle rappelle que la notion même « d’espèce » ne fait pas l’objet d’une définition consensuelle ni d’ailleurs les critères qui permettraient de juger de l’érosion de la diversité biologique. Ces exercices de définition sortent du domaine scientifique pour investir celui du politique, car la définition de la biodiversité qui sera retenue encadrera l’institutionnalisation de normes en la matière. D’ailleurs, la cdb, qui constitue l’exercice d’institutionnalisation de la biodiversité le plus important à ce jour, donne deux visions de la biodiversité difficilement conciliables : la biodiversité marchande et la biodiversité culturelle. La première conception privilégie les ressources génétiques que représente la diversité des espèces et tend à accorder une valeur économique à celles-ci. La seconde met l’accent sur la protection des savoirs sur les ressources biologiques détenues par les populations locales et autochtones (article 8j de la cdb). Dumoulin et Rodary s’attachent à lier de façon réflexive ces deux concepts et s’interrogent sur le lien de corrélation qui unit la croissance des ong de conservation et la promotion mondiale de la notion de biodiversité. D’une part, les auteurs suggèrent que les ong ont fortement contribué à l’émergence d’un « secteur mondial de la conservation » fortement hiérarchisé, intégré, et organisé autour de la gestion des aires protégées. Dans ce système de « poupées russes de la conservation », les plus petites ong sont fortement dépendantes des plus grandes tant au niveau décisionnel que financier. D’autre part, ils constatent que la médiatisation de la biodiversité a principalement servi à légitimer le déploiement des ong dans une stratégie globale d’action. L’institutionnalisation de la biodiversité a permis aux conservationnistes d’inscrire la gestion de la biodiversité comme indicateur du développement durable et donc de l’ouvrir aux dimensions économique et …