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Cet ouvrage est la somme des réflexions sur la problématique de la diversité culturelle traitée lors du colloque organisé par la Conférence internationale des facultés de droit ayant en commun l’usage du français (cifduf). Sur le plan de la forme, l’ouvrage comprend la présentation et l’allocution de bienvenue des participants, les communications des différents conférenciers, la transcription des débats et le texte de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Quant au fond, six thématiques ont fait l’objet d’étude dans cet ouvrage. Le premier thème est relatif au concept de la diversité culturelle. Issiaka-Prosper Lalèyê se livre, dans sa contribution, à un réexamen du concept de la culture et des voies à suivre pour parvenir à cette diversité. Pour ce faire, l’auteur emprunte une démarche qui vise à lever le voile sur plusieurs malentendus à propos du vocable de culture. D’abord, il rectifie l’opinion dominante qui établit une opposition entre culture et nature ; il conclut que certains principes de la culture relèvent de l’ordre de la nature. Autrement dit, la culture a bien aussi une nature. Ensuite, l’auteur élucide la confusion entre les parties et le tout de la culture en affirmant que nul ne saurait prétendre connaître toutes les parties dont la culture se compose. C’est en ce sens que la priorité consiste d’abord à définir l’ordre selon lequel les composantes de la culture seront disposées ; pour déterminer, par la suite, ce sur quoi on peut se permettre d’agir et ce sur quoi il est préférable de ne rien faire, et pourquoi. Enfin, l’auteur revisite l’idée selon laquelle la culture serait pour le groupe ce que le caractère est pour l’individu. Ce parallélisme est inadéquat dans la mesure où ce que nous savons déjà sur la culture est infime à côté de ce qu’il serait souhaitable que nous sachions. De là, l’auteur conclut que la réponse à la question « pourquoi voulons-nous promouvoir et protéger la diversité culturelle ? » devrait être soigneusement exposée et librement discutée. Par ailleurs, l’idée que la promotion et la protection de la diversité culturelle visent le développement de tous nécessite au préalable une réflexion sur le type, la nature et la définition du concept de développement.

Le deuxième thème a trait aux potentialités de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles dans l’édification du droit de la culture. Marie Cornu conçoit sa réflexion en termes d’apport et d’impact de la Convention sur les droits interne et international. Il est évident que le texte international doit être lu dans le sens d’une reformulation des politiques publiques culturelles à partir des contenus, avec une attention soutenue envers les activités de création. Il va sans dire qu’une telle lecture exige une revalorisation des critères de qualification de ce qui est culturel et de ce qui ne l’est pas. L’auteur s’interroge sur la question récurrente des quotas et sur la question de savoir en quoi les critères de langue ou de nationalité sont de qualité. C’est en ce sens que le concept de la diversité culturelle contient des potentialités qui peuvent aller dans le sens, à la fois d’une protection des contenus culturels en vertu des pouvoirs souverains des États en la matière, et d’une promotion des expressions culturelles en tant que manifestation d’un pluralisme culturel qui provient du territoire de ces États autant que d’autres territoires.

Quant à ce qui est de l’apport de la Convention de l’unesco à l’édification d’un ordre public international culturel, l’auteur replace plutôt le débat sur la question de savoir comment ce nouvel instrument va réussir son insertion dans le concert des conventions internationales relatives à la culture, et dans quelle mesure le texte de la Convention peut être un facteur de consolidation du droit international de la culture. Il en découle une analyse pertinente du couple « culture-développement », des principes directeurs de la Convention et de leur ancrage dans la tradition des libertés et droits fondamentaux, ainsi que de la proximité du texte de la Convention avec les autres textes internationaux.

Le troisième thème, intitulé La diversité culturelle intéresse l’humanité tout entière, traite de l’avantage que présentent les nouvelles technologies de l’information et de la communication (ntic) pour l’ensemble des cultures, et plus particulièrement les cultures minoritaires. Rasmen Ouesdraogo, en s’appuyant sur le cas africain, centre sa réflexion autour de l’idée que la société de l’information devrait être fondée sur le respect de l’identité et de la diversité culturelle. À cet égard l’accessibilité des ntic à tous s’avère plus que jamais nécessaire.

La partie débat a gravité autour des problématiques abordées par les intervenants, notamment et entres autres, autour de la question de la définition de la diversité culturelle, de sa saisie par le droit, de l’impact de la Convention sur la concentration des industries culturelles.

Le quatrième thème relate le processus des négociations conduisant à la conclusion de la Convention de l’unesco. Ivan Bernier identifie trois grands moments qui ont marqué ce long processus. Celui-ci s’est amorcé tout d’abord par le débat sur les conceptions et les enjeux de l’avant-projet. Les questions à propos de l’objet de la Convention, de ses rapports avec les autres textes internationaux et de son caractère contraignant ont dominé cette première phase de l’élaboration.

Ensuite, lors de la seconde session, le texte reflétait l’état d’avancement des travaux et dressait l’inventaire des progrès réalisés, aussi bien que celui du travail qui restait à accomplir relativement à certains thèmes transversaux qui nécessitaient encore des débats, notamment à propos des rapports qu’entretiendrait la Convention avec les autres accords internationaux. La dernière partie relate le dénouement à la suite de l’adoption du texte de la Convention lors de la Conférence générale du 21 octobre 2005. Ce texte, qui est considéré comme un instrument international destiné à assurer la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, placerait la culture sur un pied d’égalité avec les autres instruments internationaux.

Le cinquième thème concerne Les contraintes de la Convention et la liberté d’expression. Mallet-Poujol part de l’observation selon laquelle les mesures destinées à préserver la diversité culturelle, telles que la protection des oeuvres par le droit d’auteur ou la protection du marché culturel par l’entremise des aides financières et des quotas, sont souvent considérées comme une entrave à la liberté d’expression dans sa double composante de liberté d’expression de l’émetteur et de droit à l’information du récepteur. L’auteur démontre à travers une analyse intéressante que l’inquiétude relative à l’atteinte à cette liberté d’expression est infondée. Il conclut sa démonstration par le constat qu’il faut éviter l’opposition stérile de la diversité culturelle et de la liberté d’expression. C’est davantage sur le terrain du droit de la concurrence internationale de l’omc que les difficultés sont prévisibles.

Le sixième thème abordé par Stanislas Makoroka porte sur l’impact du projet d’accord international sur les Pays en développement (ped). L’auteur traite des enjeux de la diversité des expressions culturelles en termes de cohésion sociale, d’affirmation de l’identité individuelle et collective, et d’incitation au développement économique des pays en développement. Ces enjeux ont été par la suite insérés dans la problématique globale de la mondialisation et de ses incidences sur la diversité culturelle dans les ped. Ces derniers, selon l’auteur, doivent élaborer des politiques de soutien au secteur culturel et en particulier aux industries culturelles. Il s’avère que ce texte présente un certain nombre des avantages dont peuvent bénéficier les ped, notamment la création du Fonds international pour la diversité culturelle (aides à la coproduction et la diffusion, etc.). En somme, l’avant-projet de convention constitue un espoir légitime pour ces pays d’exprimer dans le concert des nations à la fois leur identité, leur mode de vie et leurs valeurs.

Dans la deuxième partie du débat, la question qui revenait de manière récurrente concerne les enjeux qui sous-tendent les différentes sessions relatives à l’élaboration du projet de convention et les attentes de cette convention dans le futur.

En fin de compte, cet ouvrage vient compléter la littérature et la réflexion menée depuis quelques années sur la thématique culturelle dans une économie mondialisée. Son intérêt réside dans le fait qu’il aborde ce sujet bien connu à travers la Convention sur la protection et la promotion de la diversité culturelle. Le livre fait ressortir les enjeux et la spécificité des biens et services culturels au regard des autres produits. Mais on peut déplorer, sans que cela entame pourtant en quoi que ce soit la qualité de l’ouvrage, l’absence de contributions qui présentent un point de vue contradictoire ou traduisent les réserves formulées par certains États (États-Unis, Japon, etc.) à l’égard de la Convention. Cela aurait engendré une diversité d’opinions et une pluralité de conceptions qui ne peuvent, en fin de compte, qu’alimenter et enrichir le débat sur la question culturelle.