Comptes rendus : Études stratégiques et sécurité

Nuenlist, Christian et Anna Locher (dir.), Transatlantic Relations at Stake. Aspects of nato, 1956-1972, Zurich, Center for Security Studies, 2006, 257 p.[Notice]

  • Brahim Saidy

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  • Brahim Saidy
    Département de science politique
    Université du Québec à Montréal

Ce livre étudie une période historique d’une crise interne particulière qui a secoué l’otan au cours des années 60. Le recours à l’analyse de cette phase de turbulence dans les relations transatlantiques offre une perspective historique nécessaire pour comprendre la transformation fonctionnelle de l’otan amorcée depuis la fin de la Guerre froide, d’une organisation de défense collective à une organisation de sécurité collective. Il est ainsi possible d’évaluer – à la lumière de données historiques – la pertinence de la thèse de la « fin de l’atlantisme », avancée par certains spécialistes depuis le 11 septembre 2001 dans le sens où les rivalités entre les Alliés ne sont pas nouvelles et ne sont pas plus graves que celles de la période abordée par ce livre. Produit d’un colloque scientifique organisé du 26 au 28 août 2004 par le Centre for Security Studies de Zurich, l’ouvrage collectif s’adresse aux spécialistes en relations internationales. La perspective historique adoptée fait le lien entre le passé et le présent pour comprendre l’avenir de l’otan. Nuenlist et Locher signent une introduction dans laquelle ils rappellent que l’otan – créée en 1949 sous la menace expansionniste de l’urss – a été ébranlé dès le début des années 1950 par plusieurs événements politiques mettant en cause la cohésion entre ses membres et sa raison d’être. Les auteurs soulignent la fragilité de la détente dans les relations Est-Ouest après la mort de Staline, le lancement du Spoutnik en octobre 1957 par l’Union soviétique, l’attitude vis-à-vis des conflits hors de la zone euro-atlantique, notamment la guerre de Corée (1950-1953), la guerre d’Indochine (1946-1954) et la crise de Suez en 1956, ces événements constituant les grands titres de la première période difficile de l’histoire des relations transatlantiques. C’est dans ce contexte que s’inscrivait le rapport des « Trois sages » en 1956 sur les mesures à prendre pour améliorer la coopération entre les pays de l’otan dans les domaines non militaires et pour accroître l’unité au sein de la Communauté Atlantique. Le livre rassemble dix contributions divisées en trois parties. La première partie expose les grandes questions des rivalités entre Européens et Américains. Ralph Dietl fait le point sur la politique de coopération des pays européens en matière de sécurité de 1945 à 1964 en soulignant le lien étroit qui existe entre le processus d’intégration européenne et la réforme de l’otan. Il conclut que les tentatives de faire de l’Europe une Third Force ont empêché l’émergence d’une identité européenne de défense. Ine Megens focalise son analyse sur la politique transatlantique d’interdépendance entre pratique et discours à la suite du sommet de l’otan en décembre 1957. Megens note que, pour la première fois, les Alliés décident d’organiser un sommet au niveau des chefs d’État et de gouvernement afin de montrer clairement l’unité de l’Alliance en réponse au lancement du Spoutnik, le premier satellite spatial soviétique. Cependant, l’auteur précise que la non-application des décisions issues de ce sommet historique est due à une panoplie de facteurs, notamment l’absence d’un charisme dans la personnalité du secrétaire général, le peu d’autorité de l’otan et de ses commandants militaires ainsi que le fait que son Groupe permanent doutait de l’utilité des plans militaires adoptés. De son côté, Bruno Thoss examine les impacts de la crise de Berlin (1958-1962) sur le consensus au sein de l’otan et explique comment les trois grandes puissances atlantiques, les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne, n’ont informé les autres 12 membres qu’après la fin de leurs consultations sur la question de Berlin. La deuxième partie traite de différents …