Comptes rendus

HOWELL, Colin D., Blood, Sweat, and Cheers. Sport and the Making of Modern Canada (Toronto, University of Toronto Press, coll. « Themes in Canadian Social History », 2001), 161 p.[Notice]

  • Christian Poirier

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  • Christian Poirier
    Département de science politique
    Université d’Ottawa

Professeur d’histoire à l’université Saint Mary’s, Colin D. Howell est un des rares spécialistes de l’histoire du sport au Canada. Il poursuit ainsi le travail entamé par quelques chercheurs précurseurs, notamment Alan Metcalfe et Bruce Kidd. Son projet est ambitieux. Il s’agit ni plus ni moins que de retracer l’évolution du sport au Canada (l’auteur examine aussi bien le hockey ou le baseball que le rodéo, le cricket et les Jeux olympiques), de la Confédération à aujourd’hui, en cernant les liens entre ce secteur d’activité et les multiples transformations sociales, économiques et politiques ayant affecté le pays. Le coeur de l’ouvrage est centré sur le passage — entre 1867 et la Première Guerre mondiale — de l’amateurisme au professionnalisme, qui a redéfini de façon fondamentale les façons de concevoir l’activité sportive en la transformant en un emploi rémunéré et inséré dans les rapports entre le travail et le capital qui ont accompagné le développement du capitalisme industriel au début du xxe siècle. Six chapitres composent cet ouvrage. Le premier montre comment — dans le contexte de l’arrivée croissante d’immigrants, de la diversification ethnique accrue et de changements démographiques majeurs — le sport a joué un rôle important dans l’élaboration de nouvelles manières de concevoir la citoyenneté canadienne et de négocier la transition d’une économie agricole à un ordre majoritairement industriel et urbain. Le sport devient ainsi de plus en plus organisé et appréhendé comme une source de profits par certains promoteurs. Les activités de loisir en général sont d’ailleurs très rapidement insérées dans l’économie de marché. Le deuxième chapitre examine de quelle façon, sous l’influence de la bourgeoisie anglo-saxonne, le sport est devenu un outil dans la création d’un ordre social respectable et dans le soutien de l’allégeance à l’Empire britannique, de même qu’à la nation canadienne en formation. Toutefois, à l’exception du tennis, du golf et du curling, la plupart des sports « importés » d’Angleterre (comme le rugby, le football ou le cricket) furent rejetés par la population qui préféra leur transformation (le rugby est devenu le football canadien) ou l’adoption de sports typiquement canadiens (le hockey) ou américains (le baseball, le basketball et le football américain). Si l’hégémonie de la bourgeoisie anglo-canadienne a ainsi pu être partiellement remise en question par les femmes, les travailleurs, les Canadiens français et les diverses minorités ethniques, il n’en demeure pas moins que le sport fut de plus en plus inscrit dans le cadre plus vaste de l’économie capitaliste et de l’ensemble des valeurs qui l’accompagnent, notamment l’individualisme, l’efficacité et le respect de la propriété privée. Le troisième chapitre aborde la période de l’entre-deux-guerres, qui marque une accentuation majeure de la commercialisation du sport et de son insertion dans l’orbite de l’accumulation du capital, le sportif devenant un « professionnel » commandant un salaire selon ses performances. Le sport n’est alors plus considéré comme un élément susceptible de participer à la création de communautés progressives, mais plutôt comme une forme de spectacle. Le chapitre suivant porte son attention sur l’auditoire. La radio, les journaux et les stratégies économiques des propriétaires de clubs ont contribué à augmenter de façon significative le nombre de spectateurs intéressés aux événements sportifs. Le cinquième chapitre aborde la question des rapports entre le sport et le corps. L’auteur montre de façon convaincante l’appropriation de certains sports par les femmes. Le dernier chapitre traite enfin des relations entre le sport et la construction de la nation canadienne. L’activité sportive y est présentée comme une composante importante, d’abord de l’indépendance progressive acquise par le Canada par rapport à l’Angleterre, puis de l’émergence de l’État-providence durant les années 1950 …