Comptes rendus : Régionalisme et régions - Asie

Hoadley, Stephen et Jurgen Ruland (dir.), Asian Security Reassessed, Singapore, Institute of Southeast Asian Studies, 2006, 381 p.[Notice]

  • Claude Comtois

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  • Claude Comtois
    Département de géographie
    Centre d’études de l’Asie de l’Est
    Université de Montréal

Depuis la fin de la Guerre froide, les concepts de menace et de sécurité sont perpétuellement remis en question. Désormais, les problèmes de sécurité peuvent aller de l’environnement aux réserves alimentaires, à la croissance démographique ou à la circulation des biens, des personnes et de l’information. De façon davantage marquée, les crises internationales mettent aux prises non seulement des États mais également des acteurs non étatiques. Nous ne sommes plus uniquement en présence d’un système politique international mais également d’un système social global où les États coexistent avec les marchés et les réseaux. Les crises peuvent même atteindre des pays qui n’ont pas nécessairement de rapports entre eux ni avec le foyer de la crise, tel que l’a démontré la crise financière asiatique de 1997. L’intelligibilité du dynamisme de la carte politique mondiale devient de plus en plus complexe. L’ouvrage de Hoadley et Ruland vient donc à point nommé alimenter le débat en cours sur une évaluation des conditions de sécurité de l’Asie de l’Est et du Sud-Est. Le volume est constitué des collaborations d’une quinzaine de spécialistes des questions asiatiques d’Allemagne, d’Angleterre, d’Australie et de Nouvelle-Zélande. Il est bien écrit, solidement référencé et s’adresse essentiellement à un public de type universitaire. Il est possible de diviser le livre en trois parties. Les cinq chapitres de la première partie se concentrent sur la gestion traditionnelle de la sécurité par les États et les institutions interétatiques. Le chapitre de Martin cherche à expliquer les politiques de sécurité de la région en fonction de l’histoire des conflits. L’auteur analyse le jeu des alliances, les systèmes de dissuasion et les structures de pouvoir qui ont été forgés pour répondre à une typologie de menaces qui ont jalonné l’histoire de la région. Malheureusement, ce chapitre qui devrait servir d’introduction historique est qualitativement le plus faible du volume en raison de plusieurs erreurs factuelles et surtout de l’eurocentrisme affiché de l’auteur, qui colore sa perception de l’histoire de l’Asie. Dans les trois chapitres suivants, Gilson, Yang et Dosch examinent respectivement les contributions du Japon, de la Chine et des États-Unis à la sécurité de l’Asie. Gilson note un accroissement de la dimension militaire de la sécurité du Japon au détriment de la dimension économique. Elle démontre que ces politiques de sécurité affichent un rapprochement et un approfondissement des relations de défense du Japon avec celles des États-Unis. Jian analyse les changements de perception de la Chine concernant les problèmes de sécurité eu égard aux questions de souveraineté nationale, de stabilité économique domestique et de politiques internationales. Il démontre fort habilement que les stratégies de sécurité de ce pays affichent une importante dimension économique et que la participation de la Chine à l’édification d’une communauté internationale s’inscrit au sein de ses stratégies de modernisation économique. Dorsch soutient que le canevas général des stratégies étatsuniennes concernant l’Asie est demeuré relativement inchangé malgré l’émergence de nouveaux défis après la fin de la Guerre froide. L’auteur appuie sa démarche à l’aide d’une analyse minutieuse de la prétention des États-Unis à exercer un leadership planétaire, de la perception géographique américaine de l’océan Pacifique et de la dynamique du système politique des États-Unis dans le processus d’élaboration de leur politique étrangère. Ce chapitre est certainement le meilleur du volume. Le chapitre de Haacke porte quant à lui sur une analyse des ententes de coopération en matière de défense en Asie et de la contribution des institutions régionales à la gestion des problèmes de sécurité. Il souligne que chaque organisation présente son propre agenda de sécurité et apporte plusieurs réponses légitimes. Il en résulte que les menaces contre la sécurité de la …