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INTRODUCTION

Cet article vise à approfondir les connaissances sur les défis et les enjeux complexes des coopératives de solidarité, une forme organisationnelle dont l’existence juridique au Québec ne remonte qu’à 1997. Une coopérative de solidarité se distingue par sa configuration multisociétaire, c’est-à-dire qu’elle doit compter au moins deux catégories de membres parmi les suivants : consommateurs, producteurs, travailleurs et membres de soutien (Girard, 2008). Malgré leur nouveauté dans le paysage entrepreneurial, on remarque déjà l’impact socioéconomique positif (Comeau, 2009; Girard, 2010) des coopératives de solidarité dans les communautés et secteurs d’activité dans lesquels elles sont actives, particulièrement dans les milieux ruraux et défavorisés (Comeau, 2009). Bien qu’il s’agisse d’une innovation sociale qui répond aux besoins d’acteurs du développement socioéconomique communautaire, la coopérative de solidarité reste, à ce jour, peu étudiée (Girard, 2010; Michaud, 2013).

Les coopératives de solidarité reposent sur l’idée, commune à toutes les coopératives, que la réussite repose sur un double standard, à la fois économique et social (Bouchard, Cruz Filho et Saint-Denis, 2011; Levi et Davis, 2008). À l’instar des coopératives traditionnelles, les coopératives de solidarité répondent aux besoins économiques, sociaux ou culturels de leurs membres par le moyen d’une structure entrepreneuriale d’activité marchande. Toutefois, contrairement aux coopératives unisociétaires, les coopératives de solidarité comptent au sein de leur sociétariat différents types de membres, aux besoins et demandes parfois contradictoires. Dans cet article, nous mobilisons la perspective des paradoxes (Lewis, 2000; Lewis et Dehler, 2000; Smith et Lewis, 2012), qui permet de mettre en lumière certains des défis auxquels sont confrontées les organisations hybrides. Au regard de la complexité inhérente à la gestion des coopératives de solidarité, et considérant la performance à la fois économique et sociale de ces organisations, il est intéressant de s’attarder aux paradoxes propres à ce type d’entreprises.

À cette fin, nous avons mené une étude de cas portant sur l’Accorderie de Québec, une coopérative de solidarité qui combine et gère de façon démocratique trois services : du microcrédit, un groupe d’achat et surtout un vaste réseau d’échange de services. La mission de l’Accorderie de Québec est de lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale par la mise en place d’une structure d’échange de services utilisant le temps comme unité d’échange. Bien que se décrivant comme une « coopérative de service », l’Accorderie ne vend pas de services : elle consiste en une structure dont les membres utilisateurs, les « accordeurs », proposent leurs services et bénéficient de ceux offerts par les autres membres. Elle occupe ainsi une position inédite dans le secteur de l’économie sociale, en se définissant essentiellement comme une structure d’échange marchand non monétaire. L’Accorderie de Québec joue également un rôle de pionnière en tant qu’innovation sociale, ayant servi de modèle à la création de 13 Accorderies sur le territoire québécois et de 21 en France, en plus de participer activement à la création et au déploiement d’un réseau regroupant et appuyant l’ensemble des Accorderies de la province.

Au moment de notre enquête, l’Accorderie de Québec se trouve à une période charnière de son histoire : elle doit composer avec le retrait d’un bailleur de fonds important et une forte hausse de son membership, de même qu’avec les conséquences de la transformation de l’organisme à but non lucratif (OBNL) en coopérative de solidarité, un projet en latence depuis la fondation de l’organisation.

Cette étude de cas met en évidence les paradoxes vécus lors d’une telle transformation, contribuant ainsi à enrichir les connaissances sur ce nouveau modèle organisationnel. Les résultats de cette étude suggèrent que la complexité des coopératives de solidarité rend ces organisations particulièrement sujettes à l’apparition de paradoxes, ce qui favorise l’adoption d’une gestion « ambidextre » par ses dirigeants (Andriopoulos et Lewis, 2009).

PARADOXES ET COOPÉRATION

Le cadre théorique mobilisé, la perspective des paradoxes (Lewis, 2000; Smith et Lewis, 2011), s’intéresse aux pratiques et aux compétences qui permettent à certaines organisations contemporaines de répondre simultanément aux exigences contradictoires de leur environnement, interne et externe (p. ex. : exigences sociales, économiques et environnementales). Un paradoxe désigne la présence simultanée d’éléments contradictoires et mutuellement exclusifs (p. ex. : pôles, forces, tendances, intérêts, valeurs) au sujet desquels aucun choix ou synthèse n’est possible, voire souhaitable. De telles contradictions, qui ne sont pas problématiques quand chaque élément est pris séparément, semblent irrationnelles ou même absurdes lorsqu’elles sont juxtaposées (Lewis et Dehler, 2000). Les paradoxes sont inhérents à toute organisation, mais demeurent souvent latents, ne s’exprimant que dans des circonstances qui mettent en évidence leur nature contradictoire ou incohérente (Westenholz, 1993; Smith et Lewis, 2011).

Dans une telle perspective, les notions de « paradoxe », « contradiction » ou « tension » n’ont pas une connotation négative. La perspective des paradoxes met au contraire en évidence la manière dont une gestion « ambidextre » (Andriopoulos et Lewis, 2009) peut se révéler garante d’une organisation saine et innovante. Les écrits de ce courant se penchent notamment sur la manière dont les individus et les organisations réagissent ou répondent à la présence de paradoxes (Smith et Berg, 1987; Vince et Broussine, 1996). Selon Andriopoulos et Lewis (2009), gérer un paradoxe n’implique pas de le résoudre ou de l’éliminer, mais plutôt de miser sur son potentiel énergisant.

Smith et Lewis (2011) proposent un cadre conceptuel à l’intérieur duquel les paradoxes se regroupent en quatre familles. Les paradoxes d’appartenance (« belonging ») surgissent lorsque des enjeux identitaires entrent en conflit. Cette catégorie correspond aux tensions entre identité personnelle et appartenance à un groupe ou entre les rôles opposés que doivent tenir simultanément les membres d’une organisation. Dans une coopérative, ce paradoxe peut s’illustrer par l’exemple des membres travailleurs qui deviennent « patrons de leur patron », à titre de membres du conseil d’administration. On l’observe aussi lorsque des membres utilisateurs, bénévoles à l’intérieur de l’organisation, en sont également les clients.

Les paradoxes d’organisation (« organizing ») désignent les différentes formes que peut prendre la structure de décision et de travail d’une organisation, qui doivent parfois coexister de manière simultanée. Par exemple, des employés sont invités à travailler en collaboration, tout en demeurant en compétition pour une promotion. La direction doit veiller à l’autonomie de ses employés, tout en conservant le contrôle sur leurs activités. Les paradoxes d’organisation se font particulièrement prégnants dans les coopératives, qui cherchent l’efficacité organisationnelle tout en préservant la démocratie et l’implication de leurs membres, voire l’autogestion (Viggiani, 1997).

Les paradoxes d’apprentissage (« learning ») renvoient aux tensions causées par le changement et le renouvellement auxquels sont nécessairement contraintes les organisations. Tout changement implique en effet une part de destruction des acquis du passé, sur lesquels il faut néanmoins bâtir l’avenir. Les paradoxes d’apprentissage surgissent dans le contexte de la lutte entre le confort du passé et l’incertitude par rapport au futur qui demande des efforts constants d’ajustement, de renouvellement et d’innovation. Par exemple, les valeurs fondatrices à l’origine de la création d’une coopérative doivent être conservées afin d’assurer la cohésion de cette dernière, mais cela ne doit pas l’empêcher de changer ni de se renouveler afin de s’adapter aux demandes et aux besoins des membres ainsi qu’au contexte.

Enfin, les paradoxes de performance (« performing ») découlent de la diversité des parties prenantes, dont les stratégies et les objectifs entrent en compétition. En effet, les différentes parties prenantes d’une entreprise, même lorsqu’elles sont également concernées par la réussite de celle-ci, n’ont pas nécessairement les mêmes objectifs ni la même vision de la réussite (Smith, Gonin et Besharov, 2013). Ce paradoxe est exacerbé dans les coopératives de solidarité, dont différentes parties prenantes, aux intérêts parfois contradictoires (p. ex. : travailleurs et consommateurs), sont à la fois propriétaires et décideurs.

La littérature en « coopérativologie » note que la présence de plusieurs acteurs, enjeux et activités au sein des coopératives soulève des paradoxes particuliers (Calton et Payne, 2003; Stohl et Cheney, 2001; Westenholz, 1993; Harter et Krone, 2001; Cornforth, 2004). La principale caractéristique d’une coopérative de solidarité est sa configuration multisociétaire, c’est-à-dire qu’elle doit compter un minimum de deux catégories de membres. La possibilité d’inclure au sein de leur sociétariat divers types de membres réaffirme avec force la dimension sociale du modèle coopératif (Defourny et Nyssens, 2010; Diamantopoulos, 2012) en proposant une structure organisationnelle qui cherche à réconcilier les besoins, à première vue contradictoires, des différents types de membres (Spear, Cornforth et Aiken, 2009). Cela dit, il existe à ce jour peu d’études sur le fonctionnement quotidien d’une coopérative de solidarité (Langlois et Girard, 2006) et aucune ne porte, à notre connaissance, sur la transformation d’un OBNL en coopérative de solidarité.

MÉTHODOLOGIE

Afin de contribuer à la compréhension des paradoxes liés à la gestion des coopératives multisociétaires, nous avons mené une étude de cas (Yin, 2012) sur l’Accorderie de Québec, une coopérative de solidarité occupant une position inédite dans le paysage de l’économie sociale québécoise. Le cas de cette coopérative est inhabituel, car la prépondérance de sa mission sociale est exceptionnelle même dans le milieu coopératif. En effet, bien que se définissant comme une « coopérative de service », l’Accorderie ne vend pas de services. Les ressources financières de la coopérative sont donc essentiellement liées à sa capacité de créer des partenariats avec des organismes du milieu, généralement d’autres entreprises d’économie sociale, qui deviennent membres de soutien.

La pertinence de ce cas réside aussi dans l’étape charnière du développement de l’Accorderie de Québec au moment de la collecte de données. En effet, l’Accorderie est passée en 2011 du statut d’OBNL à celui de coopérative de solidarité, une situation à laquelle les chercheurs ont rarement accès étant donné la nouveauté de cette forme légale. Ce changement de statut, combiné avec une crise financière qui survient au même moment, a amené des changements structurels et philosophiques importants dans l’organisation. En outre, l’Accorderie de Québec fait figure de modèle dans le secteur de l’échange de services, ayant inspiré la fondation d’une dizaine de nouvelles Accorderies au Québec et ailleurs dans le monde ainsi que la mise en place d’un réseau visant à promouvoir et à structurer cette formule.

La collecte de données a été effectuée entre 2012 et 2015. Des entrevues semi-structurées ont été menées auprès de sept personnes ayant occupé divers rôles au sein de l’organisation : fondateurs, coordonnateurs, membres du conseil d’administration, dirigeants et employés du Réseau, tous étant par ailleurs membres usagers de l’Accorderie de Québec. Avec la permission des répondants, les entrevues ont été enregistrées et transcrites par les chercheurs. La durée des entrevues variait de 60 à 120 minutes, pour un total de 8 heures 20 minutes. Les répondants ont été interrogés à propos du développement de l’Accorderie et du Réseau, de ses origines, de ses objectifs et des défis qui se sont posés au cours de son développement. Ces données issues de sources primaires ont été enrichies par des sources secondaires. Nous avons eu accès à l’ensemble des archives de l’Accorderie pour la période 2000-2015 (rapports annuels, matériel promotionnel, procès-verbaux des réunions, etc.). Enfin, nous avons complété nos données par la création d’une revue de presse constituée des publications dans les journaux et autres médias ainsi que des travaux scientifiques consacrés à l’Accorderie.

L’analyse des données a été réalisée en trois étapes. À chacune des étapes, nous avons effectué un codage du matériel récolté à l’aide du logiciel NVivo et tenu des rencontres régulières afin de discuter des différences entre les codeurs. À la première étape de l’analyse, nous avons cherché à mettre en évidence les descriptions des principaux enjeux (défis, difficultés et solutions) vécus à l’Accorderie depuis sa fondation. Notre objectif était de mieux comprendre les principaux stades de développement de l’organisation. À la deuxième étape de l’analyse, nous nous sommes concentrés sur les défis de gestion vécus entre 2012 et 2015, alors que le virage vers la coopérative de solidarité était complété et que le Réseau évoluait de manière autonome. L’objectif était ici de faire ressortir les principaux paradoxes de gestion, en les associant si possible avec les grandes familles de paradoxes distinguées par Smith et Lewis (2011). À la suite de ce deuxième codage, il est apparu que de nombreux paradoxes étaient liés à la transformation de l’Accorderie en coopérative de solidarité. À la troisième étape de l’analyse, nous avons pu approfondir davantage les paradoxes liés à cette transformation.

L’ACCORDERIE DE QUÉBEC

L’étincelle du départ et le prédémarrage

C’est en 2001 que sont menées les premières réflexions entourant le projet Accorderie par deux organisations de la ville de Québec : la Caisse d’économie solidaire Desjardins (ci-après la Caisse) ainsi que la Fondation Saint-Roch (ci-après la Fondation). À l’époque, la Caisse s’inquiète de sa capacité à atteindre l’un de ses objectifs sociaux : maximiser l’accès au crédit pour tous, y compris les personnes exclues des institutions financières traditionnelles. Au même moment, la Fondation souhaite abandonner la gestion de deux initiatives sociales qui ne font pas partie intégrante de sa mission : un groupe d’achat et une cuisine collective. Les deux organismes discutent alors de la possibilité de fonder un organisme indépendant, responsable de développer et de gérer ces trois services (groupe d’achat, cuisine collective, microcrédit).

Les partenaires souhaitent mettre sur pied un organisme autonome et « autonomisant », c’est-à-dire qui permet aux bénéficiaires des services de prendre une place active dans l’organisation. Dès les balbutiements du projet, l’intégration des usagers est perçue comme un moyen de répondre aux besoins des personnes en situation de pauvreté en dépassant le simple soutien financier et la philanthropie. Pour rendre possible et concrète cette implication des membres, les fondateurs songent à mettre sur pied un réseau d’échange de services, qui deviendra le pilier de l’organisme. Ainsi naît le projet d’implanter un système économique alternatif qui utilise comme unité d’échange le temps à titre de monnaie sociale. Dans ce système, la valeur d’un service ne se mesure que par le temps écoulé : une heure égale une heure. À titre d’exemple, une heure de travaux ménagers vaut autant qu’une heure de comptabilité, de gardiennage ou de révision linguistique. L’échange de services a pour but de favoriser la mixité sociale, de permettre aux plus démunis de bénéficier de services qui leur seraient autrement inaccessibles et de valoriser les talents et expertises des personnes marginalisées.

Un début comme organisme à but non lucratif

Le 3 juin 2002, l’Accorderie de Québec est officiellement constituée en tant qu’organisme à but non lucratif. Sa mission : lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale ainsi que favoriser la mixité sociale. Entre 2002 et 2004, la structure de l’organisme est en construction et les services de regroupement d’achats et de crédit solidaire sont progressivement mis en fonction. Au mois de février 2004, l’Accorderie de Québec tient son assemblée générale de fondation et lance officiellement son réseau d’échange de services. La participation à l’échange de services devient la base de l’organisme et la condition d’accès aux autres volets de l’organisme. En effet, une période de participation à l’échange de services d’au moins six mois est exigée en guise de préalable à l’accès au crédit solidaire, une décision qui aura un impact positif immédiat sur le taux de remboursement. Pour les membres, aussi appelés les « accordeurs », trois types d’échange de services sont possibles : l’échange individuel, l’échange collectif et l’échange associatif (voir le tableau qui suit).

Tableau 1

Les trois catégories du volet échange de services à l’Accorderie de Québec

Les trois catégories du volet échange de services à l’Accorderie de Québec
Source : Auteur

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En plus de pouvoir échanger entre eux, les accordeurs peuvent ainsi mettre leur talent au service de l’organisme et voir leur engagement reconnu. Cet enracinement des usagers dans leur organisme est perçu par les fondateurs comme un moyen de créer un rapport de confiance et de solidarité entre les membres ainsi qu’entre l’organisation et les membres, un climat favorisant l’autonomisation (empowerment) des personnes en situation de pauvreté. De plus, ces différents types d’échange de services contribuent à l’autonomie de gestion de l’organisation ainsi qu’à la création de liens sociaux entre les accordeurs; ils sont donc un moyen de favoriser la mixité sociale.

La création du Réseau Accorderie

En 2007, l’Accorderie de Québec continue de croître : le nombre de ses membres a presque triplé et des points de service ont été installés à deux endroits de la ville de Québec. La formule gagne en réputation et des communautés de plusieurs villes de la province souhaitent fonder leur propre Accorderie. Devant cet intérêt grandissant, l’Accorderie de Québec obtient le soutien financier de la Fondation Chagnon afin de mettre sur pied un organisme capable de répondre à cette demande sociale. Ainsi naît le Réseau Accorderie du Québec, un organisme à but non lucratif dont le rôle est de développer, consolider et concerter le mouvement des Accorderies tout en s’assurant que l’échange de services demeure l’élément central de chacune des Accorderies.

Le changement de forme juridique

À partir de 2011, l’Accorderie de Québec entre dans une phase de transformation, mais aussi de précarité. D’abord, l’Accorderie de Québec devient une coopérative de solidarité, un projet latent depuis sa fondation. L’objectif de ce changement de forme juridique est de doter l’organisme d’une structure qui incarne davantage ses valeurs d’entraide, de solidarité et de mixité sociale. L’Accorderie de Québec cherche également à augmenter le pouvoir d’agir des accordeurs (Bilodeau, 2011), dont la participation a été réduite dans le contexte de la croissance rapide de l’organisme. En effet, plusieurs tâches originellement effectuées par les accordeurs ont été progressivement déléguées aux employés de l’Accorderie et du Réseau, une situation qui favorisait une certaine passivité chez les membres. C’est donc dans un esprit de coopération et de prise en charge que la majorité des sièges au conseil d’administration sont désormais réservés aux accordeurs et que ceux-ci sont invités à s’impliquer davantage au sein de l’organisation, tant sur le plan opérationnel que décisionnel.

Cette transformation coïncide avec une nouvelle dynamique de précarité financière. En effet, l’année 2011 est marquée par le retrait de la Fondation Saint-Roch, membre fondateur et principale source de financement opérationnel depuis dix ans. Maintenant reconnue à titre de coopérative de solidarité, l’Accorderie de Québec crée une nouvelle catégorie de membres, les membres de soutien, facilitant ainsi l’intégration et l’engagement à long terme de nouveaux partenaires financiers, issus notamment du milieu coopératif (p. ex. : coopérative scolaire, alimentaire, financière).

En somme, la transformation de l’OBNL en coopérative de solidarité représente pour l’Accorderie de Québec un moyen de mobiliser ses membres, de diversifier ses sources de financement et de renforcer ses liens avec la communauté. Elle soulève toutefois également un défi pour les dirigeants, les employés et les membres, qui doivent composer avec une réalité nouvelle et complexe à plusieurs égards.

ANALYSE DES DONNÉES

La situation de profonde transformation, voire de « crise », qui caractérise l’Accorderie à ce moment de son développement est particulièrement favorable à une résurgence de paradoxes latents (Westenholz, 1993; Smith et Lewis, 2011), dont les plus saillants sont décrits dans la suite de cette section.

Un paradoxe d’appartenance : l’opposition entre les identités individuelle et collective

Les paradoxes d’appartenance surgissent lorsque des enjeux identitaires entrent en conflit. Cette famille de paradoxes correspond aux tensions entre identité personnelle et appartenance à un groupe ou, encore, entre les rôles opposés que doivent tenir simultanément les membres d’une organisation. Dans le cas de l’Accorderie, la transformation de l’OBNL en coopérative de solidarité transforme également l’identité du membre, qui passe du statut de « bénéficiaire » à celui de membre utilisateur. En effet, la structure coopérative définit avec clarté les attentes de l’organisation envers ses membres : non seulement ils doivent faire usage des services de la coopérative et participer à sa vie économique, mais également participer à sa gouvernance et sa vie démocratique. Le président affirme : « On veut vraiment que les gens comprennent les enjeux de l’Accorderie et ne disent pas seulement “J’aime l’Accorderie parce que j’ai des services”. » L’engagement des membres sur le plan opérationnel et décisionnel est considéré comme un moyen de concrétiser cette transformation, de permettre aux accordeurs de prendre pleinement conscience de leur nouveau rôle en tant que membres de la coopérative. Ce n’est « pas pour s’enlever du travail, mais plutôt pour responsabiliser les Accordeurs », soutient la coordonnatrice. Par cette implication, l’Accorderie espère également renforcer le sentiment d’appartenance du membre envers la coopérative. Ce changement est présenté comme un outil de développement du pouvoir d’agir qui renforce les valeurs de l’Accorderie en invitant les membres à jouer un « rôle actif de vision, de mise en commun, de ressources, de reconnaissance, d’expertise », précise la directrice.

Le développement de cette nouvelle identité de membre exige toutefois une attention constante de la part du personnel de l’Accorderie. Selon l’animatrice, « il y a un travail très important [à faire] au niveau de l’animation du réseau pour que ça puisse bien fonctionner ». Cette stratégie peut également entrer en conflit avec les besoins à la source de l’adhésion des membres, qui s’inscrivent d’abord à l’Accorderie pour répondre à des besoins individuels. Les séances d’information et d’inscription, il est vrai, portent principalement sur les services individuels et associatifs; l’animatrice reconnaît que les besoins de l’organisation et ses attentes envers ses membres ne sont pas mis en avant au moment du recrutement. Or, la triple identité des membres – à la fois propriétaires, décideurs et bénéficiaires – qui caractérise toute coopérative semble renforcée dans le modèle de l’Accorderie, qui fait des membres non seulement des bénéficiaires des services que permet sa structure, mais également des prestataires de services pour les autres membres de l’Accorderie et pour l’organisation elle-même.

Devant ce paradoxe, la directrice adopte une attitude d’acceptation : « Je pense qu’il faut d’abord reconnaître que les besoins diffèrent au niveau du sentiment d’appartenance ou du sentiment d’implication. Il faut l’accepter. » Les employés tentent de trouver des stratégies concrètes afin de renforcer le sentiment d’appartenance et l’engagement démocratique des membres, notamment en multipliant les lieux d’échange et d’information sur le modèle coopératif et en mettant en valeur l’implication des accordeurs à l’occasion de l’assemblée générale.

Un paradoxe d’organisation : l’implication, problème ou solution?

Les paradoxes d’organisation désignent les tensions qui peuvent apparaître entre les différentes structures de décision et de travail d’une organisation, qui doivent parfois coexister simultanément malgré leurs contradictions intrinsèques. Dans le cas de l’Accorderie, l’implication des accordeurs sur le plan opérationnel, qui intervient comme une stratégie de renforcement identitaire des accordeurs à titre de membres, est également à la source d’un autre paradoxe qui relève de la structure d’organisation du travail. En effet, l’implication des membres suppose une redistribution du pouvoir formel (employés salariés et conseil d’administration) et informel, une accentuation de l’organisation « horizontale » au détriment du fonctionnement « vertical ».

De fait, la plupart des tâches déléguées aux accordeurs touchent des enjeux stratégiques pour l’Accorderie : représentation externe (p. ex. : tenue de kiosque), accueil et intégration des membres, comptabilité courante, fonctionnement du groupe d’achat, etc. Une telle répartition des tâches stratégiques est impensable pour les anciens employés de l’OBNL, qui réservaient l’échange associatif à des tâches périphériques. « Les membres font la différence, mais pas pour le fonctionnement; pour le rayonnement de l’organisation et l’accomplissement de tâches techniques, ce sont les salariés », affirme un ancien coordonnateur. Il en va, selon lui, de la pérennité et de la stabilité de la structure : « Si quelqu’un quitte et qu’il possède un savoir et une connaissance et que personne ne le remplace, c’est perdu; c’est la présence des employés qui assure une certaine permanence. »

Le changement de philosophie qui accompagne la transformation de l’OBNL en coopérative de solidarité remet en question ces convictions. En effet, l’accroissement de l’échange associatif est rendu nécessaire tant par la récente précarité financière de l’Accorderie que par la réaffirmation de l’implication comme moyen de renforcer le pouvoir d’agir des membres. Désormais, l’implication des membres n’est plus à considérer comme un apport complémentaire, mais comme une ressource indispensable, tant du point de vue de la réussite économique que de la mission sociale. Le personnel de la coopérative doit donc mettre beaucoup d’énergie à créer des outils, des procédures et des formations qui rendent cette redistribution du pouvoir possible sans mettre en péril la pérennité de l’organisation. Selon la directrice, « il y a quand même beaucoup de sollicitation au départ, et des outils qu’on commence à créer, à améliorer, à bonifier » en collaboration avec les accordeurs, en tenant compte de leurs rétroactions. Ainsi, cette solution visant à soulager les employés de certaines tâches accroît par ailleurs leur travail de sollicitation, de formation, d’animation et d’accompagnement.

Si l’ensemble des répondants s’accordent à dire que la présence d’un minimum de ressources humaines salariées est nécessaire à la pérennité de l’organisation, le rôle du personnel est modifié avec le passage au modèle coopératif. Il devient un rôle de « transmission », pense la directrice, et d’« agent de développement mobilisateur », estime l’animatrice. Les employés doivent ainsi accepter, voire favoriser, leur propre mise en retrait, malgré la perte d’un certain pouvoir ou du plaisir associé à l’accomplissement de ces tâches : « Moi, ça m’énergise d’aller dans des kiosques, j’aime ça! Mais il faut que j’arrête de faire ça. Il faut que je laisse ça à d’autres personnes, même si c’est une de mes forces », reconnaît l’animatrice.

Paradoxes d’apprentissage : gérer le changement et la croissance

Les paradoxes d’apprentissage renvoient aux tensions causées par le changement et le renouvellement auxquels sont nécessairement contraintes les organisations. Dans le cas de l’Accorderie, la hausse rapide du membership et l’expansion territoriale semblent, d’emblée, incompatibles avec la création d’un lien de proximité et d’un sentiment de communauté, qui sont des valeurs fondatrices de l’Accorderie. En outre, la croissance ne doit pas se faire au détriment de la mixité sociale, qui est le fondement de la mission sociale de la coopérative.

D’un point de vue organisationnel, la croissance du nombre de membres rend plus difficiles la cohésion et la transmission des valeurs : « À 850 membres, il faut renforcer les valeurs d’entraide, il faut renforcer l’importance de l’échange de services, de la solidarité, des compétences de chacun », affirme la directrice. Le défi consiste à concilier l’accroissement du membership et du territoire desservi tout en maintenant le lien de proximité et ce, dans un contexte de rareté des ressources. La directrice ajoute : « Quand on était exclusivement implantés dans le quartier Saint-Roch, cette dimension de communauté était effectivement bien campée. Maintenant, elle est à réinventer. » De fait, certains membres se sont détachés de l’Accorderie, parce qu’ils la trouvaient moins familiale qu’avant, rapporte l’animatrice. La coopérative est donc, à cet égard, victime de son succès.

En outre, l’Accorderie doit demeurer très attentive à maintenir l’équilibre de la mixité sociale dont dépendent la mission sociale de la coopérative et, de façon non négligeable, une part de son financement. « La stratégie est de dire qu’il faut à la fois ne refuser personne, mais conserver l’équilibre [entre les différentes classes sociales] », indique le président. Cet équilibre est toutefois difficile à maintenir, les individus les plus aisés étant beaucoup plus faciles à intégrer que les individus les plus marginalisés : « Le danger, reconnaît le président, aurait été que, graduellement, les gens qui sont les plus éloignés se [retirent]. » La coopérative doit ainsi concilier son désir d’être inclusive et le besoin de favoriser l’accueil d’une classe sociale plus « éloignée » du marché de l’échange.

Pour résoudre ce paradoxe, les employés tentent de recréer et de maintenir les liens de proximité en stimulant les réseaux qui se tissent entre les membres, ainsi que ceux qui existent entre l’Accorderie et ses membres (activités collectives, vie associative). Elles cherchent à stimuler simultanément ces différents réseaux sans favoriser l’un au détriment de l’autre : cela entraînerait « un déséquilibre de faire ça », affirme l’animatrice. Les employés s’inscrivent explicitement dans une perspective paradoxale, issue de la tension entre le désir de croissance – souhaitée, puisqu’elle permet d’accroître l’échange de services et de répondre à davantage de besoins – et les valeurs de proximité et de mixité, fortement liées à la volonté de renforcer le tissu social.

Un paradoxe de performance : les besoins des membres et la mission de l’organisation

Les paradoxes de performance découlent de la diversité des parties prenantes, dont les stratégies et les objectifs entrent en compétition. La transformation de l’Accorderie en coopérative de solidarité met en évidence un paradoxe lié à sa mission même, qui s’exprime notamment par l’opposition entre certains besoins manifestés par les membres et la vision du rôle et de la mission de l’Accorderie portée par les employés et appuyée par le conseil d’administration.

En effet, certains membres expriment un besoin de soutien individuel psychoaffectif, qu’ils espèrent trouver auprès des employés de cette entreprise « sociale », ce qui était plus naturellement le cas lorsque l’organisation était un OBNL. En effet, dans l’ancienne structure, « on avait comme philosophie l’accueil inconditionnel, dans le sens où, quand quelqu’un arrive, tu tasses tes affaires », affirme un ancien coordonnateur. À l’inverse, la vision du conseil d’administration de la coopérative est de considérer les employés comme simplement garants du maintien de la structure d’échange de services, laquelle permet de créer du lien social. Dans cette vision de la coopérative, la mission sociale n’est pas réalisée par le personnel, mais par la structure elle-même, dont les employés sont les gardiens. Le fait de répondre directement à ce besoin de soutien psychoaffectif est également perçu par l’animatrice comme problématique au regard du développement du pouvoir d’agir, de l’autonomie, « parce que tu crées un lien de dépendance », croit-elle.

Les deux perspectives sont contradictoires en ce qu’elles portent des visions du succès concurrentes et incompatibles, mais qui découlent toutes deux de la mission de l’entreprise. En outre, la réponse des employés au besoin ponctuel d’écoute et de soutien psychoaffectif des membres, dont elles reconnaissent l’importance, entre en contradiction avec un besoin d’efficacité, « parce que de prendre trop le temps avec les personnes, si tu [ne] cadres pas, à un moment donné, ça peut dévier » et créer des attentes auxquelles les employés ne sont pas en mesure de répondre à long terme, affirme l’animatrice. Les employés sont ici le reflet de la dynamique coopérative, tendue entre son objectif social et sa structure entrepreneuriale, entre le désir d’apporter le soutien attendu par ses membres et le besoin d’agir avec professionnalisme et efficacité.

Les employés adoptent une stratégie de séparation temporelle, en acceptant par moment de mettre de côté les tâches liées à leurs fonctions pour répondre aux besoins immédiats des membres, et en créant des moments de retrait, où elles ne sont pas disponibles pour les membres. Elles adoptent aussi une stratégie de séparation spatiale en créant des relations synergiques avec des organismes communautaires du milieu qui sauront répondre aux besoins psychoaffectifs de leurs membres. Ces organismes sont par le fait même des « alliés naturels » de l’Accorderie, pouvant adresser à celle-ci des membres potentiels lorsque son rôle de « créateur de lien social » répond aux besoins de leurs propres bénéficiaires.

DISCUSSION ET CONCLUSION

Au terme de notre analyse, nous constatons que des paradoxes particuliers sont bel et bien à l’oeuvre dans le cas étudié. La plupart de ces paradoxes s’expliquent directement par la nouvelle structure coopérative ou sont révélés par la situation de crise qui caractérise cette étape du développement de l’organisation étudiée. Dans cette coopérative à forte prépondérance sociale, les paradoxes sont liés, d’une part, au besoin de favoriser la mixité sociale et, d’autre part, à la volonté d’augmenter le pouvoir d’agir des individus en situation précaire. Quant à l’enjeu « économique », il se traduit notamment par la croissance du nombre de membres, tant utilisateurs que membres de soutien. Le nombre de membres utilisateurs est un indice de la réussite de la mission sociale et un facteur d’attrait pour les partenaires financiers. Le nombre de membres de soutien est pour sa part un indice de la capacité des milieux communautaire, coopératif ou capitaliste à attirer des capitaux.

Le paradoxe d’appartenance, qui oppose l’accordeur en tant qu’individu et en tant que partie d’un tout, est directement lié au statut de membre de ce dernier. Il tient à la notion d’engagement individuel, qui est l’une des caractéristiques dominantes des coopératives, la « prise en charge individuelle et collective » faisant partie des valeurs qui structurent l’identité coopérative. Il découle également de l’objectif, maintes fois exprimé par l’ensemble des répondants, d’accroître le « pouvoir d’agir » des accordeurs. Ici, la formule coopérative semble répondre de manière appropriée aux objectifs de l’organisation et même faire partie d’un « cycle de renforcement » (Sundaramurthy et Lewis, 2003) qui permet aux oppositions d’interagir de manière positive.

Le paradoxe d’organisation met en lumière l’enjeu du pouvoir managérial qui vient notamment du contrôle des connaissances et des outils techniques. Bien qu’il soit rassurant pour les employés, un tel contrôle éloigne les membres du pouvoir informel, de la possibilité d’influencer directement et en temps réel le devenir de la coopérative. Il est intéressant de constater que la transformation de l’OBNL en coopérative, qui pourrait être perçue comme un éloignement de la mission sociale de l’organisation, est au contraire fortement affirmée comme une manière d’incarner avec plus de vigueur ses valeurs fondatrices, notamment le développement de l’autonomie des individus et de l’autonomie de l’organisation par rapport à ses partenaires financiers[1].

Le paradoxe d’apprentissage, lié à l’expansion de la coopérative, rappelle la difficulté spécifique des coopératives de concilier croissance et participation des membres (Gupta, 2014; Spear, 2004). Ce paradoxe se manifeste toutefois de façon particulièrement prégnante dans cette organisation, pour laquelle la valeur de proximité constitue une facette de la mission sociale. En outre, contrairement à ce qui est observé dans la plupart des coopératives, l’accroissement du nombre de membres utilisateurs n’est pas compensé à l’Accorderie par une augmentation du chiffre d’affaires. La structure de membership multisociétaire apparaît ici comme une réponse à cette difficulté, l’augmentation du membership en nombre et en diversité devenant un argument pour justifier une plus grande implication des membres de soutien.

Étonnamment, le paradoxe de performance le plus prégnant ne met pas particulièrement en évidence un conflit de valeur ou de vision entre différentes catégories de membres (membres de soutien et membres utilisateurs); il oppose plutôt la vision des administrateurs et membres « pro-coopérative » et celle des membres qui s’identifient davantage au modèle OBNL. Cette situation s’explique peut-être par le fait qu’au moment de notre enquête l’adhésion de nouveaux membres de soutien était à l’état embryonnaire, le seul membre de soutien actif étant un membre fondateur. Cette situation indique toutefois que les paradoxes de performance, dans une coopérative, ne sauraient être réduits à la seule opposition entre la mission sociale et la mission économique. Dans ce cas, le paradoxe se manifeste à l’intérieur même de la mission sociale, mettant en évidence une dynamique paradoxale autour des moyens à utiliser pour la mettre en oeuvre.

Les stratégies adoptées par les employés semblent montrer que ceux-ci voient leurs réactions d’une manière qui correspond à la « gestion ambidextre ». En effet, ils adoptent souvent une attitude d’acceptation du paradoxe et de ses conséquences, soulignent leurs efforts pour ne pas favoriser un axe du paradoxe au détriment de l’autre, et cherchent à créer des synergies entre les forces et les valeurs opposées. Les chercheurs qui s’intéressent aux modèles organisationnels de l’économie sociale pourraient se pencher davantage sur les liens entre la dualité inhérente à ces entreprises et les stratégies de gestion des paradoxes adoptées par leurs dirigeants et leurs employés.

Par ailleurs, il semble que les stratégies adoptées par rapport aux paradoxes ou aux défis de gestion fassent souvent intervenir des principes ou des valeurs coopératives (ICA, 2015) : éducation coopérative et démocratique, soutien à l’autonomie et à l’engagement, création de liens entre les membres, coopération entre les coopératives. De futures recherches pourraient interroger ce lien entre la gestion ambidextre et les principes coopératifs, dont le respect est considéré comme un facteur de succès pour les coopératives (Novkovic, 2008).

Enfin, le rôle et la fonction des membres de soutien dans une coopérative de solidarité mériteraient une attention spécifique de la part des chercheurs, cette catégorie de membres étant tout à fait inédite dans le modèle coopératif.

En somme, si les paradoxes relevés dans cet article ne découlent pas directement du caractère multisociétaire de la coopérative, ils permettent de donner du poids à l’hypothèse selon laquelle la coopérative de solidarité exacerbe le versant social de ce modèle organisationnel (Defourny et Nyssens, 2013; Diamantopoulos, 2012). En effet, la composition multisociétaire apparaît comme une solution pour améliorer la rentabilité économique de l’entreprise sans mettre en jeu sa mission sociale. Cette étude met ainsi en évidence la manière dont une logique entrepreneuriale peut s’immiscer dans le modus operandi d’une organisation sans mettre à mal sa mission sociale, la renforçant même. La coopérative de solidarité constitue, dans le cas étudié, une voie de développement privilégiée afin de favoriser la diversité des liens sociaux ainsi que l’autonomie, tant sur le plan individuel qu’organisationnel.