Comptes rendus : Théorie, méthode et idées

Richard M. Price (dir.), Moral Limit and Possibility in World Politics, 2008, coll. Cambridge Studies in International Relations, Cambridge, Cambridge University Press, 316 p.[Notice]

  • Luc Sindjoun

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  • Luc Sindjoun
    Département de science politique
    Université de Yaoundé II
    Cameroun

L’ouvrage collectif dirigé par Richard Price porte sur un thème important pour les relations internationales et le constructivisme, à savoir la morale comme contrainte et ressource. Dans les relations internationales, le rapport à la morale est à l’origine de la distinction, souvent absolutisée, entre réalisme et idéalisme ; au sujet de la démarche constructiviste, il a souvent été reproché à ses tenants de ne pas suffisamment prendre en considération les questions éthiques. Dès lors, on comprend mieux pourquoi cet ouvrage collectif peut être considéré comme se situant au carrefour des relations entre postures théoriques et préoccupations éthiques, comme s’inscrivant dans la dynamique du projet constructiviste qui a intégré diverses priorités épistémiques, notamment le rôle des normes dans les relations internationales, le rôle du changement moral dans l’étude et la pratique des relations internationales. Cette perspective heuristique est fondée sur la prémisse suivant laquelle le programme de recherche, qui a montré comment les normes sont construites et comment elles influent sur les relations internationales, est le mieux placé pour aider à répondre à la question : Que devons-nous faire ? Le raisonnement est simple : à partir du moment où les analyses constructivistes du développement et des effets des normes entraînent des questions théoriques et empiriques sur les conditions, les possibilités et les limites d’un changement moral dans les relations internationales, ces analyses devraient permettre de proposer une réponse adéquate à la question Que faire ? Étant entendu qu’une réponse appropriée ne dépend pas seulement de ce que l’on juge de manière abstraite comme étant juste, mais aussi des attentes raisonnables que l’on peut avoir en se fondant sur le concret et en prescrivant une ligne d’action et de jugement. La question posée ici n’est pas uniquement Que faire ?, mais davantage et surtout Qu’est-ce qui doit être fait ? Les réponses sont proposées à partir de différents terrains de questionnement et de prescription donnant lieu à des usages différenciés de ce qui est bon et de ce qui constitue le progrès. Les différents chapitres qui constituent l’ouvrage collectif Moral Limit and Possibility in World Politics sont d’égale valeur. On choisira ici d’illustrer la conciliation entre l’éthique et le constructivisme à partir de quelques contributions. Christian Reus-Smit s’intéresse à l’action humaine dans un monde en voie de globalisation, caractérisé par la dialectique de l’homogénéité et de l’hétérogénéité, pour apporter une réponse à la question praxéologique : Comment devons-nous agir ? Dans cette perspective, il a procédé à une relecture de l’ouvrage canonique d’Edward Carr The Twenty Years’ Crisis pour montrer que la critique de l’utopie ne débouche pas sur une caution au réalisme ne prenant en compte que les faits. Il s’agit plutôt d’une pensée nuancée recommandant la prise en considération des éléments d’utopie et de réalisme pour fonder toute pensée politique profonde. À partir de cette redécouverte d’Edward Carr dont la caricature de sa pensée a souvent servi dans les relations internationales la prépondérance du réalisme aux dépens de la morale et des valeurs, est mise en exergue une conception holistique du raisonnement éthique en phase avec les capacités heuristiques du constructivisme. Ici, il est considéré que la démarche sociologique des constructivistes au sujet des fondations normatives de l’ordre international consiste aussi en un dialogue avec les philosophes et théoriciens politiques préoccupés par des enquêtes normatives. Jonathan Havercroft propose de faire de la norme du consentement le fondement de la promotion de la reconnaissance des peuples indigènes. Cette proposition s’énonce en s’opposant à la non-reconnaissance du droit à l’autodétermination des peuples indigènes. Dans une perspective normative, le rejet du droit des peuples indigènes à l’autodétermination est considéré comme le sommet …