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Parallèlement à la montée de l’idéologie néolibérale, l’environnement, thème fondateur du développement durable, est devenu le terrain d’enjeux croisés. Ce concept popularisé par le Sommet de la Terre à Rio, s’est inscrit dans un registre plus sensationnel occultant les motivations et les défis qui le sous-tendent. Dernière trouvaille de « l’ingénierie onusienne », cette notion n’est pourtant pas neuve. Elle renvoie à un débat datant de la conférence de Stockholm sur l’environnement humain de 1972, où, pour la première fois, environnement et développement ont été scellés au niveau de la réflexion globale, même si, à l’époque, la notion d’écodéveloppement, c’est-à-dire un mode de développement susceptible de concilier progrès social et respect de l’environnement naturel. Mais cette notion, qui est aujourd’hui au coeur du débat sur la mondialisation néolibérale, a été vite bannie du vocabulaire officiel onusien à la demande des États-Unis, pour motif qu’elle remettait en cause le modèle américain de développement basé sur une surexploitation et une consommation massive des ressources naturelles.

En 1987, apparaît le concept de développement durable, sustainable development, à la suite du rapport Brundtland Notre avenir à tous. Ce néologisme, selon l’auteur, est l’euphémisme politiquement correct inventé pour satisfaire les caprices de l’administration américaine hostile à la première. Il est défini comme un modèle de développement susceptible de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations de satisfaire les leurs. Depuis, l’idée du développement durable, reposant sur trois piliers : la justice sociale, la prudence écologique et l’efficacité économique, s’est imposée comme une nécessite mondiale à travers l’agenda 21 de Rio.

Toutefois, si le paradigme du développement durable est devenu l’objet d’un engouement dans les pays développés, en Afrique, au contraire, cet impératif soulève plus d’interrogations existentielles qu’il n’apporte de solutions. Le sommet mondial pour le développement durable, organisé à Johannesburg en 2002, a laissé intact le problème crucial de la misère de masse sur ce continent. Ainsi, selon l’auteur, le concept de développement durable a été phagocyté par l’idéologie « sacrificielle » et destructrice de la mondialisation néolibérale, qui exclut toute éthique en mettant l’accent sur d’autres priorités. Or, la solidarité avec les générations de demain n’a de sens que si elle prend en compte celle avec des déshérités d’aujourd’hui.

C’est en ce sens que l’auteur s’interroge sur la pertinence de ce paradigme en Afrique subsaharienne, où se concentre la majorité des pauvres de la planète. Comment, à l’être de la mondialisation néolibérale triomphante, ce paradigme adopté à Rio et réaffirmé au sommet de Johannesburg comme la voie royale pour le développement du monde peut-il mettre fin au lot de malheurs des peuples africains ? La réponse invariablement technicienne de l’ingénierie onusienne est-elle la solution incontournable ?

Dans la logique « consommationniste mortifère » générée par l’idéologie du tout-marché, il ne semble y avoir de place que pour le citoyen producteur ou consommateur. Autrement dit, le moteur du développement technologique et de l’appareil productif mondial ne tourne que pour satisfaire les besoins d’une classe, contrairement à ce que proclament les « gourous » des institutions de Breton Woods : le fmi et la Banque mondiale. Ce qui fait que les 800 millions d’Africains n’existent pas, car catégorisés « consommateurs non solvables » et « non rentables ». En outre, aux deux conditionnalités – politique (démocratisation) et économique (privatisation) – des années 1980, s’est ajoutée depuis Rio la conditionnalité écologique (préservation de la nature). Cette perspective « environnementaliste hypocrite » assigne aux pays du Sud la vocation de demeurer des « sanctuaires de la nature sauvage », pourvoyeuses de ressources que les sociétés multinationales occidentales peuvent exploiter ou polluer à leur guise sans avoir à rendre compte, avec la bénédiction de l’omc.

Mais, au-delà des enjeux politico-économiques d’appropriation privative de l’environnement, il existe des enjeux éthiques et religieux qui incitent à prendre soin de ce bien commun qu’est la Terre. Ainsi, le paradigme écologique du développement durable oblige à répondre courageusement à cette triple interrogation vitale pour l’humanité : À qui appartiennent la terre et ses richesses ? Comment et par qui est gouverné le monde ? À quoi rapporte-t-on la durée ou la notion de temps sous-entendue dans l’expression « développement durable » ?

À partir d’une approche interdisciplinaire et de son expérience de terrain, sans se laisser influencer par les idéologies environnementalistes et en se basant sur la méthodologie des sciences sociales, l’auteur essaie d’apporter un point de vue éthico-théologique au discours politique, économique et écologique dominant dans le débat scientifique contemporain tout en essayant de combler un vide. Car, à son avis, l’environnement ne semble pas émerger comme un enjeu primordial au niveau de l’épiscopat africain, bien qu’il ait fait l’objet de nombreuses recherches depuis les années de sécheresse.

L’auteur termine son étude par la formulation d’une recommandation éthico-holistique, qui seule, selon lui, est garante de la vie, du respect de la dignité humaine et de la préservation de l’environnement naturel.