Comptes rendus : Théorie, méthode et idées

Telò, Mario, Relations internationales. Une perspective européenne, coll. Études européennes, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2008, 210 p.[Notice]

  • André Dumoulin

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  • André Dumoulin
    Département de droit Université de Liège, Belgique

Cet ouvrage est issu d’un syllabus universitaire de l’Université libre de Bruxelles dont l’objectif est de donner aux étudiants les éléments essentiels de la théorie des relations internationales. Rédigé en partie avec l’aide de Sebastian Santander, il se focalise en priorité sur le monde anglo-saxon et donne un aperçu précis et concis des différents champs de la discipline. Certes, cet ouvrage rejoint les innombrables travaux sur les relations internationales. Cependant, d’une part, l’originalité de l’exercice tient dans la mise en perspective de l’espace européen sans qu’il soit question d’eurocentrisme. D’autre part, son intérêt repose sur l’idée maîtresse selon laquelle les écoles (réaliste, constructiviste, institutionnaliste, etc.) ne s’opposent pas les unes aux autres, mais sont vues comme complémentaires (inachevées) et associées par des éléments communs « transcendantaux ». La confirmation sera aussi faite que la réponse régionale à la globalisation et le poids des États – malgré la méthode communautaire – bornent un paysage où les relations internationales restent empreintes de violence. L’autre richesse de cet ouvrage dense est d’attirer l’attention sur les progrès de la coopération internationale, de la négociation, des régimes et de la pertinence des valeurs européennes que l’on trouve au sein même des multiples organisations et associations internationales et coopérations multilatérales. Mais le postmodernisme n’a pas atteint l’État européen, même s’il en est le laboratoire institutionnel le plus avancé par l’intégration dite régionale et la success story de soixante ans de construction européenne. L’ouvrage de Telò, préfacé par R.O. Keohane (Princeton), s’articule en dix chapitres et se termine par une annexe sur les organisations multilatérales régionales, interrégionales et locales décrites par Santander. La question de l’auteur est précise : la construction européenne constitue-t-elle bel et bien le premier pas vers un nouveau paradigme au niveau des relations internationales, autour de l’approfondissement du multilatéralisme ? Et l’auteur de constater déjà que l’ue est un système politique à la fois intergouvernemental, postnational et transnational, qui constitue « un système politique, un ensemble de régimes internationaux et un acteur majeur des relations internationales, la deuxième puissance mondiale ». Puis de préciser que le modèle européen n’est pas isolé, des tendances apparaissant dans d’autres entités de gouvernance régionale sur les autres continents. Il rappelle enfin les trois questions épistémologiques qui restent ouvertes aujourd’hui. La paix en Europe est-elle un fait acquis entre anciens ennemis ? La centralité de l’acteur étatique est-elle toujours l’unité première de la recherche ? Quel est le poids réel de l’histoire dans le processus d’institutionnalisation européenne ? Sans oublier les liens avérés entre la construction européenne et les avancées en matière institutionnaliste (gouvernance supranationale, ong, juridicisation des relations internationales), l’auteur fait le choix de présenter la mise en question pratique et théorique des fondements du paradigme statocentrique de Westphalie, sachant qu’il n’y a pas encore de fin de la souveraineté, de création d’une entité postnationale en Europe, ni de super-État. De là, l’auteur se lance dans une présentation des différentes écoles théoriques. De Thucydide à Aristote, de Shang Tzi à Mencius, d’Augustin à Thomas d’Aquin, les hommes se sont interrogés sur la nature des relations internationales en opposant idéal et nécessité. Mais la création de l’État moderne souverain dès les 16e et 17e siècles fait naître la pensée réaliste autour de Machiavel, de Hobbes et de l’école du droit naturel impliquant l’état de guerre international structurel et permanent. Le balancier opère avec le concept de Léviathan à l’échelon international, l’école de Salamanque et les fondateurs du droit international (Grotius). Les grandes guerres nationalistes et l’anarchie hobbesienne créent les conditions d’apparition d’une nouvelle école internationale, l’école idéaliste, avec son premier représentant, Emmanuel Kant, qui …