Comptes rendus : Histoire et diplomatie

Holmes, James R., Theodore Roosevelt and World Order. Police Power in International Relations, Washington dc, Potomac Books, 2006, 327 p.[Notice]

  • Joseph Pestieau

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  • Joseph Pestieau
    Professeur retraité
    Collège Saint-Laurent, Montréal

Theodore Roosevelt est intervenu et voulait intervenir sur la scène internationale non seulement pour défendre les intérêts des États-Unis, mais aussi parce qu’il entendait faire régner l’ordre ainsi qu’un minimum de justice dans le monde. Il supposait que cet idéal lui conférait un droit d’intervention dans les affaires d’autres États. Il estimait aussi pouvoir agir à l’étranger tout comme il agissait en tant que président des États-Unis pour corriger ou prévenir des désordres intérieurs que les États fédérés ne pouvaient ou ne voulaient pas corriger ou prévenir. L’interventionnisme de Roosevelt au nom d’idées qu’il considérait progressistes peut éclairer l’interventionnisme et l’unilatéralisme récents des États-Unis. C’est du moins une perspective et une originalité que revendique cet ouvrage. Holmes commence par traiter de la philosophie politique de Roosevelt. Celui-ci s’oppose résolument à l’individualisme et aux intérêts des affairistes pour défendre le bien commun. Il adopte donc un point de vue que l’on pourrait qualifier d’aristocratique, qui veut se situer au-dessus de la mêlée des conflits de classe et des groupes d’intérêt. Les pouvoirs du gouvernement fédéral étaient en son temps plus modestes qu’ils ne le sont devenus depuis le New Deal de Franklin D. Roosevelt, mais il les utilise au maximum et les accroîtra pour mieux brider les monopoles et les grandes corporations, et prévenir des révoltes ouvrières et démagogiques à l’encontre de celles-ci. Civiliser les relations industrielles est un défi de son époque et il le relève avec énergie et prudence. Il vise à être juste et pragmatique pour sauvegarder l’intérêt public qui a beaucoup à souffrir des conflits sociaux. Roosevelt veut gouverner indépendamment des factions et des groupes de pression. Il combat de front la corruption ou le favoritisme et instaure ce qu’on appellerait aujourd’hui un bon gouvernement. Ce qu’il fait pour son pays, il voudrait le faire aussi pour d’autres. Il se préoccupe moins des justifications légales d’une intervention à l’étranger que de sauvegarder l’ordre international, les intérêts légitimes américains et ceux des peuples qu’il prétend aider. Il compare la conquête des Philippines par les États-Unis à celle de l’ouest américain ou à l’acquisition de la Louisiane. Tous ces territoires ont gagné ou gagneront à être gérés par Washington. Les bienfaits de la culture politique américaine justifient qu’on impose à des populations, dans un premier temps du moins, un gouvernement et des institutions auxquels elles n’ont pas consenti. Roosevelt préconise franchement et sans vergogne l’usage de la force pour étendre la civilisation, maintenir ou restaurer l’ordre et la justice. C’est sans doute là le plus original, plus encore que ne le sont ses efforts pour promouvoir un droit international et proposer des médiations ou des arbitrages entre nations. La justice lui paraît plus importante que la paix et elle doit être imposée énergiquement. Les meilleurs idéaux ont éventuellement besoin d’être défendus par les armes. Il imagine intervenir à Cuba comme les Européens auraient dû intervenir en Turquie en faveur des Arméniens. Il pense faire son devoir alors que les Européens n’ont pas fait le leur. Il combat l’impérialisme des puissances coloniales en les devançant, en rivalisant avec elles et en pratiquant un nouvel impérialisme qui a le mérite de promouvoir la démocratie. Notons qu’il ne s’en tient pas seulement à la doctrine de Monroe puisqu’il étend la puissance des États-Unis au-delà des Amériques, mais il le fait cependant avec l’assurance d’être moralement justifié. C’est que Roosevelt ne doute pas que les peuples soumis au gouvernement et institutions des États-Unis deviendront républicains tout comme le peuple des États-Unis l’est devenu. Évidemment, certains de ses critiques ne voient dans cette certitude qu’une chimère. Voilà qui rappelle et éclaire un débat très …