RecensionsBook Reviews

RODON, Thierry, 2003 En partenariat avec l’État. Les expériences de cogestion des Autochtones du Canada, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 315 pages.[Notice]

  • Sophie Thériault

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Thierry Rodon est professeur associé à l’École de politiques publiques et d’administration de l’Université Carleton à Ottawa. Son ouvrage intitulé En partenariat avec l’État. Les expériences de cogestion des Autochtones du Canada reprend l’essentiel de sa thèse de doctorat déposée en 1998 au département de sciences politiques de l’Université Laval. Cet ouvrage constitue une contribution fort appréciée à la réflexion sur la gestion partagée des ressources naturelles renouvelables ainsi que plus généralement sur les relations de pouvoir entre les peuples autochtones et l’État canadien. Après un peu plus de 25 ans d’expérience de cogestion au Canada, l’auteur pose un regard lucide et opportun sur la réalité et les enjeux du partenariat entre l’État et les peuples autochtones. L’objet de l’ouvrage consiste à interroger la nature et l’ampleur de la participation des Autochtones aux institutions de cogestion ou le rôle de ces institutions dans la volonté des peuples autochtones de reconquérir du pouvoir. L’auteur soulève d’entrée de jeu les questions fondamentales suivantes: «Ces institutions sont-elles un instrument de contrôle politique et social et visent-elles l’intégration des Autochtones aux structures de l’État canadien?» ou au contraire, «leur permettent-elles de reprendre la maîtrise de leurs territoires ancestraux et constituent-elles ainsi un des éléments de leur reconquête du pouvoir?» (p. 20). L’auteur entend vérifier «si la cogestion permet aux Autochtones de réaliser leurs propres choix dans la gestion des ressources ou s’ils ne peuvent y participer que dans la mesure où ils acceptent les valeurs occidentales» (p. 21). Les trois premiers chapitres comportent des propos théoriques sur les concepts de pouvoir, d’autonomie et de cogestion. Cette discussion parvient très bien à situer dans un débat théorique plus large l’étude des régimes de cogestion spécifiques que l’on trouve au dernier chapitre. La reconquête du pouvoir se trouvant au coeur des luttes des Autochtones, il convient premièrement de se demander si les institutions de cogestion permettent de répondre à leurs aspirations. Peut-on donner du pouvoir ou le pouvoir ne peut-il qu’être pris? En conclusion à une discussion sur le concept de pouvoir en science politique et sur la nature et les caractéristiques du pouvoir des Autochtones, l’auteur propose d’analyser les relations de pouvoir dans les institutions de cogestion en référant au concept de régime politique développé par Easton (1974, 1990), qui distingue trois éléments caractéristiques des régimes politiques: les normes, ou cadres légaux et administratifs, qui régissent les institutions de cogestion et qui «permettront de déterminer la répartition formelle du pouvoir»; les structures d’autorité, ou la «capacité d’une organisation ou d’un acteur de réaliser ses préférences»; et enfin les valeurs, ou les «cadres idéologiques dans lesquels le pouvoir s’exerce». Au deuxième chapitre, après avoir présenté un historique des relations entre l’État canadien et les Autochtones, l’auteur propose une analyse intéressante du concept «d’autonomies». Sur un plan théorique, il affirme qu’il est possible d’identifier quatre modes d’interaction entre la société canadienne et les nations autochtones, soit l’assimilation, l’intégration, la coexistence et la séparation. À certains de ces modes d’interaction correspond un type particulier d’autonomie: l’autonomie politique, qui s’inscrit dans une perspective de coexistence et l’autonomie gouvernementale qui, à l’instar de l’autonomie administrative, se rattachent plutôt à la perspective de l’intégration. Tel que le remarque l’auteur, l’approche développée par les gouvernements fédéral et provinciaux privilégie les pouvoirs délégués ou dévolus et se situe dans une perspective d’intégration, alors que les groupes autochtones, adhérant plutôt à la notion de coexistence, défendent la notion d’un droit inhérent à l’autonomie. Cet antagonisme entre l’État et les peuples autochtones quant à la forme désirable d’autonomie est ensuite bien illustré par une analyse des questions fondamentales soulevées par l’autonomie politique des Autochtones, dont …

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