Comptes rendus : Régionalisme et régions - Amériques

Drache, Daniel, L’illusion continentale. Sécurité et nord-américanité, Outremont, qc, Athéna Éditions, 2006, 226 p.[Notice]

  • Dany Deschênes

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  • Dany Deschênes
    École de politique appliquée, Université de Sherbrooke, Sherbrooke

Durant la décennie 1990, l’intégration en Amérique du Nord s’exprimait avant tout dans sa dimension économique par l’Accord de libre-échange nord-américain (alena). Si les enjeux de la sécurité intérieure modulaient lentement les réflexions de Washington, il n’en demeurait pas moins que durant cette période les élites marchandes, principalement canadiennes, considéraient comme inévitable un rapprochement entre les trois pays malgré l’asymétrie de puissances entre les partenaires. Toutefois, après le 11-Septembre, l’intégration nord-américaine se trouve remise en question par la donne sécuritaire. Ainsi, les frontières, loin de disparaître, modulent profondément les relations entre les trois partenaires. Autant au sud qu’au nord, ces frontières semblent faire voler en éclats l’idée même d’une véritable intégration nord-américaine. S’intéressant avant tout aux relations canado-étasuniennes, l’essai s’insère dans une réflexion plus large du Canada anglais sur les différences fondamentales entre le Canada et les États-Unis. Rejoignant à maints égards les approches critiques en relations internationales, Drache s’interroge sur la constitution d’une « nord-américanité », autrement dit, d’une identité nord-américaine, qui devait nécessairement résulter de l’alena. Le travail de Drache interroge la centralité de la frontière à partir d’un triple constat : le démantèlement de l’État-providence aux États-Unis, la subordination des échanges économiques aux visions et aux intérêts étasuniens et, enfin, l’impératif sécuritaire. Ces trois dimensions sont les principaux éléments qui servent de trame argumentative à l’auteur pour démontrer l’impossibilité d’une « nord-américanité » partagée entre les trois États. L’ouvrage se compose d’un avant-propos et d’un épilogue qui servent d’introduction et de conclusion, tandis que sept chapitres constituent le corps du livre. Une bibliographie commentée et une annexe chronologique sur la frontière canado-américaine complètent le tout. D’entrée de jeu, Drache délimite clairement à ses yeux le principal problème du Canada : son manque de confiance à l’égard des États-Unis. Dans une sorte d’ambivalence, les Québécois sont à la fois partie prenante du Canada, mais aussi exclus de ce problème. Selon Drache, le Canada n’a jamais parfaitement saisi l’importance de la frontière. Les deux premiers chapitres expliquent cette importance. Ils mettent aussi l’accent sur les principaux éléments qui ont construit la frontière entre les deux États et les différences fondamentales de part et d’autre de celle-ci. L’auteur souligne l’incapacité canadienne à réfléchir à la frontière, qui est ni plus ni moins qu’une institution non pensée par Ottawa. Or, cette incapacité des autorités fédérales se poursuit avec la dernière grande modification à la frontière, qui constitue le coeur même de la doctrine Bush : le Homeland Security Act. Aux yeux de Drache, cette loi constitue une véritable révolution constitutionnelle. Elle permet des attaques préventives à l’extérieur et retire au ministère de la Justice des États-Unis tous les freins démocratiques destinés à encadrer la mission d’assurer la sécurité intérieure étasunienne par les organisations publiques de sécurité. Au chapitre 3, l’auteur se penche sur le régionalisme dans les deux pays. Il est en désaccord avec l’idée que certaines régions, de chaque côté de la frontière, sont plus intégrées entre elles qu’entre régions du même pays. Autrement dit, l’intégration entre le Québec et l’Ontario est plus grande que l’intégration de ces provinces avec leurs voisins étasuniens limitrophes. Il constate ainsi que les différences entre le Canada et les États-Unis sont profondes. Il s’attarde notamment à la citoyenneté, aux valeurs qui éloignent de plus en plus les citoyens des deux pays, à la formulation des politiques publiques et à la présence de l’État-providence. Darche poursuit son analyse et s’interroge sur la construction d’une communauté nord-américaine dont l’alena devait représenter la première pierre dans la construction de cette nord-américanité. Outre la différence de plus en plus grande des valeurs, …