Comptes rendus : Régions - Asie

Mario Esteban Carranza, 2009, South Asia Security and International Nuclear Order. Creating a Robust Indo-Pakistani Nuclear Arms Control Regime, Aldershot, Ashgate, 198 p.[Notice]

  • Nathalène Reynolds

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  • Nathalène Reynolds
    Centre d’études asiatiques de Genève et Sustainable Development Policy Institute d’Islamabad, (sdpi)

L’Inde puis le Pakistan affirmaient leur puissance nucléaire, alors que l’environnement international avait été profondément modifié par la chute – au tout début des années 1990 – de l’Union des républiques socialistes soviétiques. Au mois de mai 1998, le premier ministre nationaliste hindou, Atal Behari Vajpayee, traversaitle Rubicon (une expression dont les observateurs indiens usaient volontiers). L’État dont il dirigeait les destinées a décidé d’essais nucléaires qui – en dépit des pressions américaines – ont provoqué une réplique pakistanaise similaire. L’Union indienne et la République islamique du Pakistan, répondant à des objectifs nationaux, régionaux, voire internationaux qui leur étaient propres, n’en remettaient pas moins en cause ce que l’on considérait – à demi-mot – comme un ordre nucléaire international dont le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (tnp) était le fondement. Les deux pays n’avaient jamais adhéré à ce texte ; néanmoins, leur soudaine décision le privait – comme le relève Mario Esteban Carranza – du caractère universel qu’il revendiquait jusqu’alors. Certes, le sous-continent indo-pakistanais a été rythmé par une succession de conflits qui ont le plus souvent conduit à un retour au statu quo ante. Néanmoins, Carranza, usant d’outils d’analyse qui procèdent de la science politique, appelle observateurs et spécialistes à renoncer à tout optimisme hâtif lorsqu’ils traitent des dangers des dérives armées de l’inimitié indo-pakistanaise. L’auteur souligne que l’équilibre de la terreur vers lequel New Delhi et Islamabad tendent et celui qui autorisa la stabilisation – au demeurant délicate – des relations américano-soviétiques durant la guerre froide ne sont guère comparables. Une immense étendue séparait les territoires étasunien et soviétique, tandis qu’aucun conflit territorial n’opposait directement les deux pays. De surcroît, l’Inde et le Pakistan n’hésitèrent pas à s’affronter – au cours de l’année 1999 – dans la région du Ladakh indien de Kargil ; ils en vinrent vraisemblablement à envisager le recours au nucléaire. Il s’agit pour Islamabad et New Delhi, tout en définissant une doctrine nucléaire rationnelle, d’examiner l’enjeu de la sécurité de leurs arsenaux et les modalités de leur utilisation. Carranza insiste sur la mise en place d’un système de commandement qui revêtirait trois caractéristiques : la fiabilité, la capacité de contrôle et la présence d’un système de communication sans faille, ce que l’anglais nomme un reliable command, control and communications (C3) system. Les deux adversaires souhaiteraient-ils inaugurer une ère de paix ? L’Inde devrait songer à se montrer généreuse, donnant au Pakistan des gages de sa bonne foi. C’est là une gageure : New Delhi n’entend pas céder sur l’enjeu du Jammu et Cachemire, alors que les puissances mondiales continuent prudemment de s’abstenir d’une médiation dont la seule évocation suscite l’ire indienne. Islamabad paraît poussé dans ses retranchements. Il estime que son territoire, déjà privé de ce qu’il nomme une profondeur stratégique, est désormais encerclé, puisque le régime qui, à Kaboul, a succédé aux talibans est – selon cette lecture – favorable à l’Inde. L’heure est grave à considérer la constante dégradation de la situation intérieure du Pakistan ; nombre d’analystes s’alarment de ce que des groupes soucieux d’actes spectaculaires ne s’emparent de l’arme nucléaire. Il y a donc lieu de se pencher, avec Carranza, sur d’importantes problématiques qui sont, de toute évidence, liées à des événements clés. L’auteur, ne parvenant pas à éviter des redites peu utiles à sa démonstration, propose toutefois une intéressante analyse de l’enjeu sécuritaire du lendemain des essais nucléaires à nos jours, tandis qu’il s’interroge sur les motivations indiennes et pakistanaises et sur les dividendes du choix des deux pays. Il déplore que l’administration Bush – revenant sur l’orientation choisie …