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Depuis sa création en 1945, l’organe exécutif de l’onu, le Conseil de sécurité, a adopté plus de 2 000 résolutions. Ce corpus est illustratif de l’évolution du Conseil, de l’action de celui-ci et des pratiques le régissant. Si cette évolution s’est parfois faite par des ruptures, on peut arguer qu’elle s’est surtout effectuée à la marge, presque subrepticement. Et chaque évolution, qu’elle soit le fruit ou non d’une rupture, s’est matérialisée par une résolution.

L’ouvrage Les grandes résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies se donne pour objectif d’analyser les résolutions ayant fait, d’une manière ou d’une autre, évoluer le rôle du Conseil de sécurité. Pas moins de 49 résolutions adoptées entre 1946 et 2011 ont ainsi été choisies par le comité de direction de cette monographie. En ce sens, le livre s’inscrit dans une démarche originale visant à combler un manque dans la littérature sur le Conseil de sécurité, à savoir l’étude de l’évolution de l’organe au fil de ses résolutions, en mettant l’accent sur le contexte dans lequel celles-ci ont été rédigées et adoptées, mais aussi en faisant ressortir l’intertextualité des résolutions.

Cet ouvrage collectif est corédigé par 51 auteurs parmi lesquels l’on trouve des chercheurs établis comme Dario Battistella, Bertrand Badie ou encore Paul Tavernier, mais aussi un grand nombre de jeunes chercheurs et praticiens issus tant de la science politique et du droit international que d’autres disciplines connexes. Ce mélange donne un résultat de bonne tenue à saveur pluridisciplinaire.

Le livre comprend trois parties distinctes. L’introduction décrit la composition de l’organe onusien avant d’expliquer son processus décisionnel, de l’inscription d’un thème à l’ordre du jour jusqu’à l’adoption d’une résolution. Ce chapitre introductif vient ensuite donner plus de précisions sur le vocable bien particulier du Conseil et de ses résolutions avant d’expliquer les différences entre les divers textes qu’est amené à publier l’organe, soit les décisions, les déclarations et les résolutions. Une brève synthèse des évolutions stratégiques et normatives du Conseil de sécurité est enfin proposée.

La deuxième partie constitue le corps du livre, puisqu’il s’agit des quelque 560 pages passant au travers des 49 résolutions choisies et présentées. Chaque résolution a droit à son propre chapitre d’une petite quinzaine de pages construit selon un même gabarit. Tout d’abord, la résolution en question est reproduite in extenso, puis un commentaire vient analyser le texte pour aider le lecteur à comprendre en quoi la résolution étudiée est novatrice, pour expliquer le contexte dans lequel elle a été adoptée et pour évoquer les conséquences – voulues ou non – qu’elle a pu avoir sur l’État, le conflit et l’enjeu en question ainsi que sur le rôle du Conseil de sécurité. Chaque chapitre se termine par une courte bibliographie pour guider le lecteur intéressé vers d’autres références sur la résolution étudiée.

La dernière partie du livre se compose des annexes, qui regroupent principalement la Charte des Nations Unies ainsi que le règlement intérieur provisoire du Conseil de sécurité.

La qualité première des Grandes résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies est qu’il s’agit d’un ouvrage bien conçu. En effet, son système de mots-clés qui permet de survoler les thèmes principaux de chaque résolution, son index alphabétique qui facilite la recherche des résolutions portant sur un thème ou un conflit en particulier et ses résumés qui synthétisent en quelques mots chaque résolution étudiée sont des outils très pratiques à utiliser.

Aussi, la longueur raisonnable des commentaires rend l’ouvrage et son contenu accessibles au public et permet au lecteur de saisir rapidement les principaux enjeux d’une résolution donnée. De plus, le livre fait la part belle aux sources bibliographiques en français, ce qui est un exploit dans un champ ultra-dominé par les publications anglophones.

Enfin, l’approche pluridisciplinaire de l’ouvrage (science politique, droit international, sociologie et histoire) permet d’offrir une vision plus large du travail du Conseil de sécurité et de son action, ce qui donne au lecteur l’occasion de scruter l’objet d’étude sous différentes facettes.

Outre l’inclusion et l’exclusion de certaines résolutions dont l’importance pourrait être débattue – l’introduction du livre mentionne d’ailleurs à raison qu’il est impossible de satisfaire tout le monde et qu’une certaine discrétion est inévitable à l’heure de choisir parmi plus de 2000 résolutions –, il est important de souligner certains points négatifs de l’ouvrage. À cet égard, nous ferons part ici de deux critiques.

La première, qui porte sur la forme, réside dans le fait que la plupart des chapitres sont présentés de manière si dense et si peu aérée que leur lecture peut être rébarbative. Si les contraintes d’espace dans les versions papier de livres sont bien compréhensibles, il est tout de même à déplorer que celles-ci viennent faire du tort non seulement à l’attractivité de l’ouvrage et de son contenu, mais aussi parfois à la bonne compréhension de celui-ci. De plus, des coquilles viennent porter préjudice à certains chapitres.

La seconde critique porte sur la qualité inégale des commentaires, point négatif lié au nombre impressionnant d’auteurs qui ont participé à la rédaction de cet ouvrage. La qualité est inégale tant dans la profondeur des analyses proposées que dans la capacité des auteurs à prendre du recul face à la résolution commentée afin de la resituer dans le « temps long » de l’action du Conseil de sécurité.

En dépit de ces deux limites, Les grandes résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies reste un ouvrage pertinent, original et de bonne qualité universitaire.