Comptes rendus : Études stratégiques et sécurité

Michel Fortmann et Gérard Hervouet (dir.), Les conflits dans le monde 2008. Rapport annuel sur les conflits internationaux, 2008, Québec, Institut québécois des hautes études internationales/Les Presses de l’Université Laval, 265 p.[Notice]

  • Ali Laïdi

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  • Ali Laïdi
    Institut de relations internationales et stratégiques (iris) et France 24

Commençons par les statistiques. Optimistes mais précaires. Après une augmentation en 2006, le nombre des conflits en 2008 semble s’être stabilisé. Mais, dans ce domaine, la prudence s’impose. Question d’interprétation. Les nombreux centres de recherche qui travaillent sur le sujet peinent à s’accorder sur une définition claire d’un conflit. Disons pour simplifier que, si l’on prend en compte uniquement les conflits entre États, la stabilisation se confirme. En revanche, si l’on ajoute aux statistiques les conflits non étatiques, alors il faut reconnaître que la violence poursuit sa courbe légèrement descendante amorcée dans les années 1990. Voici le premier enseignement de l’ouvrage collectif dirigé par Michel Fortmann et Gérard Hervouet. Un livre qui tente de passer en revue la plupart des conflits qui ont ensanglanté l’année 2008. Une année importante, car elle s’inscrit sous la forme d’un bilan des deux mandats de l’administration Bush. C’est aussi l’année de l’élection du premier président noir à la tête de la superpuissance étasunienne. On peut donc s’interroger : Barack Obama prend-il ses fonctions au moment où le monde vit une « désescalade considérable » des conflits, comme l’affirme l’Université allemande d’Heidelberg citée dans l’ouvrage ? Rien n’est moins évident car, là encore, tout dépend du point de vue de l’observateur. Les situations irakienne et afghane ont augmenté le nombre de pays engagés dans un conflit pour approcher le niveau maximum atteint dans les années 1950 : 33 %. Un chiffre que les auteurs relativisent en soulignant que la plupart des interventions militaires (sauf pour l’Irak en 2003) étaient appuyées par la communauté internationale avec l’objectif de séparer les belligérants. Pas de quoi donc alimenter un quelconque pessimisme. D’autant que le nombre moyen de morts par conflit engageant au moins un État diminue également : 500 en moyenne en 2006 contre 38 000 en 1950 ! Les guerres étatiques étant les plus meurtrières, leur diminution influe directement sur le taux de violence. Quid des actes de terrorisme ? Ils seraient en augmentation depuis 2003… à moins de ne pas considérer comme du terrorisme les frappes régulières des groupes violents en Irak pour les qualifier alors d’insurrection, voire de guerre. Pour en finir avec le décompte de la cruauté humaine en 2008, l’ouvrage établit le palmarès géographique de la violence mondiale avec l’Afrique en tête, suivi par le Moyen-Orient et les Amériques. Voilà pour les statistiques macabres. L’intérêt de l’ouvrage réside surtout dans les analyses sectorielles et géographiques. On retiendra le chapitre sur la puissance des États-Unis. On ne peut s’empêcher d’y voir une sorte de legs laissé au président Obama par l’ancien président George Bush. Et ce, même si ce chapitre a été rédigé avant l’issue finale de l’élection américaine. Comment le nouveau président gérera-t-il la situation en Irak et en Afghanistan ? Quelle sera sa position vis-à-vis de Moscou : réchauffement des relations ou nouveau round de guerre froide ? Compte-t-il imposer les États-Unis dans la région de l’Arctique face aux autres pays prétendants ? Beaucoup de questions, peu de réponses tant les inconnues de l’équation sont nombreuses. Les auteurs ont toutefois raison d’écrire que les États-Unis se trouvent « à la croisée des chemins ». Pour la Russie, les auteurs hésitent moins. Ils dessinent le portrait d’une puissance qui a décidé de stopper l’influence de l’Ouest dans ce qu’elle estime être son pré carré. Ils montrent parfaitement comment s’est opéré le retour de la Russie dans les Balkans. Après avoir avalé la pilule de l’indépendance du Kosovo, Moscou a sorti les griffes contre la Géorgie à l’été 2008. Les mauvais calculs du président géorgien lui ont permis d’envoyer un message clair à Washington …