Comptes rendus : Analyse de politique étrangère

Howard B. Schaffer, 2009, The Limits of Influence. America’s Role in Kashmir, Washington, dc, Brookings Institution Press, 272 p.[Notice]

  • Nathalène Reynolds

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  • Nathalène Reynolds
    Centre d’études asiatiques de Genève et
    Sustainable Development Policy Institute d’Islamabad (sdpi)

Le 6 mai 2010, les attentats dramatiques dont la ville indienne de Mumbai (la capitale de l’État du Maharastra indien) a été le théâtre – à la fin de novembre 2009 – ont connu un dénouement attendu. Ce jour-là, Mohammad Ajmal Amir Kasab, seul survivant du groupe des neuf terroristes qui avaient perpétré l’attentat, a été condamné à la peine capitale. Ce citoyen pakistanais, selon les médias indiens, n’est qu’un symbole d’une « conspiration », un puzzle dont le gouvernement central de New Delhi continue de réunir les pièces. Outre une nécessaire réponse à l’indignation de son opinion publique, l’Inde a en tout état de cause visé à rappeler aux puissances mondiales dominantes, séduites par la réaction mesurée qui fut la sienne à la suite des attentats, qu’elle n’envisage pas la question de sa sécurité à la légère. Ainsi n’entend-elle pas donner la priorité aux préoccupations de la communauté internationale, inquiète de l’évolution de ce que l’on nomme désormais la région Af-Pak (Afghanistan-Pakistan). La communauté internationale souhaite, faut-il le rappeler, qu’Islamabad et New Delhi établissent des relations cordiales. La République islamique du Pakistan, libérée de l’hypothèque d’un danger indien qu’elle estime prééminent, serait ainsi à même d’honorer l’alliance à laquelle les États-Unis l’ont contrainte au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Reste que l’Union indienne ne peut inaugurer d’harmonieuses relations avec son voisin sans définir une résolution du conflit du Cachemire qui autoriserait la satisfaction – partielle – de ses exigences. Après la déclaration de Simla (juillet 1972) qui mit fin au troisième conflit armé indo-pakistanais, avalisant la naissance du Bangladesh, New Delhi – proposant une interprétation de ce texte qu’Islamabad contestait – se jugea libre de proclamer que toute résolution du conflit relevait de seules négociations bilatérales. Le profane en retira l’impression que les puissances mondiales dominantes, qui avaient pourtant qualifié dès le début des années 1950 le Cachemire de poudrière de l’Asie, ne s’inquiétèrent véritablement de la difficile évolution des relations indo-pakistanaises qu’au mois de mai 1998. À cette date, l’Inde et le Pakistan affirmèrent – tour à tour – leur statut de puissances nucléaires. Il faut cependant rappeler ici que New Delhi effectua son premier essai au cours de l’année 1974. L’ouvrage que le diplomate Howard B. Schaffer, aujourd’hui à la retraite, consacre à l’enjeu du Cachemire tend à corriger une telle perception. Il s’inscrit dans la démarche que choisirent les politologues P.R. Chari, Pervaiz Iqbal Cheema et Stephen P. Cohen, lors de la publication deux années auparavant d’une étude (American Engagement in South Asia, 2007) qui se pencha sur les efforts de médiation consentis par la diplomatie américaine. Tandis que Chari, Cheema et Cohen envisagent quatre crises majeures qui opposèrent Islamabad et New Delhi de 1986 à 2002, Schaffer retrace – pas à pas – l’évolution de la position des États-Unis, des prémices du conflit du Cachemire (octobre 1947) à nos jours. Son récit chronologique a pour fil directeur la succession des présidences à la Maison-Blanche. Et il rend compte des débats d’idées qui rythmèrent autant les gouvernements de Washington que les diplomates en poste en Inde et au Pakistan. Tout au long de l’ouvrage, l’auteur incite le lecteur qui aurait tendance à privilégier les approches nationale et internationale à garder à l’esprit une troisième dimension : les relations entre États, qui procèdent de liens noués par leurs dirigeants. Au demeurant, la perception américaine de la politique pakistanaise et des dirigeants qui la mirent en oeuvre a varié au gré des équipes dont les locataires successifs de la Maison-Blanche s’entourèrent. Sans doute les quatre premiers chapitres (1947-1963) de l’étude examinée ici intéresseront-ils …