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L’ouvrage collectif dirigé par Jan Orbie s’insère dans le cadre de la littérature qui étudie le rôle de l’Union européenne (ue) sur la scène internationale. En se focalisant sur la dimension soft power de l’action extérieure de l’ue, l’analyse consiste en une approche originale, car elle traite des politiques extérieures qui relèvent du premier pilier. Il s’agit en effet d’un champ de recherche peu étudié jusqu’à présent, car la littérature sur le rôle international de l’ue se base en grande partie sur l’étude de la politique étrangère et de la sécurité commune ainsi que de la Politique européenne de sécurité et de défense. Le texte se concentre ainsi sur les aspects de low politics, cruciaux pour comprendre la globalité du rôle de l’ue sur la scène internationale. Par ailleurs, l’ouvrage s’appuie sur un cadre analytique original qui met en relation les instruments dont dispose l’ue avec les objectifs politiques qu’elle se fixe pour évaluer de manière critique chaque domaine politique étudié.

Le chapitre introductif de Jan Orbie commence par parcourir les principales étapes de la littérature sur le rôle international de l’ue. Il clarifie par la suite le concept d’Europe puissance civile, depuis la définition de François Duchêne. Sur la base de ce concept, ce premier chapitre précise ainsi le cadre analytique utilisé dans l’intégralité de l’ouvrage collectif, se fondant sur l’articulation entre les instruments d’action et les objectifs politiques de l’ue dans chaque domaine. En effet, l’auteur considère qu’il faut prendre en considération à la fois les ressources de puissance et les objectifs politiques de toute action extérieure de l’ue pour pouvoir dresser une évaluation critique de son rôle sur la scène mondiale.

Les chapitres successifs sont consacrés à la réflexion sur la dimension extérieure de l’ue dans plusieurs domaines, qui relèvent tous du premier pilier. Il s’agit du commerce (Jan Orbie), de la politique de développement (Jan Orbie et Helen Versluys), de l’aide humanitaire (Helen Versluys), de la politique sur l’asile et la migration (Steven Sterkx), de la politique sociale (Tonia Novitz), de la politique environnementale (Edith Vanden Brande), de la politique de la concurrence (Angela Wigger), de la politique énergétique (Andrei V. Belyi), de la politique de voisinage (Viktoriya Khasson, Syuzanna Vasilyan et Hendrik Vos) et de la politique d’élargissement (Eline De Ridder, An Schrijvers et Hendrik Vos).

Dans les limites du cadre analytique défini dans le chapitre introductif, chaque contribution se penche spécifiquement sur un de ces domaines. L’objectif est d’étudier chaque fois quelles sont la nature et l’importance des instruments dont dispose l’ue, par exemple ses ressources budgétaires et ses compétences. Par la suite, la recherche se focalise sur la manière dont ces instruments sont effectivement utilisés pour atteindre les objectifs normatifs affichés par l’ue. En adoptant la dichotomie rhétorique-réalité, l’étude vise à évaluer la cohérence entre ces objectifs normatifs et d’autres objectifs politiques qui découlent de la réalité politique.

Les contributions permettent aussi de juger de manière critique l’action extérieure de l’Union européenne dans le cadre des domaines du soft power, qui sont essentiels dans sa définition d’acteur global.

Les résultats des analyses des différentes contributions montrent que, dans le cadre du premier pilier, la nature et l’efficacité des instruments de l’ue diffèrent. Si la puissance économique de l’Union européenne joue un rôle déterminant en tant qu’instrument d’action dans chaque domaine analysé, l’influence de sa compétence légale ainsi que de ses ressources budgétaires varie d’un domaine à un autre. En ce qui concerne les objectifs poursuivis par l’ue à travers son action extérieure, l’analyse a mis en évidence que, même si, sur le plan rhétorique, des objectifs normatifs sont affichés – sur la base de la conviction partagée selon laquelle l’ue agit en tant que force pour le bien –, dans la réalité le caractère normatif de son rôle international peut être remis en question. En effet, la contribution sur la dimension extérieure de la politique d’asile et de migration ainsi que celle sur la politique de voisinage, par exemple, montrent que l’action de l’ue est également influencée par des considérations liées aux aspects sécuritaires qui dépassent donc les propos normatifs affichés par le discours rhétorique.

La valeur ajoutée de cet ouvrage collectif réside, à notre avis, dans la démarche méthodologique utilisée qui permet, en prenant appui sur un cadre analytique commun, de comparer les résultats issus de l’analyse de différents domaines politiques pour évaluer de manière critique le rôle global de l’ue sur la scène internationale. La délimitation du sujet de recherche aux politiques extérieures du premier pilier a le mérite de focaliser l’attention sur des aspects trop souvent négligés par la littérature sur le rôle international de l’ue. Les recherches s’appuient par ailleurs sur des analyses empiriques très complètes.

Europe’s Global Role est ainsi une lecture à recommander aux chercheurs qui s’intéressent au débat sur le rôle international de l’ue et qui souhaitent approfondir l’étude des différentes politiques extérieures de l’ue qui relèvent du premier pilier.