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Depuis l’introduction de l’euro sous forme de monnaie papier et métallique le 1er janvier 2002, l’intérêt de la part des médias, des politiciens et des universitaires pour l’intégration monétaire est en déclin. Cependant, avec la crise financière actuelle, le sujet est quelque peu revenu sur la sellette. Par exemple, on dit que l’Islande et les pays d’Europe centrale et de l’Est qui sont membres de l’Union européenne ne seraient pas aussi affectés par la crise s’ils étaient également membres de la zone euro. De plus, il y a quelques mois, le président de la banque centrale chinoise a lancé un appel à la création d’une nouvelle monnaie de réserve mondiale, en remplacement du dollar américain.

Pour les néophytes qui aimeraient comprendre les enjeux de l’intégration monétaire et la possibilité de création de nouvelles monnaies régionales comme l’euro, un livre publié l’an dernier, Regional Monetary Integration (rmi), représente sans aucun doute la plus complète des revues de la documentation sur le sujet. Bien qu’il soit écrit par des économistes de renom, Peter B. Kenen et Ellen E. Meade, le livre est facilement accessible à ceux qui n’ont pas de connaissances particulières en économie internationale.

On peut aisément dire que Regional Monetary Integration fait le tour de la question en ce qui concerne l’intégration monétaire. Premièrement, il présente les différentes formes que l’intégration monétaire peut prendre (dollarisation ou euroisation et union monétaire) en plus des coûts et avantages (théoriques) de ce que les auteurs appellent la consolidation de devises. Ensuite, l’ouvrage offre un résumé des études empiriques visant à mesurer la performance économique (inflation et croissance) des différentes formes d’intégration monétaire. De plus, les auteurs discutent de l’intégration monétaire dans les différentes régions du monde, qu’il s’agisse d’unions monétaires qui ont existé ou qui existent à l’heure actuelle (par exemple l’Union monétaire européenne ou la zone du franc cfa en Afrique) ou de la possibilité de telles formes d’intégration monétaire dans les Amériques et en Asie de l’Est. Finalement, ils tentent d’évaluer ce que leurs prévisions quant au futur de l’intégration monétaire régionale dans le monde pourraient vouloir dire pour les États-Unis et, surtout, le dollar américain.

À la suite de leur revue de la documentation et selon leur propre compréhension de l’intégration monétaire, les auteurs de Regional Monetary Integration concluent qu’ils ne prévoient pas l’émergence de nouvelles monnaies régionales dans les Amériques, en Afrique ou en Asie au cours des deux prochaines décennies, l’horizon temporel qu’ils ont choisi d’adopter pour leurs prévisions. Ils voient plutôt l’érosion partielle et graduelle du pouvoir des États-Unis et du dollar américain dans le système monétaire mondial au cours des vingt prochaines années, et ce, en raison d’une plus grande collaboration monétaire entre les pays d’Asie de l’Est, avec notamment le rôle central joué par la Chine et le Japon.

Malgré leur travail magistral de recenser tous les textes clés portant de loin ou de près sur l’intégration régionale monétaire, les auteurs montrent une faiblesse. Ils ont la mauvaise habitude de prendre position par rapport à la documentation sans nécessairement expliquer ou justifier cette position. Cette faiblesse des auteurs n’enlève rien à la qualité de Regional Monetary Integration en tant que revue de la documentation. Cependant, le lecteur du livre devra être vigilant s’il cherche à se fier aux conclusions de Kenen et Meade.

En somme, cet ouvrage devrait être le point de départ et le point d’arrivée pour la plupart de ceux qui veulent avoir une très bonne compréhension d’ensemble de l’intégration monétaire. Il devrait également être fort utile à ceux qui enseignent la finance internationale et qui désirent consacrer une ou des séances de cours à l’intégration monétaire ; en fait, Regional Monetary Integration pourrait être le seul texte à lire sur le sujet pour les étudiants (sinon, il peut agir à titre de texte de référence pour ces derniers). Quant à ceux qui se spécialisent dans les questions d’intégration monétaire et qui connaissent déjà bien la littérature sur le sujet, l’ouvrage ne leur apprendra rien de nouveau.